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L’Agenda 2063 pour le développement durable de l’UA : défis et opportunités

par Mohamed Rachid Cheriti 

Ingénieur spécialisé dans le domaine énergétique.

Email : r_cheriti@yahoo.fr

La plupart des pays africains sont confrontés à de nombreux problèmes qui créent des obstacles à la croissance économique et entravent les perspectives de développement durable (DD) de continent. En dépit de ces contraintes, les pays africains ont réussi à réaliser certains progrès, les économies africaines ont fait preuve d’une résilience globale au début du XXIe siècle dans l’ensemble, et commençaient à jouer un rôle de plus en plus actif dans les processus politiques et économiques mondiaux. De surcroît, l’union africaine (UA) a abordé l’agenda 2063 pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), et pour relever ces défis.

L’Agenda 2063 a été abordé par les dirigeants africains en 2013, répartis en sept aspirations et vingt objectifs, elle reflète les aspirations du continent pour l’avenir et identifie également les programmes essentiels qui peuvent contribuer à la croissance économique globale et le développement durable de l’Afrique, et assurer par la suite sa transformation rapide. Cette initiative s’inscrit dans la continuité du mouvement panafricain vieux de plusieurs siècles visant à parvenir à l’union, à l’autodétermination, à la liberté, au progrès et à la prospérité collective.

Malgré les efforts déployés par les pays africains pour renforcer leur capacité à mobiliser des ressources pour la mise en œuvre de l’ODD 2030 de l’ONU et de l’Agenda 2063, d’importants défis subsistent et entravent une génération optimale de revenus. En effet, les bouleversements mondiaux, à savoir la pandémie de COVID-19 et les crises du changement climatique, ont conduit à d’énormes déficits de financement qui rendent actuellement les perspectives de développement du continent mitigées. Cependant, il existe un large éventail d’opportunités pour mobiliser les ressources financières du continent afin de parvenir à la croissance économique et au développement durable.

Plan d’action pour l’Agenda 2063

L’Agenda 2063 vise à mettre en œuvre un plan d’action pour atteindre cinq objectifs essentiels.

1. Le premier objectif consiste à exploiter les ressources du continent, notamment sa population, son histoire, sa culture, ses ressources naturelles et son équilibre géopolitique, pour parvenir à une croissance et développement économique équitables centrés sur le facteur humain.

2. Le deuxième objectif est lié à la promotion des activités commerciales à travers le développement d’institutions régionales fortes et performantes, en particulier des communautés économiques régionales, qui peuvent contribuer à mobiliser les ressources internes du continent, permettant à chaque pays d’obtenir une part équitable des avantages commerciaux de sa participation à commerce (Accords commerciaux régionaux).

3. Le troisième objectif de l’Agenda 2063 vise à optimiser la mobilisation des ressources nationales en facilitant la réalisation de nouvelles opportunités de développement économique et d’investissement en exploitant pleinement un potentiel jusqu’alors inexploité. Ces nouvelles opportunités sont largement motivées par la croissance rapide de l’entrepreneuriat et de la classe moyenne en Afrique, tirée principalement par la population jeune croissante du continent. Ces occasions, si elles sont correctement exploitées, peuvent servir de catalyseur pour une croissance supplémentaire et des progrès technologiques.

4. Le quatrième objectif met l’accent sur la nécessité de renforcer la bonne gouvernance, la démocratie, et l’état de droit. Ceci, comme le souligne l’Agenda, est d’une importance cruciale, car la mobilisation active des ressources nationales est impossible sans une gouvernance publique efficace.

5. Le cinquième objectif est de créer une Afrique forte, unie, résiliente, pacifique. Cet objectif est considéré comme fondamental, car sa réalisation contribuera à améliorer le climat d’investissement sur le continent et à augmenter le niveau de retour sur investissement.

Il est clair que l’Agenda 2063 envisage la création d’un continent africain prospère doté des moyens et des ressources nécessaires pour assurer un développement économique à long terme, ce qui nécessite à son tour une gestion efficace des ressources financières mobilisées des pays africains, ce qui exige davantage une expansion des capitaux des institutions financières et le développement des marchés intérieurs et extérieurs. De plus, des efforts plus importants seront nécessaires pour empêcher la fuite illicite des capitaux hors du continent.

