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Cours des hydrocarbures : Quel impact sur l’économie algérienne ?

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, ancien Directeur des études au ministère Energie et à Sonatrach et président de la commission transition énergétique des 5+5+ Allemagne en 2019.

Cette présente contribution est une analyse des données officielles nationales et internationales concernant les cours des hydrocarbures et leur impact sur l’économie algérienne.

Selon les données du FMI, et selon le cadrage budgétaire de la Loi de finances pour finances 2023, l’Algérie a besoin d’un baril de pétrole à près de 149,2 dollars pour atteindre l’équilibre budgétaire, contre 135 dollars pour l’exercice 2020/2021 et 100/109 pour l’exercice 2019/2020. Le cours du baril de Brent de mer du Nord a atteint 94,27 dollars et le Wit à 91,20 dollars, le vendredi 15 septembre 2023. À titre de rappel, une loi de finances est un document comptable retraçant annuellement, en statique, les recettes et des dépenses de l’Etat, devant l’insérer dans le cadre d’une planification stratégique et dont les équilibres seront fonction fondamentalement de l’évolution du cours des hydrocarbures, du volume exporté et de la croissance de l’économie mondiale.

Dans le cadre de la loi de finances 2023, et en attendant les axes de la future loi de finances 2024, le prix de référence du baril de pétrole brut a été fixé à 60 dollars et le prix du marché du baril de pétrole brut de 70 dollars. Les recettes budgétaires totales prévisionnelles sont de 7.901,9 milliards de dinars en 2023 et les dépenses budgétaires devraient s’élever à 13.786,8 milliards de dinars. Les dépenses de fonctionnement sont estimées à 9.767,6 milliards de dinars dont la masse salariale globale devrait atteindre 4.629 milliards de dinars ce qui représente 47,39% du budget total dédié au fonctionnement et les dépenses d’équipement de 4.019,3 milliards de dinars. La loi de finances 2023 prévoit un relèvement des dépenses au profit d’une nouvelle hausse des salaires des fonctionnaires. Ces dépenses ont ainsi augmenté de 23,55% par rapport à 2022 où l’Etat doit mobiliser une enveloppe de 3.037,41 milliards de dinars durant l’année 2023 afin de couvrir l’impact financier de cette hausse des salaires et des systèmes de rémunération des employés en n’oubliant pas le déficit des caisses de retraites qui était en 2021 de 700 milliards de dinars, une partie du déficit ayant été épongé par l’Etat. En en novembre 2022 le directeur général de la CNR a annoncé un déficit s’élève à 376 milliards de dinars fin 2022. Les exportations de biens (il faudrait éviter des doubles emplois, les dérivés d’hydrocarbures étant inclus dans les recettes de Sonatrach et également dans la rubrique hors-hydrocarbures) devraient selon cette loi devraient atteindre 46,3 milliards de dollars et les importations de biens 36,9 milliards. La LF2023 prévoit un déficit budgétaire, source d’inflation, de 5.884,9 milliards de dinars (-22,5% du produit intérieur brut), plus de 42,95 milliards de dollars au cours du moment de l’élaboration de la loi de finances pour un taux de change de 137 dinars pour un dollar, contre un déficit budgétaire d’environ 30% pour 2022, le fonds de régulation des recettes pour combler le déficit budgétaire, étant fonction de la différence entre le cours réel sur le marché international et celui retenu par la loi des finances. Le budget annuel affecté aux transferts sociaux en 2023 est estimé à plus de 5.000 milliards de dinars soit au cours de 137 dinars un dollar 36,50 milliards de dollars pour un PIB évalué en 2023 à 193 milliards de dollars soit environ 20% du PIB. . La dette publique s’établit à 63% du PIB en 2022, le taux de chômage avec une fourchette moyenne de 14/15%, avec un chômage des jeunes de 26,9% et un taux d’inflation relativement élevé 10% en moyenne nécessitant des contre chocs pour préserver le pouvoir d’achat et la cohésion sociale . Toutefois et c’est une loi universelle, toute Nation ne peut distribuer que ce qu’elle a préalablement produit, le versement de salaires et de traitements sans contreparties productives conduit nécessairement , à terme, à la régression économique et sociale.

