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Benjamin Stora au cœur d’une polémique sur la torture en Algérie : Une contre-vérité qui pèse sur le travail de mémoire

C’est une sortie qui a de quoi étonné que celle de l’historien Benjamen Stora. Celui-ci, qui préside, côté français la commission d’historiens algéro-française du la mémoire, a récemment tenu des propos sur la torture en Algérie qui ont provoqué l’étonnement voire de vives réactions de la part de nombreux historiens en France, qui y voient une forme de négationnisme qui permet de blanchir Jean-Marie Le Pen, fondateur du parti d’extrême droite Front national, l’un des tortionnaires les plus en vue lors de la Bataille d’Alger, et le nostalgique de l’Algérie française le plus véhément de ses forfaits. En effet, dans un podcast de l’un des animateurs de Radio France Philippe Collin, consacré à Le Pen, on entend Benjamin Stora formuler cette phrase : « Jean-Marie Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie. » Il n’en fallait pas plus que ces propos suscitent une véritable levée de boucliers dans les milieux initiés en France qui se sont interrogés sur ses propos qui ont pour effet d’absoudre le tortionnaire de ses crimes perpétrés en Algérie. Ainsi, les deux historiens, André Loez et Fabrice Riceputi ont vivement réagi à cela.  Pour, Florence Beaugé qui a consacré des années de travail sur la torture en Algérie, pour le quotidien Le Monde, c’est une « couleuvre ». Elle estime ainsi que « Le Pen se retrouve blanchi de l’accusation à deux reprises. D’une part par Benjamin Stora, d’autre part par Philippe Collin, qui a avalé innocemment la couleuvre. Le Pen a bel et bien participé et activement à la bataille d’Alger ! ». D’ailleurs, Le Pen a lui-même reconnu avoir part à des actes de torture. « Nous avons torturé par ce qu’il fallait le faire », a-t-il déclaré dans une interview au journal Le Combat en 1962. En 1984, il a évoqué une obligation imposée par la hiérarchie militaire. Lors du procès contre Le Monde en 2022, un poignard a été présenté, portant le nom de Le Pen et de son régiment de parachutistes. Il aurait été oublié par Jean-Marie Le Pen sur une scène de torture. Mais qui reste incompréhensible est que cette contrevérité historique n’a pas émané d’un tortionnaire niant ses crimes, ni d’un nostalgique de l’Algérie française, mais d’un historien qui a été chargée par le président français Emmanuel Macron de rédiger un rapport sur la mémoire, mais qui siège aussi au sein de la Commission algéro-française chargée de traiter le dossier de la mémoire, en toute sérénité et en se basant sur les vérités historiques. Des propos qui sont loin d’être anodins, même si l’historien se défend par la suite en mettant cela sur le compte de l’inattention dans la formulation de son propos. Cela laisse planer des doutes sur une réelle volonté, côté français, de faire face à certaines vérités historiques, et sur cette propension à chercher à reconstruire le récit historique.

Hocine Fadheli

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