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Relations entre la France et le Maroc : Un froid glacial s’installe

C’est devenu aujourd’hui un fait : la France et le Maroc sont dans une crise. Les relations entre les deux pays sont touchées par tel froid diplomatique que le président français Emmanuel Macron et le roi du Maroc Mohammed VI ne se parlent plus depuis des mois. Realpolitik oblige, seuls le business et la coopération sécuritaire n’ont pas arrêtés. Il faut dire que Paris retient une foultitude de griefs à l’encontre du Maroc. Et pas des moindres.

La situation inquiète tellement le Makhzen qu’il a décidé récemment de mobiliser ses réseaux politiques et médiatiques en France pour amener le chef de l’Etat français à reprendre langue avec Mohammed VI. Pour le moment, toutes les tentatives entreprises se sont soldées par des échecs puisque Emmanuel Macron ne prend toujours pas la peine de répondre aux messages du souverain marocain qui, pourtant, habite presque à plein temps à une encablure de l’Elysée.

Les relations entre la France et le Maroc sont mauvaises à ce point ? A en croire le magazine Jeune Afrique qui consacre au sujet un long article dans sa dernière édition, c’est même pire ! Les rapports entre les deux pays sont même «exécrables», lui a confié, à ce propos, un ancien diplomate français. « Contrairement à ce que la France et le Maroc veulent laisser croire, il ne s’agit pas uniquement de tensions récentes autour du Sahara occidental, ou de l’affaire des écoutes téléphoniques via le logiciel Pegasus, que Macron aurait prise comme un affront personnel, malgré les démentis du Maroc, et qu’il n’aurait toujours pas digérée, ou du contentieux sur les visas», assure cette même source. Alors de quoi s’agit-il exactement ?

Panique au Makhzen

Le magazine Jeune Afrique qui est connu pour rouler le Makhzen estime que la crise entre Paris et Rabat est «en réalité un mille-feuille d’incompréhensions (…) depuis le premier mandat d’Emmanuel Macron». « Après la présidence Hollande, la relation est passée de fraîche à glaciale », ajoute la même source. Un état de fait qui serait lié à «l’absence de sensibilité marocaine du président français ». Quoiqu’il en soit la crise est telle que le président français risque de ne pas se rendre au Maroc avant un bon bout de temps. Dans l’agenda de l’Elysée aucun déplacement d’Emmanuel Macron à Rabat n’est d’ailleurs prévu.

En fait, il ressort de l’enquête de Jeune Afrique que Mohammed VI et le Makhzen ont une grande angoisse : c’est que le Maroc ne soit plus perçu comme un pays important par Emmanuel Macron. Cette hantise s’explique par le fait que la France ne nomme plus de diplomates chevronnés à Rabat comme elle le faisait par le passé. Pour les autorités marocaines, le Maroc a clairement subi un déclassement. En revanche, Paris focalise beaucoup plus son attention sur l’Algérie, pays qui a gagné davantage en importance sur le plan stratégique depuis le début de la guerre en Ukraine. Élément qui a contribué à installer une importante panique dans les hautes sphères dirigeantes marocaines.

Autre fait important à signaler et qui peut expliquer davantage le désarroi de Mohammed VI et de ses courtisans, Rabat ne possède plus en France de réseaux capable de défendre les intérêts du Maroc comme ce fut le cas sous Chirac ou Sarkozy. La nouvelle technocratie française se caractérise, signale-t-on, par un grand désintérêt à l’égard du Maroc. A l’inverse, le Front Polisario a, par exemple, réussi à tisser un réseau de relations qui lui permet d’organiser des conférences en France, y compris au sein même de l’Assemblée française.

Justement par rapport au conflit du Sahara Occidental, Emmanuel Macron a vu d’un mauvais œil la tentative de Mohammed VI de lui forcer la main pour reconnaitre la prétendue marocanité des territoires sahraouis. «Emmanuel Macron n’apprécie pas du tout de sentir que Rabat lui force la main ou lui fait du chantage. Paris n’ira pas plus loin sur la question du Sahara, car il considère que la France a déjà une position positive par rapport à ce dossier et ne comprend pas ce que le Maroc veut de plus. Surtout, Macron a à cœur de consolider sa relation avec Alger», explique une autre source à Jeune Afrique.Le même média croit savoir également que la France est préoccupée par « l’influence (…) du Maroc en Afrique subsaharienne ainsi que la diversification par Rabat de ses partenariats stratégiques, avec des pays comme Israël (…)». En décodé, Paris – qui a toujours protégé le Makhzen – soupçonne Rabat d’avoir mis sur pied un agenda international susceptible de parasiter ou même de contrarier son action dans la région. En somme, Mohammed VI a asséné un véritable coup de poignard dans le dos du président français.

Khider Larbi

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