En 2022, selon les données officielles de la banque d’Algérie , le cours du pétrole a été de 106 dollars en moyenne et le prix du gaz , qui représente environ 33% des recettes de Sonatrach a été entre 15/16 dollars le MBTU ( moyenne entre le gaz naturel et le GNL prix légèrement supérieur de 2 à 3 dollars) donnant une recette de 60 milliards de dollars en précisant que les dérivées d’hydrocarbures inclus dans la dans rubrique hors hydrocarbures, selon les statistiques officielles douanières fin 2022 le pétrole et gaz avec dérivées représentent 98% des recettes en devises du pays. Pour une moyenne annuelle de 80 dollars baril en 2023 et un prix moyen du gaz qui connaît d’importantes fluctuations entre 30 et 50 dollars le mégawattheure , un cours moyen de 10/11 dollars le MBTU les recettes d’hydrocarbures de Sonatrach y compris les dérivées qui ont connu depuis début 2022 à septembre 2023, un doublement voire un triplement des prix au niveau international( un bilan doit donner la quantité physique et pas seulement la valeur monétaire , la hausse physique en 2022 ayant été d’environ de 2% ) fluctueront entre 45/50 milliards de dollars fin 2023. Il faut le reconnaître les indicateurs financiers sont positifs, comme mis en relief précédemment , des réserves de change dépassant les 85 milliards de dollars fin août 2022, et un endettement extérieur faible moins de 3 milliards de dollars. Mais attention à l’illusion monétaire car un excédent de la balance commerciale permettant l’accroissement des réserves des réserves de change importants ne sont ne sont pas nécessairement synonyme de développement devant transformer cette richesse virtuelle en richesses réelles. Les USA ont seulement 37 milliards de dollars de réserves de change fin 2022 et ils sont la première puissance économique du monde . La restriction aveugle sans objectifs précis des importations du fait que le d’intégration des entreprises publiques et privées en 2022 ne dépasse pas les 15% étouffe l’appareil productif et accentue l’inflation du fait de la faiblesse de la production locale. C’est comme un ménage qui restreint sa consommation avec de nombreuses maladies, les maladies apparentes du corps social étant l’inflation, le chômage et l’extension de la sphère informelle produit du dysfonctionnement des appareils de l’Etat avec comme effet la corruption. En ce mois de septembre 2023 Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. D’où l’importance de lutter contre le cancer du blocage de l’investissement, le terrorisme bureaucratique, afin d’attirer les investisseurs nationaux et étrangers dans des segments à forte valeur ajoutée et des actions concrètes loin de la mentalité bureaucratique coercitive, qui produit l’effet inverse, nécessitant de nouveaux mécanismes de régulation afin d’intégrer la sphère informelle dont la masse monétaire en circulation selon la banque d’Algérie dépasse les 6500 milliards de dinars, en 2022 soit au cours du 13/09/2023 de 137 dinars un dollars, près de 48 milliards de dollars( voir étude sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul- Institut Français des Relations internationales IFRI décembre 2013 réactualisée dans la revue stratégie IMPED Ministère de la défense nationale octobre 2019 ,comment intégrer la sphère informelle).

En conclusion, le principal défi de l’Algérie est la relance économique . En s’adaptant au mieux de ses intérêts au nouveau monde, s’orientant vers la multipolarité, pays à fortes potentialités, l’Algérie peut devenir un pays pivot au sein des espaces méditerranéens et africains. Mais avant tout, l’Algérie de demain comptera plus de 50 millions d’habitants horizon 2030. Jalouse de son indépendance politique, l’Algérie sera que les Algériens voudront qu’elle soit.

A. M.

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