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Appels des pays du Sud pour une nouvelle architecture financière mondiale : La Banque mondiale tourne le dos à l’Afrique

Les appels incessants des pays africains et de l’ONU pour la mise en place d’une architecture financière mondiale plus juste restent lettre morte. La Banque mondiale, dans ses récentes Perspectives économiques, a ignoré encore une fois le sujet.

Dans son analyse semestrielle récente (Pulse) d’avril 2023 sur les perspectives économiques africaines, la Banque Mondiale a adopté au contraire une attitude distante face à la demande répétée de l’Afrique de travailler sur une nouvelle architecture du système financier international, qui permettrait aux pays en développement de faire face plus efficacement à leurs défis de liquidités en devises. «La faiblesse de la croissance, combinée aux vulnérabilités de la dette et à une croissance morose des investissements, risque de faire perdre une décennie à la réduction de la pauvreté», a déclaré froidement Andrew Dabalen, économiste en chef de la Banque Mondiale pour l’Afrique. Que propose-t-il pour redresser la barre ? «Les décideurs politiques doivent redoubler d’efforts pour freiner l’inflation, stimuler la mobilisation des ressources intérieures et adopter des réformes favorables à la croissance, tout en continuant à aider les ménages les plus pauvres à faire face à l’augmentation du coût de la vie », a-t-il ajouté. Cependant, le programme de la Banque mondiale propose des solutions difficiles à mettre en œuvre pour mobiliser les ressources nécessaires.

Depuis 2010 et plus récemment encore avec une grande acuité, les pays africains, soutenus par les Nations Unies, demandent pourtant des mesures correctives spécifiques pour permettre à l’Afrique d’accéder plus facilement à un marché international des devises. La Banque Africaine de Développement a fait de ce sujet un des thèmes centraux de ses prochaines Assemblées Générales Annuelles, avec pour objectif de mobiliser davantage de ressources du secteur privé international et de les canaliser vers des institutions multilatérales régionales de financement du développement pour une utilisation plus efficace.

Fausses solutions à de vrais problèmes

Pour la Banque Mondiale, il faudrait, par exemple, face à une inflation qui est principalement importée, que les banques centrales africaines continuent de resserrer leurs taux directeurs pour inverser la courbe, alors que plusieurs de ces institutions sont à la limite extrême de leur capacité d’intervention. Dans le même temps, la banque centrale américaine peut, elle, jouer de la prudence pour continuer de « stabiliser les marchés », avec des risques sur la valeur du Dollar.

L’institution recommande également de s’en tenir à la solution de soutenabilité de la dette proposée par le G20, bien que de nombreux experts africains la considèrent peu viable en raison du risque de remboursement d’un stock de dette plus élevé à l’issue de la période de grâce, avec des taux d’intérêts encore plus importants en raison de la hausse des taux sur les marchés interbancaires européens. Les défis directs, tels que les conséquences de la volatilité du dollar américain sur les capacités de paiements extérieurs des pays africains, ne sont pas abordés, et les coûts élevés du crédit imposés par les investisseurs internationaux sont légitimés par le fait que « les pays africains ne réalisent pas de réformes structurelles ». Enfin, rappelle l’agence Ecofine qui rapporte l’information, la demande des pays africains d’avoir plus de poids dans les institutions de Bretton Woods pour mieux défendre leurs préoccupations n’est tout simplement pas abordée.

Deux poids et deux mesures

Dans son rapport, la Banque Mondiale dresse à nouveau un tableau qui sera suivi à la lettre par les investisseurs, car considéré comme une référence incontestable : «une situation de surendettement», alors que la dette extérieure totale de l’Afrique (entreprises + secteur public) ne dépasse pas les 1250 milliards de dollars, contre près de 300 000 milliards de dollars pour la dette mondiale, dont une part majeure est le fait des économies développées.

La Banque Mondiale demande aux Africains de mobiliser plus de ressources intérieures, alors que les pays n’ont que peu de solutions face à des multinationales qui continuent de développer des stratégies pour éviter de payer des impôts et faire évader des ressources financières d’Afrique. Selon un rapport du FMI daté de 2021, l’Afrique perdait jusqu’à 900 millions de dollars de ressources à cause de l’évasion fiscale des multinationales minières. Bref, la Banque mondiale continue de pratiquer avec l’Afrique la politique des deux poids et deux mesures. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, n’avait pas tort, lors de l’ouverture de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (LDC5), qui s’est tenue à Doha du 5 au 9 mars dernier, de rendre pour responsable les institutions financières internationales du sous-développement qui frappe les nations du Sud. Il avait souligné que le système financier mondial, créé par les pays riches pour servir leurs propres intérêts, est extrêmement injuste pour les PMA, qui doivent payer des taux d’intérêt qui peuvent être huit fois plus élevés que ceux des pays développés. «Aujourd’hui, 25 économies en développement consacrent plus de 20 % de leurs recettes publiques au seul service de la dette», avait déploré le chef des Nations unies.

Le chef de l’ONU avait alors soutenu la nécessité de réformer le système financier mondial à travers un nouveau moment de Bretton Woods. Selon M. Guterres, cela comprendrait l’expansion du financement d’urgence et l’intégration de clauses en cas de catastrophe et de pandémie dans les instruments de dette. Il avait également appelé les banques multilatérales de développement à «transformer leur modèle commercial pour attirer davantage de flux de financement privé vers les PMA». «Nous devons trouver de nouvelles façons de mesurer les économies des pays, telles que des critères de prêt qui vont au-delà du produit intérieur brut », a-t-il ajouté. La réforme doit viser en premier lieu la Banque mondiale que les pays riches ont détournée de sa vocation initiale. Cette institution est devenue au fil du temps un outil de domination entre les mains des puissances. Elle est particulièrement décriée par les pays du Sud. Ces derniers ont d’ailleurs pris l’initiative de lui trouver des alternatives. C’est le projet que se sont fixés de mettre en place par exemple les pays des Brics ou de l’OCS. Tout le monde est arrivé à la conclusion qu’il n’y a plus rien à tirer de la Banque mondiale ou du FMI.

Khider Larbi

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