Coupes volontaires de la production de pétrole plusieurs pays de l’Opep+ : Quels impacts ?
Par Abderrahmane Mebtoul
Face aux incertitudes quant aux perspectives de l’économie mondiale et pour stabiliser le marché, plusieurs pays producteurs de pétrole, membres de l’Opep+ ont annoncé le 02 avril 2023 la réduction volontaire de leur production à partir de mai prochain jusqu’à la fin de l’année en cours.
L’Algérie a annoncé la réduction de son quota de production de pétrole de 48.000 barils/jour, à partir de mai prochain et jusqu’à la fin de l’année en cours. Le ministère de l’Énergie et des Mines a précisé que «cette réduction volontaire est une mesure préventive qui s’ajoute à la réduction de la production convenue lors de la 33e réunion ministérielle OPEP et non-OPEP du 5 octobre 2022 ». L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït ont également annoncé une réduction de leur production de pétrole d’un total de 772.000 barils/jour pour la même période, la Russie de 500.000 barils par jour. l’Irak, de 211.000 bpj et le Sultanat d’Oman de 40.000 barils/jour soit au total 1.571.000 barils/j. Rappelons que trois pays produisent plus de 10 millions de barils/j à savoir les USA, la Russie et l’Arabie saoudite. Notons aussi que le Venezuela, la Libye et l’Iran du fait de la situation politique spécifique ne sont pas concernés par la réduction des quotas. Cette décision n’engage nullement l’organisation dans son ensemble. L’OPEP+ s’en tient aux décisions précédentes. Toutefois cela a eu un impact puisque le cours du pétrole est coté le 03 avril 2023 12h GMT à 84,12 dollars et le Wit 79,83 dollars pour un cours euro/dollar 1,0867, après avoir frôlé il y a quelques semaines 70 dollars
Le petite reprise des cours ces derniers jours, s’explique par lle fiat qu’Ankara a cessé depuis le 25 mars 2023 de pomper environ 450.000 barils par jour de brut irakien qui passaient par un oléoduc reliant la zone frontalière de Fish-Khabur, dans l’extrême nord-ouest de la région semi-autonome du Kurdistan, au port turc de Ceyhan, après une décision de justice en faveur du gouvernement fédéral irakien. Blocage qui vient d’être levé le 02 avril 2023 où le gouvernement fédéral irakien et le gouvernement régional du Kurdistan (GRK) sont parvenus à un protocole d’accord en vue de la reprise des exportations de pétrole vers la Turquie. Mais existent d’autres facteurs dont la baisse des stocks américains, la détente des marchés financiers avec un optimisme mesuré du retour à la croissance, de la Chine, les USA et la zone euro , malgré les récents scandales financiers avec la faillite de banques américaines spécialisées dans les crypto-monnaies dont la Silicon Valley Bank (SVB), la “banque de la tech” et de Signature Bank, également proche du monde des cryptos, la faillite du Crédit Suisse, qui compte parmi les 30 plus importantes banques du monde.
Face aux turbulences de de l’économie mondiale , les principaux déterminants du cours du pétrole sont : premièrement, la croissance de l’économie mondiale et les tensions géostratégiques dont le conflit en Ukraine qui a bouleversé toute la carte énergétique avec la décision du G7 plus l’Australie de plafonner prix du pétrole russe par voie maritime à 60 dollars le baril et les dérivées depuis 2023, ainsi que la décision récente de la commission européenne de plafonner le prix du gaz à 180 dollars le mégawattheure ; deuxièmement, la stratégie et le respect des accords de l’OPEP+ : troisièmement, le poids des USA , producteur hors OPEP+ qui est un des plus grand producteur mondial grâce au pétrole au schiste ; quatrièmement, prévoir le retour à terme de certains producteurs pénalisés par des conflits internes ou de sanctions internationales , la Libye, sous réserve d’une stabilisation politique, des réserves de 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, pouvant facilement produire plus de 2 millions de barils/jour; l’Irak, pouvant aller vers plus de 7 millions/jour , l’Iran, s’il y a accord sur le nucléaire ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 4/5 millions de barils jour, sinon plus et possédant le deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 35 000 milliards de mètres cubes gazeux, derrière la Russie 45 000 et avant le Qatar 20 000, et le Venezuela la plus grande réserve de pétrole du monde avant l’Arabie Saoudite, cinquièmement les fluctuations de la cotation euro/dollar qui influe sur le prix détermination du prix du pétrole libellé en dollars et ola décision de certains pays qui pourraient payer l’énergie en d’autres monnaies notamment le rouble russe et le yuan chinois ; sixièmement , facteur déterminant entre 2023/2030, dans la lutte contre le réchauffement climatique qui est une menace pour la sécurité mondiale ( voir A. Mebtoul émission télévision française LCP Paris octobre 2022) la nécessaire transition énergétique avec un nouveau modèle de consommation énergétique mondial qui influe sur les prix des hydrocarbures transitionnels dont les énergies renouvelables et hydrogène . D’ici à 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/ Chine/Europe/Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars et les grandes compagnies devraient réorienter progressivement leurs investissements dans ces segments rentables à terme, les industries de la vie pour reprendre l’expression de Jacques Attali.
En conclusion, aucun expert ne peut prédire le cours du pétrole durant les prochaines années, étant largement influencé par des facteurs externes imprévisibles, amplifiés par les mouvements spéculatifs. Rappelons-nous les prévisions de certains soi-disant experts qui prédisaient au début du conflit en Ukraine un baril entre 200/300 dollars contre actuellement un cours de plus de 100 dollars, devant éviter l’euphorie . Si l’on s’en tient aux fondamentaux, le prix d’équilibre ne pénalisant ni la croissance de l’économie mondiale, ni les pays consommateurs et notamment ni les pays pauvres ne possédant pas d’hydrocarbures, car pour les pays développés, ils répercutent l’accroissement du prix de l’énergie sur les produits que les pays rentiers importent, se situe entre 70/80 dollars pour assurer un seuil de rentabilité acceptable, les investissements étant coûteux et à rentabilité à moyen et long terme, l’investissement étant plus lourd pour le gaz.
A.M.