ContributionDébats

Face aux turbulences mondiales et une situation interne complexe : Des défis à l’horizon 2023-2025

Par le Dr. Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international

Le fondement du développement au XXIème siècle repose surla dialectique sécurité nationale,bonne gouvernance et valorisation du savoir . Le défi que l’Algérie, pays aux importantes potentialités, devra relever entre 2023/2025 est le redressement économique, condition sine qua non de l’atténuation des tensions sociales

Le monde est en crise, contexte au cours duquel, notamment durant la période récente 2020/2022, l’Algériea été confrontée àdifférentes crises conséquences de facteurs externes qui ont touché la majorité des pays de la planète. Des facteurs issus de la pandémie de coronavirus et les tensions géostratégiques Ukraine-Russie, conflit vis-à-vis duquel l’Algérie a adopté une position de neutralité. La pandémie a lourdement affecté lesrecettes hydrocarbures en 2020et le conflit en Ukraine risque de gonfler la valeur des importations de certains produits alimentaires d’autant plus du fait que l‘Ukraine et Russie représentent 33% des exportations mondiales de céréales et les perturbations induite par le conflit sur les approvisionnements du marché ont alimenté une hausse des prix en 2022. En 2023, l’Algérie devra en considération les risques liés à la décision de plafonnement du prixdu gaz à 180 euros le mégawattheure prise par l’Union européenne le 19/12/2022, principal client de l’Algérie ( 40% de ses recettes),età unecroissance en berne de l’économie mondialepour 2023.L’exposition de l’économie nationale aux crises n’est pas le produit du hasard mais est elle est le résultat de toutes les politiques menées de 1963à ce jour. Car nous ne devons jamais découper l’Histoire en morceaux et on ne peut pasincomber la responsabilité des actions négatives entre 2000/2020 à autrui, pour nous en tenirla période récente, et au président de laRépubliquequi ne peut pas en un coup de baguette magiqueredresser une situation alarmante entrois ans, encore que d’importants efforts ont été accomplis durant cette période. Rappelons-nous la situation sociopolitiqueen 2019 où les fondements de l’ Etat étaient menacés, situation durant laquelle on ne pouvait espérer un développement sans stabilisation politiqueet sans sécurité.

Le cancer de la bureaucratie

Mais onne peut continuer dans la trajectoire du passé. Il est nécessaire de réformer une politique qui a été coûteuse sans produire des résultats conséquents. Selon un rapport du Premier ministère faisant le bilan des trente dernières années, l’assainissement des entreprises publiques a coûté, jusqu’en 2020 au Trésor public plus de 25 milliards de dollars. Selon les données du Premier ministres, les différentes opérations de réévaluation à répétition des projets d’équipements publics ont coûté à l’État, 8.908 milliards de dinars sur la période 2005-2020,(65 milliards de dollars au cours actuel )soit une moyenne de près de 3,5 milliards de dollars par an.Ce n’est pas simple, ce qui explique qu’en 2022,l’économie algériennedépendtoujours pour sesexportations en devisesdes hydrocarbures.Pour y remédier il est nécessaire relancer la production et l’investissement. Mais nous devons reconnaître que l’obstacle majeur estle cancer bureaucratique,tant au niveau central que local.Bon nombre de directives en conseil des ministres, sur le plan économiquen’ont pas été toutesrespectées entre 2020/2022 etle président de la République l’a fait savoir au cours différents conseils des ministres où certains départements ministériels sans comptercertains responsables au niveau local n’ont pas été la hauteur des nouveaux défis, avec surtout de l’activisme. Le président de la République n’apas besoin de louanges, de discours et depromessesdéconnectés des réalités, pratiques du passé,mais deréalisations effectives sur le terrain.

Quels sontles principaux indicateurs macro-économiquesde la loi de finances 2023 ?

