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Crise libyenne : De l’urgence d’un règlement politique

Le Secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Abou al-Gheit, a renouvelé mardi la disponibilité de la Ligue arabe à assister la Libye dans tous les efforts « sérieux et sincères » visant à unifier la position des Libyens et avancer dans le processus politique.

«La Ligue des Etats arabes est tout à fait disposée à aider les Libyens, afin d’organiser les élections, réunifier l’institution militaire et instaurer définitivement la stabilité dans le pays», a-t-il indiqué à l’issue d’un entretien avec le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed al-Manfi.La proposition d’Ahmed Abou al-Gheit intervient moins d’une semaine après l’appel des membres du Conseil de sécurité de l’ONU à travers lequel ils pressent toutes les parties libyennes « à s’engager dans un dialogue et accélérer la conclusion d’un accord pour parvenir à un règlement politique, prévoyant notamment un cadre constitutionnel pour la tenue des élections ». A l’occasion, ils ont exprimé en outre leur «soutien au représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, Abdoulaye Bathily, et à ses efforts pour insuffler un nouvel élan» au processus politique dans le pays».

Dans le cas de la crise libyenne, la priorité pour la communauté internationale demeure donc incontestablement la relance du processus électoral. La première condition pour y parvenir est la formation d’un gouvernement libyen unifié, capable d’organiser ces élections présidentielles et législatives crédibles de manière simultanée sur l’ensemble du territoire libyen de façon crédible et d’y gouverner partout et pour tous. Deuxièmement, un accord sur une base constitutionnelle et légale et une nouvelle feuille de route politique crédible sont nécessaires en vue de ces élections. Cette feuille de route devra comprendre des garde-fous politique, financier et l’absence de corruption et l’acceptation des résultats par tous seront clés pour la réussite des scrutins.

L’appel de l’ONU et de la Ligue arabe seront-ils entendus par les principaux protagonistes de la crise ? Peu évident. En tout cas, le gouvernement d’union nationale établi à Tripoli est plus réceptif que son rival installé par le seigneur de guerre Khalifa Haftar à Syrte à la solution de sortie de crise résultant de la conférence de Berlin de janvier 2020. La remarque doit être faite car jusque-là Khalifa Haftar et son camp ont tout fait pour faire dérailler le processus de Berlin.

L’agenda caché de Haftar

La question qui se pose d’elle-même est pourquoi l’homme qui règne actuellement sur l’Est et une partie du sud de la Libye continue à faire obstruction à un règlement pacifique et politique de la crise qui passerait par les urnes ? Redoute-t-il et sa garde prétorienne un échec cuisant le jour des élections ? A-t-il un agenda politique autre que celui soutenu par l’organisation des Nations Unies ? Il y a sans doute un peu des deux.

Ce n’est un secret pour personne, Khalifa Haftar veut être intronisé « leader » de la Libye sans passer par les urnes. Il l’a amplement prouvé lorsqu’il a lancé ses milices à l’assaut de Tripoli en avril 2019, semant le chaos et la désolation sur leur passage. Selon l’ONU, les raids de ses milices soutenues par des mercenaires venus de divers horizons avaient fait plus de 1000 personnes tuées  et plus de 140 000 déplacées. Un véritable carnage. Malgré l’importance des moyens mobilisés, Khalifa Haftar échouera lamentablement dans sa tentative de s’emparer de la capitale libyenne. Malgré cet échec patent, il tentera d’autres incursions. Sans succès également.Plutôt que de reconnaître sa défaite, l’ancien officier félon continue d’échafauder des plans aussi machiavéliques les uns que les autres pour s’imposer au  centre du jeu politique et militaire en Libye. Ayant pris conscience de son incapacité à imposer militairement son contrôle à toute le pays, il semble prêt depuis quelque temps à proclamer l’autonomie de la région qu’il contrôle, la Cyrénaïque, du reste de l’ex-Jamahiriya. La poursuite de l’impasse à Tripoli pourrait conduire l’Est qu’il contrôle  à gérer ses affaires et ses institutions de manière autonome, en se dotant d’une feuille de route indépendante et séparée de la capitale, a-t-il menacé au début. Autrement dit, il joue la carte de la fragmentation et du morcellement de la Libye rien que pour assouvir son appétit insatiable pour le pouvoir.

Sous l’effet des pressions internationales, il a fait depuis un spectaculaire rétropédalage. A l’occasion du 72e anniversaire de l’indépendance du pays, il s’est dit laisser une chance à la paix. Il a indiqué que l’unité de la Libye était « une ligne rouge ». « Nous ne permettrons pas qu’elle soit violée ou compromise. Nous appelons toutes les villes et régions de l’ouest à un dialogue intra-libyen et un rassemblement de tous les acteurs », a-t-il dit. Si les propos en question laissent un peu de répit pour la négociation, il n’empêche que le risque de division est bien là.

Ce scenario, s’il venait à se produire ferait bien évidemment le jeu de l’entité sioniste qui s’emploie depuis des années à créer un pôle d’instabilité en Afrique du Nord. Il est certain qu’une proclamation de l’autonomie des régions de la Cyrénaïque et du Fezzan par Haftar équivaudrait, dans le cas de la Libye, à ouvrir une boîte de pandore. Déjà extrêmement fragmenté, le pays risquerait de partir en milles morceaux tant les tensions tribales y sont importantes. Inévitablement, les pays de la région en seront aussi considérablement impactés. Et durablement !  

Khider Larbi

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