DébatsEntretien

Boumediene Bouzid, Secrétaire général du Haut Conseil islamique : «Raissouni a joué le rôle d’agent des services marocains»

Propos recueillis par Amar Malki

La Sentinelle : Raissouni a faitdes déclarations hostiles envers les pays voisins ayant fini par l’éjecter de la tête de l’Union Internationale des Oulémas Musulmans. Quelle est votre lecture des faits ? 

Boumediene Bouzid : Nous avons relevé ce genre de déclarations chez certains Oulémas marocains, ou encore chez des érudits qui activent dans le domaine religieux. Cependant, les déclarations de Raissouni ont pris d’autres dimensions. Car, elles ont émané d’un responsable présidant les destinées d’une organisation mondiale comprenant plus de 1200 adhérents représentant les pays musulmans, en plus du fait que ces déclarations surviennent dans des conditions particulières, notamment à l’aune des désaccords Maroc-Algérie. Cependant, je suis convaincu que Raissouni a été poussé par les services secrets marocains à faire des déclarations de telle nature. D’autant plus que le régime marocaina besoin de ces manœuvres et de susciter ce genre de déclarations émanant des personnalités ayant leur poids religieux dans le monde musulman. Raissouni croyait que le reste des oulémas musulmans allaient lui emboîter le pas. Tout le contraire s’est produit. Pour être explicite, Raissouni a retirerl’habit d’homme religieux pour enfiler celle du politique en accomplissant, sans plus ni moins, la mission d’agent des services secrets du Makhzen.

Raissouni persiste et signe quand même en ne voulant reconnaître ses torts !

Il ne peut pas le faire compte tenu de l’accord qu’il a conclu et des garanties lui ayant été accordées par le régime marocain. Il se serait rétracté s’il s’agissait de ses déclarations au nom de tel, à son nom personnel. L’accord antérieur qu’il a conclu avec des parties marocaines l’empêche de se rétracter. Sa situation prochaine prouvera cela dans l’avenir, notamment pour ce qui a trait sa promotion au Maroc.  Ayant lâché les positions de l’Union Internationale des Oulémas Musulmans, il  sera récompensé par la Mohamed VI en lui accordant, sans aucun doute, le poste de ministre des affaires religieuses.

Les propos de Raissouni ont suscité un tollé en Algérie, en Mauritanie et dans de nombreux pays…

La réponse algérienne n’a pas, heureusement d’ailleurs, émanée des officiels. Les réactions ont été celles de la société civile. Malgré mon poste de secrétaire général du Haut Conseil Islamique, j’ai répondu à mon nom et non pas au nom de l’Institution. La réponse apportée, algérienne  ou d’ailleurs, a émanée de Conseils de Fatwas, de l’association algérienne des Oulémas musulman et autres personnalités relevant de l’Union Internationale des Oulémas Musulmans. Une puissante réplique a émané de la Mauritanie, en plus des réponses de certains membres de la frange des frères musulmans. Ces derniers ont pris en compte que Raissouni est «un frère musulman » et ils ont tenu à le corriger. La réponse d’Oudjdi Ghouni à Raissouni est venue pour sauvegarder ces «frères ».

Quelle est la dimension des propos de Raissouni ?

Il est apparent qu’il y a une dimension terroriste à travers ces déclarations sachant «l’existence du courant violent à l’intérieur de mouvement des Frères». Il faut aussi se rappeler que Sayed Qotb est membre des frères.  Cette tendance au sein des frères musulmans est violente. En dépit ddu recul de cette tendance en Algérie marquée par l’intégration de ces «frères » aux efforts des autorités, il en est autrement pour d’autres qui sont nostalgiques d’une interprétation dévoyée du Djihad et de la violence. Et c’est le cas de le dire pour Raissouni. En plus, les «Khouanes » algériens sont en totale divergence avec les « Khouanes » marocains, notamment en ce qui a trait au patriotisme et les causes nationales. S’ils convergent sur le plan religieux, ils sont diamétralement opposés dans ce qui a trait à la politique. Il en est de même pour «les frères musulmans» tunisiens divergents des « Khouanes» égyptiens. Le modèle Khouanji le plus développé sur le plan démocratique est turc. Une question est en droit de se poser : est ce que le reste des mouvements du monde peuvent opter le modèle d’Erdogan  ou encore seront-ils figés dans l’ancien modèle égyptien ?

L’Algérie a franchi des pas importants dans la déradicalisation…

L’Algérie des années 1990 a fait que notre pays a pris en compte l’intégration de l’islamiste dans l’exercice politique en Algérie, d’où la baisse de la violence, la baisse des hostilités à l’encontre de l’Etat. Le Mouvement islamiste, de par le monde,  commence à s’intégrer. Car, l’échec de ces mouvements en Egypte et en Tunisie ont fait que ces mouvements revoient leurs calculs politiques, tout en étant convaincus qu’ils ne peuvent pas accaparer le pouvoir à eux seuls.Cependant, force  est de constater que des appels au terrorisme se poursuivent à travers des plateformes internet, sous couverts du pacifisme

Cependant, le nombre de ces islamistes qui activent sur les réseaux sociaux, Facebook et autres, est limité, en matière d’organisation. Pour ce qui est des mouvements islamistes algériens à l’image d’El Bina et du MSP, ces derniers sont fortement ouverts aux autres courants politiques. Les courants extrémistes n’ont plus d’avenir en Algérie, à moins de deux facteurs. Il s’agit d’abord de l’enfermement politique en muselant les libertés et la démocratie pour virer vers l’autoritarisme. Le deuxième point est lié à la question religieuse, l’abandon de ce créneau permettra aux extrémistes de revenir sur la scène et occuper les tribunes, les mosquées. Il est tout de même nécessaire de contrôler les espaces internet, les écoles coraniques et les associations caritatives qui transmettent le discours religieux.

A. M.

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