Pour relever les défis économique et sociaux qui pourraient se poser en 2023, la Loi de finances pour l’exercice prochain propose certaines mesures. Le cadrage macroéconomique de la Loi de finances pour 2023 est assis sur un prix de référence du baril de pétrole brut à 60 dollars pour la période 2023-2025 et un prix du marché du baril de pétrole brutde 70 dollars. Les recettes budgétaires totales prévisionnellessont estimées à 7.901,9 milliards de dinars en 2023et les dépenses budgétaires devraients’élever à 13.786,8 milliards de DA . Les dépenses de fonctionnement devront augmenter de 26,9% en 2023 pour atteindre 9.767,6 milliards de DA dont La masse salariale globale devrait atteindre 4.629 milliards de dinars durant le prochain exercice, ce qui représente 47,39% du budget total dédié au fonctionnementetles dépenses d’équipement devront passer de 4.019,3 milliards de DA.Le taux de croissance économique devrait atteindre 4,1% en 2023. Les recettes des exportations de biens devraient atteindre 46,3 milliards de dollars en 2023 et les importations de biens non compris les servicesqui ont été en 2021 à environ 6/7 milliards dedollarsdevraient diminuer à 36,9 milliards de dollars en 2023. S’agissant des exportations de biens à la fin de l’année en cours, elles devraient atteindre 56,5 milliards de dollars (dont 49,5 pour les exportations des hydrocarbures), contre 38,6 milliards de dollars en 2021. Les importations de biens au titre de l’année en cours devraient frôler les 38,7 milliards de dollars (37,5 milliards en 2021). Quant à la balance des paiements, elle enregistrera un excédent de 11,3 milliards de dollars (6,3 % du PIB), un niveau jamais atteint depuis 2014.Aussi, la balance commerciale devrait enregistrer un excédent de 9,4 milliards de dollars en 2023, et la balance des paiements devrait enregistrer un excédent de 5,7 milliards de dollars.Les réserves de change devraient passer de 55 milliards de dollars fin 2022 à 59,7 milliards de dollars fin 2023 représentant r16,3 mois d’importations de biens et services hors facteurs de production.Le déficit budgétaire de l’année 2023 atteindra 5.884,9 milliards de DA (-22,5% du Produit intérieur brut), soit l’équivalent de plus de 42,95milliards de dollars au cours du 19/12/2022 soit 137 dinars pour un dollar contreenviron 30 milliards de dollars en 2022. Un déficit qui devra être épongé par les ressources du Fonds de régulation des recettes lequel est alimenté par l’excédent de la fiscalité pétrolière non budgétisée. Quant aux exportations hors hydrocarbures, il faudrait éviter des doubles emplois , les dérivées d’hydrocarbures étant inclus dans les recettesde Sonatrach et également dans la rubrique hors hydrocarbures et l’annonceen date du 18/12/2022 du ministre du commerce de 5,5 milliards de dollars horshydrocarbures entrejanvier et octobre 2022 inclut les dérivésd’hydrocarbures qui ont connu une hausse de prix importante en 2022 sur le marché international. Il est donc nécessaire de donner le volume des exportations et les différentes subventionspour une appréciation objective des exportations hors-hydrocarbures.

Un budget social

Le caractère socialest maintenu dans cette loi en attendant la mise ne œuvre d’une politiquede subventions ciblées. Une nécessitéet cela n’est pas propre à l’Algérie, du fait de la crise qui frappe la majorité des pays avec l’important déficit budgétaireet l’endettement public de bon nombre de pays développés. Or, ce processus est complexe du faitde l’effritement du système d’information et de l’importance de la sphère informelle, ce qui complique la tâche de recensement et de ciblage des ménages selon les revenus.Le budget annuel affecté aux transferts sociaux en2023 est estimé à plus de5.000 milliards DAsoit au cours de 137 dinars un dollar 36,50 milliards de dollarspour un PIB évalué en 2023185 milliards de dollars soit environ20%du PIB. Cette enveloppe comprend également le développement dans les zones d’ombre devant permettre d’éviter comme parle passé les programmes spéciaux de wilayas qui n’avaient objectifs. Des programmesqui ont solutionné des problèmes à court terme, mais ont eu à moyen terme,un impact mitigé sur la situation sociale des populations.Par ailleurs, la Loi de finances 2023 prévoit un relèvementdes dépenses au profit d’une nouvelle hausse des salaires des fonctionnaires. Ces dépenses devraient ainsi augmenter de 23,55% par rapport à 2022où l’Etat devrait mobiliser une enveloppe de 3.037,41 milliards de dinars durant l’année 2023 afin de couvrir l’impact financier de cettehausse des salaires et des systèmes de rémunération des employés. N’oublions pas ledéficit de la Caisse nationale des retraites qui était en 2021 de700 milliards de dinars. Une partie du déficit est épongée par l’Etat. En novembre 2022,le responsable de cette caisse avanceundéficit à 376 milliards de dinarsà la fin 2022. Ces données diffèrent légèrement de celles du FMIdans son rapport préliminaire de novembre 2022 concernant notamment le taux de croissance le taux d’inflation et du taux de chômage , tout étant fonction de l’évolution du cours des hydrocarburesqui révèle qu’en2022, le solde des transactions courantes de la balance des paiements devrait afficher son premier excédent depuis 2013 , avec unecroissance du PIB projetée à 2,9% en 2022, untaux d’inflation annuel moyen en 2022 de 9,4% , % quidevrait ralentir en 2023 mais devrait rester au-dessus de 8% en moyenne sous réserve d’un assouplissement de la politique budgétaire, un taux de chômagede 14% en 2022 mais qui devrait légèrement baisser en 2023, l’Algériedevantprofiter de cette conjoncture favorable, ayantun endettementextérieur relativement faible quia étéde 2.4% en 2020,de 6.5% en 2021 et une projectionde 7.7% en 2022., mais avec un accroissement de la dette publique, ayant représenté50.7% du PIB en 2020, 59.2% en 2021 etde 65.4% en 2022

Quelles actions mener entre2023 et 2025 ?

