Le politologue Hasni Abidi à propos des relations algéro-françaises : Certains lobbys cherchent à « torpiller » les rapports entre Alger et Paris
« (…) En marge des décideurs légitimes, plusieurs cercles puissants et des groupes de pression sont à la manœuvre pour tenter d’influencer et orienter cette relation dans le sens de leurs intérêts. » C’est ainsi que résume la situation qui prévaut dans les relations entre l’Algérie et la France, le politologue helvetico-algerien, Hasni Abidi. Ce spécialiste de la région MENA épluche, dans un entretien livré au site « France Algérie actualités », la relation franco-algérienne. Abidi, se référant à l’ère des présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, plaide pour un retour à « la normale ». Le politologue estime que « l’évolution des relations entre la France et l’Algérie n’est pas toujours tributaire de la nature des relations entre les deux chefs d’Etat. Elle subit les soubresauts inhérents à sa singularité. » Car, expliqua-t-il, « en marge des décideurs légitimes, plusieurs cercles puissants et des groupes de pression sont à la manœuvre pour tenter d’influencer et orienter cette relation dans le sens de leurs intérêts. » Et ce n’est un secret pour personne que des lobbys nostalgiques de l’Algérie française refusent d’admettre tout rapprochement entre les deux pays et s’opposent à un quelconque apaisement d’où les multiples crises jaillissant par à coup et stoppant net les efforts consentis et les avancées réalisées par les deux parties. Abidi reconnaît que « certes, une entente entre les deux chefs d’Etat est un facteur facilitateur, mais elle n’est pas suffisante ». Il citera à cet effet, les rapports « amicaux » entre les deux chefs d’Etats en déclarant que « le président français avait des atouts pour plaire et pour gagner la confiance algérienne. Son jeune âge et ses déclarations sur la Guerre d’Algérie pendant sa campagne électorale ont fait la différence avec ses prédécesseurs. Il était le candidat préféré d’Alger. Quant au président Tebboune, il est perçu d’une manière positive par son homologue français qui ne tarit pas d’éloges à son égard ». Et d’ajouter que « la visite officielle du président français en août 2022, suivie par le déplacement de la moitié de son gouvernement, témoigne de cette volonté commune de sécuriser les relations entre les deux pays. » Cependant, dira-t-il et en dépit de « plusieurs crises » qui ont émaillé les mandats des deux présidents, « force est de constater que le point de non retour n’a jamais été atteint », estimant que « le statu quo dans la séquence franco-algérienne est désormais un progrès » et que « la capacité des deux présidents à réduire tous les éléments toxiques qui veulent torpiller la relation entre les deux pays déterminera la suite ». A propos de la visite prévue Président Tebboune en France, Abidi croit que « la visite du Président Tebboune en France est non seulement souhaitable, mais nécessaire pour consolider le partenariat entre les deux pays ! » Et d’expliquer les enjeux que représentent ces relations algéro-françaises dont l’enjeu majeur « (…) réside dans la nature complexe de la relation franco-algérienne » qu’il « convient de maintenir un niveau de relation digne des attentes ».
Les accords d’Evian et ceux de 1968 sécurisent le partenariat
« Cette relation nécessite la préservation de rencontres et d’échanges réguliers et la construction d’une relation singulière, traversée par le poids de l’histoire et le destin de ceux qui portent cette histoire. Les pouvoirs successifs sont en quête d’une sécurisation de cette relation. Les Accords d’Évian est l’acte fondateur de cette sanctuarisation et d’autres accords ont suivi. Ils résistent encore malgré les attaques répétées qu’ils subissent. La Déclaration d’Alger mérite un portage politique et populaire pour assurer cette dimension institutionnelle dont font défaut les relations entre Paris et Alger», dira-t-il. Le politologue ajoutera qu’ « il convient de maintenir la visite, qui est une réponse adéquate et nécessaire pour ne pas laisser le champ libre à certaines voix, très écoutées en France, qui demandent au président Macron de revoir sa politique algérienne ». « Pour ceux qui disent que cette visite (la visite de Tebboune en France) serait inutile, on peut leur répliquer que la demande du président Macron de participer au sommet des BRICS », ajoutera-t-il. A propos de la question de la coopération sécuritaire, Abidi dira que « la question sécuritaire figure dans la surface des divergences entre les deux capitales. Pourtant, elle constitue un élément central dans les stratégies des deux pays, notamment dans la région du Sahel et en Libye. Paris peaufine pour cet automne sa nouvelle stratégie au Sahel suite à son retrait du Mali. Cette nouvelle stratégie ne peut pas faire l’impasse sur les préoccupations algériennes en matière de sécurité à ses frontières et sur les contours de cette coopération entre Alger et Paris». Citant le cas de la normalisation poussée entre le Maroc et l’entité sioniste et notamment dans le domaine sécuritaire, ce dernier expert dira que celle-ci « a atteint un niveau très avancé puisque le royaume marocain va acquérir un système de défense israélien sophistiqué et une unité de production militaire, notamment pour fabriquer des drones » et que « contrairement à la relation entre la France et l’Algérie qui subit des coups tordus de certains cercles influents, Rabat bénéficie de la bienveillance des mêmes cercles. C’est la conséquence logique d’une politique active menée par le Maroc pendant une séquence de plusieurs années désertée par la diplomatie algérienne. »
Azzedine Belferag