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L’urgence de la rationalisation de la consommation d’énergie et du développement des ENR

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, ancien directeur d’études au ministère de l’Énergie et à la Sonatrach et a président de la commission transition énergétique des 5+5+ Allemagne en 2019.

Dans cette brève contribution je me propose d’analyser les problèmes auxquels est confrontée la Sonelgaz, à l’image des créances impayées notamment celles relatives à la consommation du réseau d’éclairage public des collectivités locale, de l’urgence de réduire la consommation d’énergie en augmentant la taille du réseau routier national et enfin les axes d’ une politique cohérente axée sur l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables pour satisfaire la demande interne croissante et respecter les engagements internationaux de l’Algérie.

La problématique de l’éclairage public

Selon les données du ministère de l’Énergie et des Mines, la facture de l’éclairage public des Collectivités locales est estimée entre 2018/2022 annuellement entre 13 milliards et 15 de dinars, sans compter l’impact des branchements illicites. Le réseau est géré en principe par les APC ou les wilayas. Il est géré d’une manière non rationnelle occasionnant un gaspillage. Nous avons des artères complètes où l’éclairage public est allumé durant la journée, parce que les équipes de maintenance de l’éclairage public préfèrent travailler la journée, pour ne rien avoir à faire le soir. Cela démontre la nécessité de dé-fonctionnariser la fonction de maintenance de l’éclairage public qui se fait en principe la nuit. Car quand on allume l’éclairage public pendant la journée et le soir, on paye la facture deux fois plus. Dans la plupart des pays du monde, la maintenance du réseau d’éclairage public se fait le soir à partir de 20h ou 22h. Par une gestion plus optimale de l’éclairage public, des bâtiments et tout ce qui touche à la climatisation on pourrait réduire la consommation d’électricité d’environ 50% supposant une coordination sans faille entre les les chefs de Daïras, les présidents d’APC , les responsables du Ministère de l’Energie dont dépendent la Sonelgaz et la Sonatrach et le Ministère de l’Intérieur. Une situation qui a fini par induire d’importantes créances que la Sonelgaz détient sur les APC en raison du non-paiement des factures. Sonelgaz qui doit améliorer sa gestion se trouve devant un dilemme : couper l’électricité ou négocier des échéanciers surtout pour des secteurs sensibles comme les écoles, les hôpitaux afin de recouvrer les montants faramineux des créances impayés. Globalement les créances de Sonelgaz sont passées de 200 milliards de dinars en 2020 à 178 en 2021 et sont estimés provisoirement à 100 fin 2022 ce qui explique en partie le déficit structurel de Sonelgaz qui a été en 2011 de 40 milliards de dinars. Il était de 48 milliards de dinars en 2017, 62 milliards en 2019 et depuis entre 45/50 milliards de dinars, le trésor public étant contraint de renflouer Sonelgaz puisque la valeur des investissements réalisés par Sonelgaz a atteint en 2022 environ 284 milliards de dinars Et l’on ne devra pas oublier le prix de cession aux différentes unités qui représentent entre 10/20% du prix international constituant une rente, couvrant à peine les frais d’exploitation de Sonelgaz, rentrant dans la politique de la nécessaire révision, de la politique des subventions qui doit être transitoire, en attendant la mise en place d’un système d’information fiable en temps réel concernant notamment la sphère informelle.

Augmenter la taille du réseau routier national

Pour réduire les émissions du transport routier, il est nécessaire d’actionner de multiples leviers : efficacité énergétique, nouvelles motorisations, augmentation du taux d’occupation des véhicules, report modal, choix d’aménagement du territoire pour réduire le besoin en transport. Pour engager efficacement la décarbonation des transports routiers en tenant compte des contraintes économiques, écologiques et sociales, Premièrement inclure la possibilité d’un rétrofit électrique dans les cahiers des charges des constructeurs, généraliser le moteur électrique comme moyen de propulsion pour ces transports , prendre en compte les spécificités des véhicules utilitaires légers dans le passage à l’électrique ; alimenter ce moteur en électricité par des batteries d’autonomie limitée, couplées au déploiement progressif d’infrastructures permettant d’accroître l’autonomie pour la longue distance pour les particuliers et transporteurs de marchandises, comme l’électrification des autoroutes pour les poids lourds, les prolongateurs d’autonomie et l’infrastructure de recharge Deuxièmement, Homogénéiser les taxes sur les hydrocarbures selon leur contenu par une étude pour identifier les axes à équiper en priorité, prévoir des incitations fiscales pour l’acquisition de poids lourds à pantographes, des dispositifs d’aide pour investir dans l’infrastructure ou subventionner l’acquisition de poids lourds hybrides et élaborer un standard pour l’autoroute électrique pour poids lourds et construire des mécanismes d’accompagnement pour l’électrification des grands axes. Troisièmement, développer les véhicules particuliers électriques à autonomie moyenne , clarifier les trajectoires d’évolution des bonus à l’achat afin de permettre aux constructeurs et aux acheteurs de se préparer aux évolutions des incitations et mieux informer les acheteurs sur la consommation de leur véhicule selon la vitesse. Quatrièmement, développer les dispositifs de bornes de recharge en fonction de l’intensité de la circulation et donc mettre en place des facilités de circulation pour les usagers peu émetteurs (ex : lignes dédiées covoiturage ou électrique, péage réduit), faciliter la multimodalité dans les gares. Cinquièmement, comme synthèse de toutes ces actions , encourager la poursuite de la R&D par la symbiose unités de recherche et entreprises dans le cadre de dette nécessaire transition énergétique

