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Transition énergétique mondiale : Quelle stratégie pour l’Algérie ?

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international docteur, ancien directeur général des études économiques, haut magistrat premier conseiller à la Cour des comptes, ancien directeur des études au ministère de l’Énergie et à la Sonatrach et Président de la commission transition énergétique des 5+5+ Allemagne (2019-2020).

Le développement des énergies renouvelables contribue à la transition énergétique et l’Algérie entend rattraper le retard en investissant, outre dans les énergies traditionnelles, dans le solaire et l’hydrogène , tout en n’oubliant pas dan l’un des plus grands réservoir, soit l’efficacité énergétique pour réduire le gaspillage et la pollution.

C’est dans ce cadre que le 14 mars 2024, le groupe Sonelgaz a signé, des contrats avec les sociétés nationales et étrangères, 14 contrats avec huit soumissionnaires ayant remporté l’appel d’offres, pour la production de 3.000 mégawatts d’énergie solaire sur un programme horizon 2035 de 15.000 MW dont une partie est dédiée à l’exportation et une autre destinée à couvrir la consommation intérieure à environ 40%. Le premier projet porte sur une capacité de 2.000 mégawatts consistant en la réalisation de 15 centrales solaires photovoltaïques, d’une capacité de production de 80 à 220 MW chacune, réparties sur 12 wilayas. Quant au projet Solar 1000, il comprend la construction de 5 centrales photovoltaïques, d’une capacité allant de 50 à 300 mégawatts. Les deux projets constituent la première phase du programme EnR 15 000 MW , qui consiste à produire 15 000 MW d’énergie solaire photovoltaïque à l’horizon 2035 à travers plus de 40 wilayas. Selon le ministère de l’Energie et des Mines, ce projet permettra de concrétiser des partenariats entre des entreprises nationales et étrangères, qui contribueront au renforcement de l’intégration nationale et au transfert de technologie et par là, à l’Algérie d’honorer ses engagements internationaux, notamment au titre de l’accord de Paris, avec la perspective de réduire les gaz à effet de serre à l’horizon 2030.

