Lutte contre le terrorisme au Sahel et néocolonialisme : Le Mali dézingue la France à l’ONU
Le Premier ministre malien par intérim a taclé, à plusieurs reprises, les autorités françaises à l’Assemblée générale de l’ONU. Abdoulaye Maïga a en effet fustigé la fin précipitée de l’opération Barkhane, estimant que la France avait « poignardé » le Mali dans le dos.
Le colonel Abdoulaye Maïga, Premier ministre malien par intérim, a mis à profit son discours à l’Assemblée générale des Nations-Unies pour rendre la monnaie de leur pièces aux « ennemis » de Bamako. Le responsable malien s’en est ainsi particulièrement pris samedi au gouvernement français qu’il a qualifié de «junte». Évoquant le retrait des militaires français de la force Barkhane du Mali, Abdoulaye Maïga a estimé lors de son intervention à l’Assemblée générale des Nations unies que le Mali avait été «poignardé dans le dos par les autorités françaises ». La France a quitté le Mali mi-août, alors qu’elle y officiait militairement depuis presque dix ans. «Les autorités françaises (…) se sont transformées en une junte au service de l’obscurantisme», a déclaré, trois fois, le colonel Maïga. Il a accusé, de plus, la France de «pratiques néocoloniales, condescendance paternaliste et revancharde». La «junte française (…) instrumentalise les droits de l’Homme pourtant respectés au Mali », a-t-il martelé sous un tonnerre d’applaudissements. Apparu très remonté contre le président français Emmanuel Macron, le colonel Maïga a clairement reproché à Paris d’avoir « commandité » les sanctions prises par la CEDEAO contre le Mali. Le haut responsable a plus généralement accusé la France d’avoir abandonné ses valeurs humanistes, héritées des Lumières.Il est à rappeler que le froid s’est installé entre le Mali et la France depuis plusieurs mois. Les attaques de part et d’autre ont été nombreuses. L’ambassadeur français a été expulsé d’ailleurs du Mali en janvier dernier, après avoir remis en cause les autorités de Transition. Le Mali reproche également à la France de soutenir le terrorisme sur son sol. La France «soutient et arme les terroristes», a clamé le responsable malien, disant disposer de preuves pour le Conseil de sécurité. Bamako a d’ailleurs récemment saisi l’ONU à ce sujet. Les tensions entre les deux capitales se sont une nouvelle fois accentuées après l’arrestation de deux militaires de l’ambassade de France, mi-septembre. Un temps soupçonnés d’espionnage, ils ont finalement été libérés.
Le Premier ministre malien n’a également pas épargné dans son discours le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qu’il a accusé de rouler pour les puissances occidentales. António Guterres a particulièrement provoqué l’ire de Bamako quand il a contredit les autorités maliennes et affirmé, il y a quelques jours dans une interview à la presse française, que les 46 soldats ivoiriens détenus au Mali depuis début juillet n’étaient pas des «mercenaires». L’affaire a, rappelle-t-on, tourné à la crise diplomatique entre Bamako et Abidjan. «Souffrez que je vous exprime mon profond désaccord suite à votre récente sortie médiatique», a lancé le colonel, qualifiant l’affaire de «bilatérale et judiciaire». Il a estimé que cela «ne (relevait) pas des attributions du secrétaire général des Nations unies». « M. le secrétaire général, le Mali tirera toutes les conséquences de droit de vos agissements », a-t-il ajouté, avant de réitérer sa demande d’une réforme de la force de maintien de la paix de l’ONU au Mali, la Minusma.
Le colonel Maïga a vertement critiqué aussi plusieurs responsables africains comme le président nigérien Mohamed Bazoum. Le Premier ministre malien n’est pas également allé de main morte avec le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara, en décrivant la « manœuvre » permettant à un président de «conserver le pouvoir pour lui seul et son clan» en changeant la Constitution pour obtenir un troisième mandat. Il a accusé, en outre, le président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embalo, de «mimétisme» des Nations-Unies. «Il est important de lui préciser que le secrétaire général des Nations unies n’est pas un chef d’Etat et le président en exercice de la Cédéao n’est pas un fonctionnaire. Par conséquent, il serait indiqué qu’il ne banalise pas la Cédéao», a-t-il déclaré. Le responsable malien a, en revanche, salué «les relations de coopération exemplaire et fructueuse entre le Mali et la Russie »
Khider Larbi