Relations algéro-françaises : François Gouyette poussé vers la porte de sortie
L’annonce de la mise à la retraite de l’actuel ambassadeur de France en Algérie intervient dans un contexte de crise diplomatique entre l’Algérie et la France, après une période de réchauffement entre les deux pays entamée au mois d’août dernier à l’occasion de la visite du président français Emmanuel Macron à Alger.
Selon une décision publiée la semaine dernière par le Journal officiel français, la France a mis fin à la mission de l’ambassadeur François Gouyette en Algérie, en raison de son départ à la retraite. «Par arrêté de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères en date du 10 février 2023, M. Gouyette (François), ministre plénipotentiaire, est admis à faire valoir ses droits à la retraite, par limite d’âge, à compter du 1er août 2023. A compter de cette même date, M. Gouyette (François) est radié des cadres», est-il précisé dans la publication officielle française. Agé de 67 ans, ce diplomate était pourtant « retraitable » à sa nomination en juin 2020 en qualité d’ambassadeur de France en Algérie. L’annonce de la mise à la retraite de l’actuel ambassadeur de France en Algérie intervient dans un contexte de crise diplomatique entre l’Algérie et la France, après une période de réchauffement entre les deux pays entamée au mois d’août dernier à l’occasion d’une visite du président français Emmanuel Macron à Alger. La dégradation subite des relations algéro-françaises est due à l’affaire Bouraoui, nom de l’activiste algérienne qui s’est rendue illégalement en France début février via la Tunisie avec le soutien des autorités consulaires françaises à Tunis. L’Algérie qui y avait vu ingérence dans ses affaires intérieures avait dénoncé avec véhémence une «exfiltration» pure et simple de l’activiste qui était sous le coup d’une ISTN (interdiction de sortie du territoire). Suite à cet incident, l’ambassadeur d’Algérie à Paris a été rappelé pour consultation, ce qui dénote du grand mécontentement des autorités algériennes.
La mise à la retraite de François Gouyette a-t-elle un lien avec l’affaire Bouraoui ? Est-ce là une manière pour les autorités françaises d’apaiser les tensions avec l’Algérie ? Les prochains jours finiront certainement par apporter des réponses, surtout qu’une enquête a été ouverte officiellement sur les circonstances de la fuite de Amira Bouraoui. Mais quoiqu’il en soit, le départ annoncé de François Gouyette ne peut que réjouir à Alger. Il est de notoriété publique que dans le microcosme algérois l’actuel ambassadeur de France à Alger n’est pas bien vu. Cela est probablement dû à sa proximité affichée dès les premiers jours de son arrivée à Alger avec certains cercles médiatiques proches du Hirak et certains activistes. L’ambassadeur de France à Alger a d’ailleurs été maintes fois convoqué au ministère des Affaires étrangères.
Le rôle joué par Gouyette dès décembre 2020 n’est un secret pour personne. Ce dernier diplomate s’est exposé à de nombreuses critiques désapprouvant ses rencontres avec les partis politiques dont le FLN, le RCD et Zoubida Assoul. Certaines parties l’accusent d’avoir profité de l’absence du Président Abdelmadjid Tebboune hospitalisé en Allemagne pour engager des discussions avec des partisans de l’instauration d’une période de transition, et de surfer « sur un dangereux scénario imaginaire de la vacance du pouvoir ». Cela n’a d’ailleurs pas été du goût de l’Algérie qui a rappelé à l’ordre le diplomate français par la voix du porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication de l’époque, Ammar Belhimer. « Je crois que l’ambassadeur de France ne ratera pas ces précieuses opportunités grâce à sa grande expérience et sa connaissance des limites et des règles de la pratique diplomatique, notamment en Algérie, qui, le cas échéant, n’hésitera pas à prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation », avait alors déclaré Ammar Belhimer.
Plusieurs signaux ont été ainsi adressés en direction de Paris pour signifier qu’on ne voulait plus de lui à Alger. Ces signaux paraissent donc avoir été pris en ligne de compte.
En politique, il n’y a effectivement pas de hasard. Il n’est donc pas à exclure du tout que la mise à la retraite très médiatisée de François Gouyette ait été décidée par Paris pour faire amende honorable et donner une chance au réchauffement algéro-français de poursuivre son cours. La raison tient au fait qu’il est extrêmement rare qu’un ambassadeur de France soit invité à quitter non seulement son poste mais également ses fonctions d’une manière aussi abrupte. Cela équivaut presque à un limogeage.
Généralement, les ambassadeurs sont rappelés avant d’être admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Dans le cas présent, François Gouyette a été éjecté pour ainsi dire du Quai d’Orsay, ce qui n’est pas très valorisant pour un diplomate. Sa carrière comme celle de Xavier Driencourt se termine pratiquement en queue de poisson. Concomitamment à la mise à l’écart anticipée de François Gouyette, le Quai d’Orsay à par ailleurs multiplié ces derniers jours les déclarations pour signifier que la France tient toujours à développer ses relations «dans l’esprit de Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé entre l’Algérie et la France». Bref, Paris s’emploie à faire en sorte que l’orage soit de courte durée.
Khider Larbi