Cependant, le premier plan décennal (qui se termine en 2023) reconnaît un rôle fondamental de la mobilisation des ressources nationales dans le financement de l’Agenda 2063. Le plan précise qu’au moins 75 % du financement doit provenir de ressources financières nationales. Toutefois, pour atteindre cet objectif, il faudra que les gouvernements africains renforcent leur capacité budgétaire en élargissant l’assiette fiscale et en la surveillant et en l’administrant efficacement. On estime que cela est essentiel pour augmenter les recettes fiscales d’environ 20 à 40 % du PIB.

Les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 :

Les ODD ont été formulés lors de la conférence des nations unies sur le développement durable à Rio de Janeiro, au Brésil, en 2012. La conférence visait à élaborer un ensemble d’objectifs universels qui pourraient, à terme, relever les défis environnementaux, politiques et économiques urgents auxquels sont confrontés les pays du monde. Les ODD, venant remplacer en 2015 les objectifs du millénaire (OMD), élaborés en 1996 et adoptés en 2000 pour éradiquer la pauvreté. Les ODD ont été élaborés sur la base de 17 objectifs interdépendants.

Par ailleurs, l’objectif 17, qui consiste sur le renforcement du partenariat mondial pour le développement durable, insiste sur l’importance de mobiliser des ressources nationales et le soutien international pour les pays en développement afin de renforcer leurs capacités nationales non seulement dans le domaine de la fiscalité, mais aussi dans d’autres stratégies de génération des revenus. Le programme d’action d’Addis-Abeba de 2015 place une part importante de la masse financière de la mise en œuvre des ODD sur les ressources nationales des pays en développement. Cependant, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 met également l’accent sur la nécessité de reconnaître les défis potentiels auxquels sont confrontés les pays en développement dans leurs efforts pour atteindre les objectifs optimaux en matière de mobilisation des ressources intérieures. Dans le cadre de ce plan, les pays sont appelés à renforcer leurs capacités internes pour garantir une génération optimale de revenus.

Les mécanismes de financement du développement durable en Afrique :

En raison de la pandémie de COVID-19, les dépenses annuelles liées aux ODD en Afrique devraient augmenter de 154 milliards de dollars par an et de 285 milliards de dollars supplémentaires au cours des cinq prochaines années (UNECA, 2020) (Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique). La UNECA estime que les besoins de financement annuel seront les suivants :

•130 à 170 milliards de dollars pour le développement des infrastructures (jusqu’en 2025) ;

•66 milliards de dollars par an pour le développement des soins de santé ;

•39 milliards de dollars par an pour le développement du secteur de l’éducation ;

•3 à 5 % du PIB de l’Afrique pour le financement climatique (UNECA, 2020).

S’appuyant sur une analyse de l’Agenda 2063 et les ODD d’ici 2030 de l’ONU, cinq mécanismes peuvent être identifiés pour mobiliser des ressources financières nationales intérieures et extérieurs pour le développement économique en Afrique :

•Les recettes fiscales (TVA, impôt sur les sociétés, impôt sur les revenus, droits de douane à l’importation, impôts indirects, taxe sur les ventes, etc.),

•Recettes non fiscales (redevances, et revenus des ressources des industries extractives),

•Mesures gouvernementales : l’austérité, épargne intérieure…etc.

•Frais d’utilisation des services publics, généralement les autorités locales qu’ils les imposes,

•Aide financière extérieure sous forme de prêts, crédits, et dons.

Le financement intérieur :

Le volume des recettes fiscales dans les pays africains varie considérablement, tant dans le volume total des impôts collectés (en pourcentage du PIB) que dans la structure des recettes fiscales. Les pays africains ont réalisé quelques progrès entre 2010 et 2018, selon les statistiques officielles. En particulier, 30 pays africains ont vu leurs recettes fiscales augmenter d’une moyenne de 15,1 à 16,5 % du PIB. Les meilleurs résultats en termes d’augmentation de la collecte des recettes fiscales ont été obtenus par les Seychelles, la Tunisie et le Maroc.

