Affaires Pegasus et marocgate : L’étau se resserre sur le Makhzen
Des jours sombres attendent le Makhzen au Parlement européen.
Selon le quotidien belge Le Soir, le Maroc sera à l’ordre du jour de la commission en charge de l’affaire d’espionnage Pegasus de l’institution européenne qui se réunira le 9 février prochain. Il est à rappeler que l’affaire Pegasus renvoie à l’usage par les autorités marocaines d’un logiciel d’espionnage acquis auprès de l’entreprise sioniste NSO. Il a permis aux services spéciaux marocains d’espionner 100.000 personnalités dont des journalistes et de très hauts responsables européens et maghrébins. L’Algérie figure parmi les pays les plus ciblés par l’opération d’espionnage marocaine. En France, c’est le téléphone du président Emmanuel Macron qui a été ciblé, pendant l’été 2021, ainsi que les numéros de téléphone de 14 membres de son cabinet.
Le scandale Pegasus a éclaté en juillet 2021. Un consortium de médias internationaux avait alors pu avoir accès à une enquête de deux ONG mondiales, Amnesty International et Forbidden stories, faisant ressortir l’utilisation à large échelle du logiciel israélien Pegasus par le Maroc. « Jusqu’ici épargné par les travaux de la commission Pegasus, le Maroc sera à l’ordre du jour d’une réunion au Parlement européen », précise ainsi le média belge. « Il est important de mettre le sujet sur la table puisque la commission n’a pas parlé du Maroc jusque-là », a révélé encore une source au Soir. Un panel d’experts sera invité à discuter du cas marocain lors de la prochaine réunion de la commission chargée de l’affaire Pegasus, le 9 février, sur proposition des Verts, fait-on encore savoir.
Le 19 janvier, des experts ont présenté une étude intitulée « Pegasus et les relations extérieures de l’UE », à la commission d’enquête du Parlement européen chargée d’enquêter sur l’affaire d’utilisation du logiciel espion de fabrication sioniste et de logiciels de surveillance équivalent, dans laquelle le Maroc est impliqué. Dans cette étude, il est clairement indiqué que « les débats sur la pression exercée sur les gouvernements en rapport avec l’utilisation des logiciels espions ont été peu médiatisés ». « Lorsque le gouvernement marocain a été accusé d’utiliser Pegasus contre les politiciens espagnols, le gouvernement espagnol n’a pas réagi et n’a pris aucune mesure car il cherchait à maintenir une coopération renforcée sur l’immigration et en matière de contrôle des frontières avec le régime marocain », ajoute encore cette étude.
Le scandale de corruption qui a récemment éclaboussé le Parlement européen et dans lequel le Maroc est impliqué « a visiblement fait sauter quelques digues », souligne le journal belge, rappelant que « mi-janvier, les eurodéputés adoptaient pour la première fois en un quart de siècle une résolution qui critiquait le bilan des droits humains au Maroc ». L’adoption de cette résolution n’a pas été aisée. Des lobbies européens qui roulent pour le Makhzen ont tout fait pour étouffer l’affaire et pour que le Parlement européen ne condamne pas les pratiques marocaines en termes d’espionnage. La confirmation des faits par une enquête parlementaire devrait acculer davantage les autorités marocaines, sur le double plan judiciaire et politique. Et les faits seront très certainement confirmés.
Le Parlement européen avait dévoilé le 8 novembre dernier un rapport préliminaire sur l’utilisation de Pegasus et autres logiciels espions. Sans surprise, le rapport avait déjà accablé le Maroc. Rabat a toujours nié les accusations, mais les faits établis par l’enquête parlementaire européenne sont difficilement réfutables. Le rapport établi par une députée néerlandaise avait cité nommément les personnalités et parties ciblées. « Le Maroc semble être à l’origine de nombreuses attaques de journalistes et politiciens », avait conclu le rapport. Avant même la publication de la première mouture du rapport, le Maroc a fait l’objet de plusieurs dépôts de plainte devant les juridictions européennes.
En Espagne, pays avec lequel le Maroc était en crise à l’époque, plusieurs hauts responsables, parmi lesquels le président du gouvernement Pedro Sanchez, la ministre de la Défense Margarita Robles et le ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska ont été ciblé par Pegasus entre mai et juin 2021, soit un mois avant la divulgation du scandale. Comme indiqué plus haut, Madrid n’a cependant soulevé aucune protestation. Certaines voix n’avaient d’ailleurs pas hésité à accuser le président du gouvernement socialiste d’avoir cédé à un chantage marocain qui pourrait porter sur des informations soutirées par le biais de Pegasus. Alors qu’ils étaient en brouille depuis plusieurs mois, les deux pays se sont réconciliés à la surprise générale en mars dernier au prix de l’alignement du gouvernement espagnoles sur les thèses marocaines sur la question du Sahara occidental, ce qui a provoqué une grave crise diplomatique entre l’Espagne et l’Algérie.
Notons que suite au scandale impliquant le Makhzen dans l’affaire de corruption de parlementaires européens, l’un des premiers concernés par les procédures judiciaires lancées par la justice belge, Andrea Cozzolino du groupe S&D (socio-démocrates), dont la politique aurait été influencée au nom du Maroc en échange d’argent, a dû démissionner de la commission parlementaire spéciale sur le programme Pegasus ainsi que de celle mixte Maroc-Union européenne.
Khider Larbi