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Recours massif du Makhzen aux faux comptes, mouches électroniques et propagande : L’arsenal de la discorde !

Au lieu d’œuvrer au rapprochement des peuples du Maghreb, le régime marocain s’emploie au contraire à creuser des fossés entre les pays de la région.

Diviser pour mieux régner semble être la devise favorite du Makhzen. Pour y parvenir, il n’hésite pas à utiliser ses propres citoyens. La fuite d’un document marocain officiel révèle ainsi ses pratiques abjectes pour semer la discorde entre les populations du Rif (nord du Maroc) et les Sahraouis. Comment les propagandistes du Makhzen s’y sont-ils pris ?

Les services de renseignement marocains ont créé près de 3.000 faux comptes Facebook pour attaquer le Front Polisario et créer des conflits entre les Sahraouis et les Rifains, une population rebelle connue pour tenir tête au Makhzen. «Vu l’élan de solidarité entre les Rifains et le Front Polisario affiché récemment sur Facebook (…) il a été procédé en coordination avec nos agents experts en réseaux sociaux à l’ouverture de 3.000 faux comptes avec des pseudonymes rifains afin de fomenter et de semer la discorde entre les Rifains et le Front Polisario », peut-on lire dans un document daté du 15 octobre 2016 émanant de la Direction générale de la surveillance du territoire du Maroc relevant du ministère de l’Intérieur.

Ce nouveau scandale intervient un mois après les révélations d’une enquête qui a mis en lumière les pratiques du Makhzen visant à faire taire les dernières voix dissidentes au Maroc, à travers notamment l’utilisation d’une dizaine de faux comptes sur les réseaux sociaux pour discréditer et harceler des journalistes détenus, dans le cadre d’une campagne en ligne coordonnée.

Désinformation à grande échelle

L’enquête menée par le DFRLab basé aux Etats-Unis, en collaboration avec le Global Reporting Centrer et le Projet de lutte contre la désinformation de l’université Simon-Fraser, a révélé en effet en novembre dernier que la direction de la société américaine « Meta » avait, le 22 mai dernier, supprimé 43 comptes Facebook dont l’objectif était de mener des campagnes coordonnées et soigneusement préparées pour dénigrer des journalistes et un groupe de dissidents marocains, certains sur une période de six ans. « Meta a supprimé les 43 comptes après avoir déterminé qu’ils étaient liés à un réseau précédent de 385 comptes et six pages Facebook ainsi que 40 comptes Instagram, supprimé en février 2021 », précise l’enquête, relevant que « les comptes découverts fonctionnaient dans un effort concerté sur Facebook pour partager du contenu aligné sur les objectifs de l’Etat marocain ».

En plus de récits ciblant les journalistes Omar Radi et Soulaiman Raissouni, « les comptes rendus ont fait état d’attaques vigoureuses contre d’autres défenseurs des droits humains et des citoyens marocains critiques à l’égard de l’Etat ». Il s’agit notamment de « l’homme politique et avocat emprisonné Mohamed Ziane, de l’historien et militant des droits humains, Maati Monjib, du dissident et youtubeur Zakaria Moumni et de la youtubeuse Dounia Filali et de son mari Adnane Filali ». « De nombreux comptes ont partagé le même contenu à des périodes proches ou identiques à travers un ensemble cohérent de sources alignées sur l’Etat marocain », avait souligné l’enquête.

La même source ajoute que « les comptes ont également écrit des commentaires désobligeants à propos de certains de ces journalistes sur les publications Facebook de médias pro-gouvernementaux», notant que « certains des comptes ont ‘’liké’’ des publications identiques, ce qui implique un degré de coordination de l’engagement, en plus de la coordination du contenu ». L’enquête a fait, en outre, ressortir que «les 43 comptes se sont livrés à la désinformation et à la diffamation pour attaquer des journalistes au Maroc », en «publiant le contenu d’articles dénigrant Omar Radi et Soulaiman Raissouni, ainsi que des commentaires haineux sur des publications Facebook de médias ».

Un réseau actif pendant 6 ans

Les auteurs de l’enquête font remarquer que « le réseau a été actif pendant au moins six ans », soulignant que « pendant cette période, le gouvernement marocain a arrêté et emprisonné plusieurs des individus visés par les comptes ». « Il a notamment été actif à des dates où Radi et Raissouni ont été menacés d’arrestation ou de comparution devant le tribunal, y compris avant leur condamnation initiale et pendant leurs procès en appel », ont-ils précisé. « Cette manipulation des réseaux sociaux faisait partie d’un éventail d’outils utilisés dans le cadre d’une campagne beaucoup plus large de harcèlement et d’intimidation alignée sur l’Etat », conclut l’enquête.

Il à signaler par ailleurs que le Maroc continue toujours d’utiliser le logiciel espion israélien Pegasus pour espionner ses citoyens et les pays de la région malgré le scandale qui l’a éclaboussé l’année dernière et qui a valu aux responsables marocains d’être rappelé à l’ordre par beaucoup de capitales occidentale. «Un an après les révélations concernant le Projet Pegasus, l’absence de moratoire mondial sur la vente de logiciels espions permet au secteur de la surveillance de poursuivre ses activités de façon incontrôlée», a déclaré en juillet dernier l’ONG Amnesty International dans un communiqué.

Les nouvelles cibles de Pegasus

Au cours de l’année écoulée, «le Security Lab (d’Amnesty international) a découvert de nouveaux cas de personnes ciblées au moyen de Pegasus au Maroc (…). De plus, le Security Lab a confirmé de façon indépendante de nombreux cas supplémentaires où Pegasus continuait d’être utilisé pour cibler de façon illégale des personnes au Maroc et en Espagne, ou même par Israël », alerte l’ONG.

Il est à rappeler que plusieurs enquêtes et procès contre la société de l’entité sioniste NSO, qui a conçu ce programme espion, sont en cours en Inde, au Mexique, en Espagne, en Pologne et en France. En mars, le Parlement européen a mis en place la commission d’enquête PEGA pour enquêter sur l’utilisation de Pegasus et d’autres logiciels espions en Europe. Au total, ce sont quelque 50.000 numéros de téléphones de personnalités de plusieurs pays comme la France, l’Algérie, la Belgique et l’Espagne qui sont concernés par des attaques de ce logiciel sioniste.

Khider Larbi

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