Coopération militaire et sécuritaire : Alger et Paris se fixent de nouveaux objectifs
La coopération militaire et sécuritaire entre l’Algérie et la France devrait s’améliorer de manière appréciable à l’avenir.
Les Chefs d’Etats-majors des armées des deux pays, le général d’Armée Saïd Chanegriha, et le Général d’Armée Thierry Burkhard, ont signé mardi à Paris, à l’issue d’entretiens qui se sont étalés sur deux jours, une feuille de route conjointe qui définit les principaux axes de cette coopération « renforcée ». Le rapprochement militaire entre l’Algérie et la France répond avant tout à la volonté des présidents des deux pays, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, de bâtir une «relation stratégique» qui comprend tous les domaines, y compris celui de la défense. Le président Macron a d’ailleurs tenu à rencontrer le Général d’Armée Saïd Chanegriha à son arrivée en France.
Le déplacement à Paris du Chef d’Etat-major de l’Armée nationale populaire (ANP) à la tête d’une importante délégation est un événement assez rare dans la mesure où très peu de ses prédécesseurs ont effectué un voyage officiel dans la capitale française. Le dernier déplacement d’un Chef d’Etat-major de l’ANP en France remonte à près d’une vingtaine d’années. 17 ans exactement. Le défunt général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah y avait effectué aussi une visite de deux jours en mai 2006 sur invitation du chef d’état-major des armées françaises de l’époque, le général Henri Bentegeat.
A l’occasion, l’ancien chef de l’ANP avait notamment visité le site de Giat, un groupe spécialisé dans l’industrie de l’armement, situé dans la région parisienne. Spécialisé dans les systèmes blindés de combat, Giat Industries a globalement pour mission de répondre aux besoins des armées de terre. Son domaine d’activité s’étend également à la fourniture d’équipements et de munitions pour les armées de l’air et de terre, la marine et la police. Le chef d’état-major de l’ANP avait en outre visité la Direction centrale du matériel de l’armée de terre française (DCMAT) où il s’était enquis de son activité. Le séjour Gaïd Salah en France intervenait dans un contexte où l’ANP avait engagé un vaste mouvement de modernisation et de professionnalisation de ses unités.
La visite du chef d’état-major de l’ANP à Paris avait fait suite à celle effectuée en Algérie par le chef d’état-major des armées françaises les 16 et 17 juin 2003, suivie, juste après, du déplacement de la ministre de la Défense française de l’époque, Mme Michèle Alliot-Marie, en juillet 2004. A l’issue de cette visite, Alger et Paris avaient décidé d’inaugurer un partenariat dans le domaine militaire par la signature d’une convention de coopération militaire et technique et d’un accord intergouvernemental portant sur les questions de sécurité. Mme Alliot-Marie avait alors déclaré que ces deux projets «permettront aux deux pays d’inscrire leurs relations en matière de défense et de sécurité dans l’efficacité et la durée». Les grands axes de coopération entre l’Algérie et la France concernaient alors la formation, les échanges de renseignements et d’expériences et la lutte contre le terrorisme.
Malgré l’existence de ce cadre de coopération, la relation algéro-française dans le domaine militaire n’a pas connu une percée importante. A l’exception, en effet, des échanges sécuritaires, traditionnellement denses entre les deux pays, la coopération militaire entre les armées des deux pays n’a pas suivie. Il y a plusieurs raisons à cela. Des raisons qui aujourd’hui ne semblent plus d’actualité. C’est certainement pour dépoussiérer ce cadre de coopération, imprimer une nouvelle dynamique à la coopération militaire entre les deux pays et lui fixer des objectifs clairs et réalisables que le Général d’Armée Saïd Chanegriha s’est rendu à Paris. D’où justement la signature d’une feuille de route conjointe. Au vu des accords signés en 2004, il s’ouvre devant l’ANP et l’armée française un large champ d’échanges qui inclut aussi bien la coopération militaire, sécuritaire et technique que la formation. L’Algérie s’est engagée depuis plusieurs années dans une logique de multiplication des partenariats militaires et de diversification de ses fournisseurs en matière d’armements. La question est de savoir aujourd’hui si l’ANP est également intéressée par l’acquisition d’équipements ou d’armements français particuliers.
Au-delà de la question de l’armement, le rapprochement militaire algéro-français trouve sa justification dans le fait que les deux pays font partie d’un même espace, la Méditerranée occidentale, et sont confrontés à des menaces de même nature. Des menaces de plus en plus pesantes. Alger et Paris partagent également la même inquiétude concernant l’évolution de la situation au Sahel, une région gagnée par une extrême instabilité et qui est considérée actuellement comme l’un des principaux épicentres du terrorisme international. Il est quasiment impossible pour un seul pays de venir à bout de cette instabilité chronique seul. D’où la nécessité de mettre en place des partenariats et de sortir de la logique de confrontation. La géopolitique de la Méditerranée et du Sahel évoluent constamment. Cette évolution recommande parfois, en effet, de changer de fusil d’épaule ou de réévaluer certaines priorités.
Khider Larbi