En outre, bien que les recettes fiscales en Afrique restent inférieures (16,5 % en 2018) aux moyennes de l’Amérique latine et des Caraïbes, et de l’OCDE (23,1 % et 34,3 % respectivement en 2018), elles constituent une source plus durable de recettes publiques dans les pays d’Afrique du sud à long terme par rapport aux recettes non fiscales.

Le financement extérieur :

Il convient de noter que pour financer leurs dépenses nationales sans cesse croissantes, la plupart des pays africains sont excessivement dépendants de l’aide financière étrangère sous forme de prêts et crédits. L’aide étrangère aux pays africains prenait principalement la forme de prêts de la banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque africaine de développement (BAD), et d’autres institutions et partenaires financiers multilatéraux.

Quant au revenus étrangers sous forme d’aide publique au développement, d’une part, elle semble plus préférable aux prêts, car elle contient un élément de subvention et une option d’aide gratuite, mais d’autre part, sa disponibilité est limitée et peut être regroupée ou soumise à conditions d’un programme ou projet spécifique, c’est-à-dire l’aide est fournie à condition qu’il soit utilisé pour acheter des biens dans le pays donateur ou dans un groupe de pays strictement limité. Cela crée une incertitude pour les pays bénéficiaires en ce qui concerne la planification et la budgétisation gouvernementales.

À l’inverse, les prêts sont toujours assortis de certaines conditions, les plus notables d’entre elles sont les remboursements sur des prêts à taux d’intérêt aussi élevés. Néanmoins, le soutien financier des institutions financières internationales telles que le FMI ne peut être apporté qu’après la mise en œuvre de certaines politiques économiques. Ces conditions peuvent avoir des conséquences néfastes pour les économies en développement, affectant négativement le bien-être de leurs citoyens (par exemple, des pertes d’emploi résultant de réductions des coûts de main-d’œuvre dans le secteur public).

L’Agenda 2063 : L’Afrique que nous voulons :

Il est clair que la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et de l’Agenda 2063 dépend de la capacité des pays africains non seulement à mobiliser des ressources financières suffisantes, mais aussi à les mobiliser en temps opportun et à la place adéquate. En outre, les pays africains doivent explorer des sources de financement innovantes, gérer les risques financiers et gérer efficacement les ressources financières publiques. Il convient de noter que le marché financier et d’investissement africain possède ses propres lois et facteurs spécifiques, qui doivent également être identifiés et évalués régulièrement. Par conséquent, ces facteurs ont un impact sérieux sur le développement de la concurrence entre les pays africains pour l’attraction des ressources financières. Les pays africains devraient également accorder une attention particulière à la stimulation des activités d’investissement des entreprises étrangères, car les investisseurs étrangers peuvent devenir non seulement une source d’investissement, mais aussi par la création d’emplois, et contribuent à la mobilisation d’importants volumes de ressources financières internes et externes aux états. Les perspectives de mobilisation de ressources financières nationales pour l’Afrique peuvent également être associées au développement ultérieur des zones de libre-échange africaine. En plus, un autre domaine de développement important qui peut contribuer à l’avenir à la mobilisation de ressources internes supplémentaires dans les pays africains est la transformation des chaînes de valeur mondiales, provoquée par les processus des crises de l’économie mondiale, survenant sous l’influence de politiques de sanctions mondiaux.

Afin d’atteindre ces résultats ambitieux des ODD, les pays africains devront exploiter davantage et optimiser les moteurs nationaux de leurs économies respectives, mobiliser leurs ressources nationales, accélérer et approfondir les réformes économiques structurelles, promouvoir l’industrialisation, et encourager l’entreprenariat responsable, la créativité et l’innovation. En sus, ces pays devraient améliorer les mécanismes de financement en soutenant les partenariats public-privé, les fonds spécialisés, les marchés carbone, les obligations vertes afin d’encourager les investissements dans les énergies propres, et la coopération transfrontalière. En grosso modo, l’Afrique devrait saisir toutes les opportunités favorables qu’elle possède afin de se hisser à l’Afrique que nous voulons. ■ 

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