D’ici 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/Europe/Chine, Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars/an où les grosses compagnies devraient réorienter leurs investissements pour le développement des énergies renouvelables, les industries écologiques et l’efficacité énergétique. Plus globalement, le plan climat des grandes puissances prévoit d’investir dans les segments intelligents au niveau des bâtiments( nouveaux logements plus durables et éco-énergétiques,) des infrastructures d’eau, de transport à travers une réorganisation de l’industrie automobile, les voitures hybrides et électriques, supposant l’installation de de dizaines de millions au niveau mondial de bornes de recharge publiques sur le territoire, durant une période transitoire certains pays instaurant une prime à la conversion. Pour l’Europe par exemple, la Commission européenne a fixé, avec le règlement d’exécution 2020/1294 du 15 septembre 2020, les règles du nouveau mécanisme de financement des énergies renouvelables. Chaque État membre doit contribuer à l’objectif européen de 32% d’énergies renouvelables en 2030. Une trajectoire indicative a été fixée pour chacun d’entre eux, pour la période 2021-2030, avec des points de référence à atteindre entre 2025 et 2027, devant mobiliser au moins 1000 milliards d’euros d’investissements durables dans les dix années à venir avec des incitations pour attirer les financements privés, grâce notamment au rôle essentiel que jouera la Banque européenne d’investissement. La Chine et l’Inde ont un fort engagement pour la transition énergétique. Par exemple, selon le rapport de Global Wind Energy Council, la Chine et l’Inde font partie des cinq pays regroupant 73% de l’ensemble des capacités éoliennes mondiales installées. En termes d’énergie solaire, le soutien des gouvernements indien et chinois stimule la compétitivité de leurs filières solaires, faisant d’eux les premiers acteurs au niveau mondial. La Chine pour tenter de réduire la pollution atmosphérique due à cet usage incontrôlé du charbon, investit massivement dans les énergies renouvelables: elle prévoit d’investir d’ici 2030, environ 375 à 400 milliards de dollars d’investissements. Quant à l’Inde, elle s’est engagée à fortement développer les énergies renouvelables, en disposant en particulier de 100 GW de capacités solaires et de 60 GW éoliens d’ici à fin 2022 contre 16,6 GW solaires et 32,7 GW éoliens à fin novembre 2017), devant mobiliser pour cette période près de 190 milliards de dollars selon les estimations de la Climate Policy Initiative (CPI). Les USA/Europe qui représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial pour une population inférieure à un milliard d’habitants poussent à l’efficacité énergétique et à la transition énergétique afin de lutter contre le réchauffement climatique. Car si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA et l’Europe, il faudrait cinq fois la planète actuelle pour satisfaire les besoins. Je rappelle que selon le rapport de l’ONU une sécheresse sans précédent frappera l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne entre horizon 2025/2030 .En décidant un investissement massif dans le cadre de l’efficacité énergétique, les énergies alternatives aux fossiles classiques dont les énergies renouvelables, les USA, l’Europe, la Chine et l’Inde locomotives de l’économie mondiale (70% du PIB mondial) ont les moyens de leurs politiques. Le monde devrait connaître horizon 2030 un profond bouleversement de la carte énergétique et donc du pouvoir économique mondial, l’énergie étant au ceour de la sécurité des nations (interviews- Pr A. Mebtoul AfricaPresse Paris, American Herald Tribune et Financial Afrik 2018//2023 – le professeur Abderrahmane Mebtoul a présidé avec les meilleurs experts des deux rives de la Méditerranée praticiens, experts et opérateurs, représentant l’Algérie, courant 2019/2020, la commission de la transition énergétique, des 5+5+ Allemagne où les axes de la transition énergétique ont été définis). Afin de rattraper son retard, l’Algérie entend investir , en privilégiant un partenariat gagnant -gagnant, certes toujours dans les énergies fossiles traditionnelles mais décarbonées dont le biogaz qui contribue à la transition énergétique, autour de trois axes directeurs. Le premier axe directeur pour l’Algérie est l’amélioration de l’efficacité énergétique avec la révision des méthodes de construction, car les anciennes normes induisent une forte consommation d’énergie, alors que les techniques modernes économisent de 40 à 50% de la consommation (étude réalisée sous notre direction assisté par le bureau d ‘études américain Ernst & Young 2008, une nouvelle politique de subventions des carburants Ministère de ’l’énergie 2008, 7 volumes 680 pages) . Une nouvelle politique des prix s’impose renvoyant à une nouvelle politique des subventions ciblées , les subventions généralisées, injustes, occasionnant un gaspillage des ressources. Le deuxième axe est lié au développement des énergies renouvelables devant combiner le thermique et le photovoltaïque, le coût de production mondiale ayant diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir. Avec plus de 3 000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire. Mais le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique .Le programme algérien consiste à installer une puissance d’origine renouvelable de près de 22000 MW, dont 12 000 MW seront dédiés à couvrir la demande nationale de l’électricité et 10 000 MW à l’exportation, d’ici 2030, l’objectif étant de produire 40% des besoins internes en électricité à partir des énergies renouvelables alors qu’en 2021, cela représente seulement 1% donc cela nécessite d’importants financements et faire face à la forte consommation intérieure qui selon les données du gouvernement représente en 2023 45% de la production et pourrait aller vers 80% horizon 2030. Le troisième axe est le développement de l’hydrogène vert , bleu et l’hydrogène blanc souvent oublié le Ministère de l’Energie, prévoyant d’investir 20 à 25 milliards de dollars à l’horizon 2040 : ce programme serait divisée en trois grands phases : le démarrage via des projets pilotes (2023 à 2030), l’expansion et la création de marchés (2030 à 2040) et l’industrialisation et la compétitivité du marché (2040 à 2050). À horizon 2040, l’Algérie prévoit de produire et d’exporter 30 à 40 TWh d’hydrogène gazeux et liquide, avec un mix à la fois composé d’hydrogène bleu, produit à partir de gaz, et d’hydrogène vert fabriqué par électrolyse grâce aux importantes ressources solaires du pays, avec pour objectif de fournir à l’Europe 10 % de ses besoins en hydrogène vert, d’ici à 2040. Il ne faudrait pas oublier également le développement de l’hydrogène blanc qui ne résulte pas d’un procédé « humain » comme l’électrolyse où une transformation issue du gaz, sa formation est dite « naturelle » et peut résulter de différents mécanismes : Une réaction d’oxydoréduction qui altère des métaux qui contiennent du fer au niveau hydrothermal et entraine la production d’hydrogène ; une eau à forte teneur en éléments tels que du plutonium ou de l’uranium subit une radiolyse et un rayonnement ionisant peut alors causer la rupture des molécules d’eau (H2O), scission qui peut provoquer à son tour la libération d’hydrogène naturel. ‘hydrogène blanc présente deux avantages de taille par rapport aux autres types d’hydrogène : contrairement à certaines méthodes de fabrication telles que le vaporeformage, sa production ne s’accompagne d’aucune émission de dioxyde de carbone, car il est généré naturellement par la Terre.

En conclusion, la structuration du Mix énergétique mondiale au 1er janvier 2023 est composée du pétrole 32% , du gaz naturel 24%, du charbon 27%, du nucléaire 3% , du renouvelable y compris l’énergie hydraulique 14%.Cette structure est appelée à évoluer entre 2030/2040/2050 avec une croissance du gaz qui représenterait plus de 30%, le pétrole 25% , le nucléaire 10% , l’hydraulique et les énergies renouvelables dans toute leur composante y compris l’hydrogène vert et bleu 35% et entre 2035 et 2050 environ 60 à 65% de la consommation mondiale d’énergie sera constituée de la combinaison du gaz naturel, des énergies renouvelables l’Énergie hydraulique, l’’Énergie éolienne, l’Énergie solaire, la Biomasse , la Géothermie, le développement de l’hydrogène vert bleu et blanc. Aussi, les changements économiques survenus depuis quelques années dans le monde ainsi que ceux qui sont appelés à se produire dans un proche avenir, doivent nécessairement trouver leur traduction dans des changements d’ordre systémique destinés à les prendre en charge et à organiser leur insertion dans un ordre social qui est lui-même en devenir, une stratégie axée sur la bonne gouvernance, la valorisation du savoir avec l’objectif horizon 2030/2040, la transition numérique et énergétique.

 ademmebtoul@gmail.com

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