Efficacité énergétique et développement des ENR

D’une manière générale , l’Algérie doit miser sur l’efficacité énergétique car il devient intolérable par exemple de construite ave les anciens matériaux de construction ,( le ciment dégage de la chaleur) énergivores comme dans le BTPH où pour chaque pièce il faut un climatiseur alors que les nouveaux matériaux peuvent économiser l’énergie entre 30/40%. Les Collectivités locales peuvent réaliser l’efficacité énergétique à travers de simples pratiques en matière d’utilisation des lampes à basse consommation tout en s’orientant vers les énergies renouvelables notamment en matière d’éclairage public », Selon le rapport du plan de relance économique 2020-2024, élaboré par le Gouvernement, le gaz naturel est la principale source d’énergie en Algérie avec un taux 65% du mix énergétique, tandis que le pétrole ne représente 35%. Et selon les dernières données en 2022,la part des énergies renouvelables, malgré représente moins de 2% de la consommation globale. La part du gaz naturel représente environ 63/64%, le pétrole 35%, les énergies renouvelables toute catégories confondues entre ½% .D’où les deux axes stratégiques de l’Algérie entre 2024/2030/2035 afin de réaliser la transition énergétique.Premier axe : développer les énergies renouvelables où ’Algérie dispose d’abondantes sources d’énergies renouvelables, solaires (plus de 3 000 heures de soleil par an) et éoliennes, qui lui permettent de devenir un leader mondial dans la production de l’énergie propre, pour la consommation locale ( le Ministère de l’Energie prévoyant horizon 2030/2040, environ 40% de de la couverture du marché intérieur étant fin 2022 entre 1/2% ) mais aussi pour l’exportation vers l’Europe. Rappelons qu’entre 2002 et 2023, dans plusieurs déclarations, les Ministères de l’Energie se sont engagés à promouvoir les énergies renouvelables, ce qui consiste à installer une puissance d’origine renouvelable de l’ordre de 22 000 MW à l’horizon 2030, dont 12 000 MW pour le marché national algérien, et avec une possibilité d’exportation allant jusqu’à 10 000MWn ainsi que des projets d’interconnexions électriques. Cependant, il reste à mobiliser un financement européen du Fonds européen en coopération avec les banques de développement comme la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Deuxième axe : développer l’hydrogène vert en partenariat L’Algérie se propose, selon le Ministère de l’Energie, d’investir de 20 à 25 milliards de dollars à l’horizon 2040 autour de l’hydrogène renouvelable, divisée en trois grands phases : le démarrage via des projets pilotes (2023 à 2030), l’expansion et la création de marchés (2030 à 2040) et l’industrialisation et la compétitivité du marché (2040 à 2050). À horizon 2040, l’Algérie prévoit de produire et d’exporter 30 à 40 TWh d’hydrogène gazeux et liquide, avec un mix à la fois composé d’hydrogène bleu, produit à partir de gaz, et d’hydrogène vert fabriqué par électrolyse grâce aux importantes ressources solaires du pays, avec pour objectif de fournir à l’Europe 10 % de ses besoins en hydrogène vert, d’ici à 2040. L ’Europe étant le principal client énergétique de l’Algérie (+ de 50 % en 2022) et le monde devant connaître une profonde mutation, notamment avec les impacts du réchauffement climatiques, la coopération entre l’Algérie et l’Europe devra être axée sur la nécessaire transition énergétique (nouveau modèle de consommation) et numérique, transition qui annonce un profond bouleversement mondial..

En conclusion, la loi sur l’électricité et le transport par canalisation du gaz qui devait voir des opérateurs privés à côté de Sonelgaz n’a pas eu les effets escomptés, pour différentes raisons et notamment en raison du tarif bas. Ainsi Sonelgaz est en situation de monopole. C’est une loi économique universelle tout monopole est source de surcoûts et de gaspillage ( cas de Air Algérie) ; Espérons dans un proche avenir, dans le cadre d’une libéralisation maîtrisée et non anarchique grâce à l’Etat régulateur, qu’une concurrence saine soit instaurée.

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