Trois objectifs pour les dix prochaines années : Les nouveaux défis de l’Union africaine
L’Afrique est très certainement le continent qui subit le plus les contrecoups des tensions géopolitiques extrêmes qui caractérisent actuellement le monde. La rupture, dès les premières semaines de la guerre en Ukraine, des sources d’approvisionnement en matières premières a confirmé l’extrême dépendance de l’Afrique vis-à-vis des marchés extérieurs. Cela vaut en particulier pour les céréales. Les sanctions imposées par les Occidentaux à la Russie et qui ont affecté les exportations de blé russe ont ainsi eu un effet désastreux sur une majorité de pays africains.
Comment peut-il en être autrement ? Près de 30% de la production mondiale de céréales provient de l’ancien empire soviétique. Certains pays africains importent jusqu’à 80% de leurs céréales de Russie. Face aux pénuries, les prix ont augmenté de manière vertigineuse, fragilisant davantage les pays. A l’inflation des denrées alimentaires comme le pain, s’ajoute la flambée des prix de l’énergie, des pesticides et des engrais. Il faut ajouter à cela la sécheresse exceptionnelle qui s’abat en ce moment même en Afrique du Nord et dans la Corne de l’Afrique affectant sérieusement les productions locales. Conséquence, pour la FAO : «le nombre mondial de personnes sous-alimentées pourrait augmenter de 8 à 13 millions de personnes en 2022/23 […] ». « Si la guerre dure, les impacts iront bien au-delà», ajoute l’agence onusienne.
Pour inverser la tendance et ne plus avoir à souffrir à l’avenir des chocs extérieurs, l’Union africaine (UA) a décidé de hâter la mise en place de son second Plan décennal qui prévoit de privilégier trois objectifs majeurs : la construction de routes et d’infrastructures de communication, l’augmentation de la production agricole et la transition énergétique. Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a présenté ainsi vendredi ce plan qui s’inscrit dans le cadre de l’Agenda 2063. « Le plan s’articulera autour de trois objectifs principaux : assurer une plus grande connectivité physique du continent par la construction de routes et d’autres infrastructures de communication, établir les conditions d’une production agricole continentale suffisante pour réduire les importations de denrées alimentaires et renforcer les capacités techniques pour que la transition énergétique puisse réussir», a-t-il déclaré.
Il a ajouté que pour atteindre ces objectifs, les pays africains sont invités à « mobiliser toutes les ressources intellectuelles, financières et matérielles ». Le responsable de la Commission de l’UA a invité également les Africains à « être créatif, inventif et surtout audacieux ».
L’Algérie en exemple
La déclaration a été faite au siège de l’UA à Addis-Abeba à l’occasion du 23e anniversaire de l’adoption de la Déclaration de Syrte de 1999, événement qui avait permis la création de l’Union africaine. De nombreux experts africains ont préconisé de suivre l’exemple de l’Algérie, un pays qui a décidé de se donner les moyens d’assurer sa souveraineté sanitaire et son autosuffisance alimentaire. Les efforts déployés par l’Algérie dans ces domaines commencent à donner leurs fruits puisqu’en l’espace de quelques années le pays est passé du statut d’importateurs de médicaments à celui d’exportateur. Les Algériens sont également moins dépendants de l’extérieur en matière de produits agricoles qu’il y a une vingtaine d’années.
A l’occasion, l’ancien chef de la diplomatie tchadienne a expliqué que l’Agenda 2063 est « le cadre stratégique du continent qui vise à atteindre son objectif de développement inclusif et durable » en 50 ans. Il a rappelé qu’il a été adopté par les chefs d’État et de gouvernement africains en 2013 et prévoit la mise en œuvre de cinq plans décennaux, dont le premier couvre la période 2013-2023 et le second débutera l’année prochaine. Pour chaque décennie, ces plans identifient les domaines prioritaires et des objectifs spécifiques, définissent les stratégies comme les mesures politiques nécessaires à leur réalisation et fournissent des informations à tous les acteurs clés aux niveaux national, régional et continental. Comme dans le cas du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique), l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Algérie sont les principaux concepteurs de l’Agenda 2063. Ces trois pays auxquels il est possible d’adjoindre certaines nations de l’Afrique de l’Est constituent les locomotives de l’Union africaine.
Khider Larbi