Comprendre l‘évolution des relations internationales sur le plan militaire, politique , économique et social est fondamentale afin d’adopter des stratégies d’adaptation à un monde en perpétuel mouvements, et lequel sera caractérisé par latransition énergétique et surtout numérique quiaura des incidence sur la gestion des institutions de l’Etat, des entreprises et nos comportements. C’est dans ce sens que doivent d’inscrire les réformes et les nouveaux textes édictés. Or, l’efficacité de toute loi dont celle du nouveau code d’investissementqui constitue il faut le reconnaître un atout majeur estliéeàla refonte de toutl’éco-système.En prenanten compte la forte pression démographique plus de 45 millions en 2022 et 50 millions en 2030, avec une demande d’emplois additionnelle annuelle entre 350.000/400.000,l’Algérie abesoin d’un taux de croissancede8/9% par an sur plusieurs annéespour absorberun flux additionnelde demandesd’emploi quis’ajouteau tauxde chômage 2021estimé parle FMIenviron 14%. On doit aussi prendre en compte le poids de la sphèreinformelle, lessureffectifsdansles entreprises publiques,les administrations qui comptent certainsemplois improductifs étant estimés à 25/30% des effectif ce qui pose le défi futur de la réforme de la Fonction publique .

Le défi de la diversification

L’Algérie se trouve face au défi de la croissance et de la diversification économique et elle se doit d’exploiter ses potentialités. Il y a d’abord les potentialités touristiques. La contribution économique du tourisme au niveau mondialen 2021 (mesurée en produit intérieur brut direct du tourisme) étantestimée à 1 900 milliards d’USD mais encore bien loin des chiffres d’avant la pandémie (3 500 milliards d’USD). Elle doit valoriser ses importantes réservesen métaux rares. Elle se doit cependant de retomber dans les réflexes rentier par l’exportation l’état brut, très faibles prix de ses ressources. Des ressources qui devront être valorisées au niveau interne à l’aval, dansdes segmentsà avantages comparatifs dans l’industrie,dans l’agriculture. Pour être concurrentiel, il y a lieu d’investirdansles institutions démocratiques et le savoir, dans les créneaux de l’avenir,les nouvelles technologies avec le développementles start- ups, mais qui nécessitentau niveau interne un tissu économiqueperformant , évitant les erreurs du passé du financement de l’emploi des jeunesà fonds perdus,. Dans le domaine énergétique, l’Algérie est un acteur stratégique notammentau niveau de la région. Elle a la capacité d’augmenter ses capacités d’exportations de gaz vers l’Europe de 11/12% en 2023et 20/25% vers2025-2027 et même les doubler sous réservede certaines conditions :soit de consentir un important effort d’investissement en partenariat, d’accroître l’efficacité énergétique etde développer les énergies renouvelables ,quireprésenteà peine 1% de la consommation intérieure mais nécessitantun important financement afin que les prévisions du ministère de l’Energie soient réalisables. Un objectif assis sur la contribution des ENR à la couverture de 40% des besoins de la consommation intérieure horizon 2030 et dégager des excédents d’électricité verte à exporter à travers des interconnexions en Europe. Il s’agit aussi de développer à grande échellel’hydrogène vert étantl’énergie de l’avenir, à l’horizon 2030/2035.

En conclusion, en cette fin d’année 2022 , il estreconnu que deux institutions assurentla stabilité et le développement de l’Algérie : Sonatrachsur le plan économiqueet l’ANP et les forces de sécuritéoù face ceaux tensions géostratégiques et l’instabilité ànos frontièrel’Algérie est considérée par la communauté internationale, grâce aux efforts de l’ANP et toutes nos forces de sécurité ,comme un acteur clefdestabilisation de la région méditerranéenne et africaine. Pour un développement harmonieux faceaux tensions internes et externess’impose la stabilité politiqueet un large front nationalimpliquantun dialogue permanent entre toutes les forces politiques, économiques et sociales , ne signifiant pasunanimisme signe de décadence de toute société mais tolérer les différentes sensibilités , personne n’ayant le monopole du patriotisme.

A.M.

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