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Lutte contre le terrorisme, instabilité politique et situation humanitaire difficile : Le Sahel dans l’œil du cyclone

Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’Etranger, Ramtane Lamamra, s’est entretenu, mardi à Alger, avec le président du Panel de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel, l’ancien Président du Niger Mahamadou Issoufou, qui a effectué une visite de travail en Algérie.

Selon un communiqué rendu public par le ministère des Affaires étrangères, « l’entretien a porté essentiellement sur la mise en œuvre du mandat confié par les Nations Unies et l’Union Africaine au président Issoufou, en vue d’évaluer les défis auxquels sont confrontés les pays de l’espace géostratégique du Sahel et de recommander des réponses collectives adéquates notamment en matière de sécurité et de développement». Les échanges ont permis, selon la même source, « de mettre en lumière les efforts consentis par l’Algérie dans le cadre de la coopération sécuritaire inter-africaine pour la lutte contre les menaces terroristes ainsi que ses initiatives visant à promouvoir l’intégration économique dans la sous-région à travers de grands projets structurants tendant à favoriser une prospérité partagée à travers la zone africaine de libre échange (ZLECAF) ». L’accent, ajoute-ton, a été mis sur l’importance de concevoir et de mettre en œuvre des « solutions africaines aux problèmes de l’Afrique » et de renforcer l’action de l’Union Africaine qui est appelée à assumer un rôle majeur en matière de prévention et de résolution des crises politico-sécuritaires sur le continent et de promotion de réponses collectives face aux défis climatique, démographique, humanitaire et de développement économique et social.

Solutions africaines aux problèmes africains

M. Issoufou qui a été également reçu hier par le président Abdelmadjid Tebboune a souligné, à l’occasion, « le rôle important de l’Algérie pour la stabilisation et le développement de la région du Sahel », tout en se félicitant du soutien apporté par les autorités algériennes pour le succès de sa mission ainsi que des actions envisagées par les Nations Unies et l’Union Africaine pour l’avènement d’une ère nouvelle dans la région.

La visite de l’ancien président nigérien à Alger intervient dans un contexte régional extrêmement critique. La situation au Sahel se caractérise en effet par une importante recrudescence du terrorisme, une instabilité politique chronique, une démographie galopante et une aggravation de la situation humanitaire. Le constat vaut notamment pour le Mali, le Niger et le Burkina Faso où les groupes armés terroristes ont gagné du terrain. Les percées opérées par les terroristes menacent même l’existence de certains Etats comme le Burkina Faso.

Le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a d’ailleurs appelé le 11 novembre dernier les Burkinabés à prendre conscience de la gravité de la situation et à « se battre à mort » pour sauver la patrie. L’insécurité croissante et les blocus imposés par les terroristes dans de nombreuses régions du Burkina Faso ont laissé les communautés coupées du reste du pays et confrontées à une faim croissante. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), un quart de la population, soit quelque 4,9 millions de personnes, a besoin d’une aide d’urgence. Il s’agit de 40% de plus qu’au début de l’année. Dans ces conditions, « un Burkinabé sur dix est déplacé de chez lui par des conflits dévastateurs et des chocs climatiques ». 

La situation est aussi préoccupante au Mali. Dommage collatéral de l’instabilité née du renversement par les Occidentaux en 2011 du guide de la révolution libyenne Mouammar El Gueddafi, le pays est également pris en étau entre une crise sécuritaire sans fin, une gouvernance approximative de ses richesses et une instabilité politique qui ont grandement fragilisé ses institutions. Les atermoiements des responsables maliens pour mettre en œuvre l’accord de paix signé à Alger en 2015 et destiné justement à extirper le Mali de sa crise multidimensionnelle est un facteur qui contribue à l’instabilité du pays. Mais c’est sur le front de la lutte antiterroriste que l’échec de Bamako est le plus perceptible. Dotée de capacités extrêmement limitées, l’armée malienne n’arrive pas à se projeter en dehors de Bamako, ce qui expose particulièrement les régions du nord du pays aux exactions terroristes.

L’inertie de l’ONU

L’ONG Human Rights Watch a publié récemment un rapport faisant le constat que des groupes armés, affiliés au groupe Etat islamique, ont ainsi massacré des centaines de villageois depuis le début de l’année dans le nord-est du Mali. Le fléau du terrorisme au Sahel a déjà causé plus de 30 millions de déplacés ou réfugiés à l’intérieur de leur propre pays. Aujourd’hui le danger est tel que les populations des localités ciblées par les groupes armés terroristes ont décidé de s’organiser pour assurer elles-mêmes leur défense. S’il ne se ressaisit pas, le Mali risque fatalement de sombrer dans le chao. Le Niger est confronté pratiquement aux mêmes défis que ses voisins malien et burkinabé, ceci à la différence que le pays est plus stable politiquement et qu’il bénéficie d’un soutien plus conséquent de la communauté internationale. Il est également caractérisé par une gouvernance plus rationnelle. Mais la menace y est tout aussi pesante.

Pourquoi la lutte contre le terrorisme au Sahel s’est pour le moment soldée par un échec ? Beaucoup de spécialistes pointent avant tout toutefois les limites de la doctrine des Nations unies qui n’est adaptée pour une prise en charge de la problématique du terrorisme. Pour eux, les opérations classiques de paix des Nations unies doivent être revues de fond en comble. Ajouté à cela, l’inertie du Conseil de sécurité de l’ONU en matière de lutte contre le terrorisme en Afrique traduit clairement la défaillance du système multilatéral. Concernant cet aspect de la question, il est certain que le président Issoufou est reparti d’Alger avec plein de propositions susceptibles de faire avancer la cause du Sahel, l’Algérie étant pleinement engagée depuis des années à aider la région à éloigner les dangers qui la guettent.

Khider Larbi  

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