Festival du Film Amazigh : Un certain regard sur l’inclusion sociale
Le Festival du Film Amazigh de Tizi-Ouzou a offert lundi une expérience cinématographique touchante avec la projection de « The Green Path », un documentaire poignant signé Oussama Rai. À travers les écrans de la salle Djurdjura, ce film de 35 minutes, tourné en langue mozabite dans la région de Ghardaïa, bouscule les perspectives sur l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap mental.
Dans cette œuvre en compétition pour l’Olivier d’or, le réalisateur pose un regard lucide sur une problématique sociétale souvent négligée : le devenir professionnel des jeunes handicapés mentaux après leur formation. Face à ce défi, une association locale a développé une approche novatrice en confiant à ces personnes la gestion d’un terrain aride. Ce qui aurait pu n’être qu’une expérience sociale s’est transformé en une véritable renaissance : sous leurs mains patientes, la terre rocailleuse s’est métamorphosée en une oasis verdoyante. Le documentaire capture avec sensibilité les multiples dimensions de cette initiative. Au-delà de l’aspect économique – les participants reçoivent un salaire pour leur travail à temps partiel – c’est toute une dynamique de réinsertion sociale qui se déploie. Entre les rangées de palmiers dattiers et d’oliviers qu’ils cultivent avec soin, ces jardiniers d’exception tissent des liens, développent des amitiés et retrouvent progressivement leur place dans la société. Le travail agricole devient ainsi un vecteur thérapeutique, chaque nouvelle pousse symbolisant leur propre épanouissement.
Sous-titré en arabe, le film a suscité des réactions enthousiastes lors de sa projection. Le public a particulièrement apprécié l’équilibre entre la profondeur du propos et la maîtrise technique, comme en témoignent les échanges animés durant le débat qui a suivi. La deuxième journée du festival a également mis en lumière l’innovation technique avec deux productions en animation 3D. « Atmathen », réalisé par la jeune Thiziri Sarahoui, propose une adaptation audacieuse en kabyle du célèbre conte des frères Grimm « Hansel et Gretel ». Cette relecture culturelle de 31 minutes démontre la vivacité de la création amazighe contemporaine. Dans un registre différent, « Mazigh » (19 minutes), œuvre des frères Anis et Samir Chalal, aborde la question sensible de l’émigration à travers le portrait d’un jeune diplômé obnubilé par les départs à l’étranger, malgré quinze refus de visa. La programmation s’est conclue sur une note historique avec « Souvenirs sanglants », un court-métrage de 37 minutes réalisé par Mourad Bouamrane. Cette œuvre saisissante ravive la mémoire de la guerre de libération nationale en Kabylie, rappelant les exactions du colonialisme français à travers le destin tragique d’un village.
La diversité des œuvres présentées confirme la vitalité du Festival du Film Amazigh comme espace de dialogue entre tradition et modernité, où les questionnements sociétaux côtoient la préservation de la mémoire collective. Les cinéastes amazighs démontrent leur capacité à conjuguer engagement social, innovation artistique et transmission culturelle, contribuant ainsi au rayonnement d’un cinéma ancré dans son temps tout en restant fidèle à ses racines.
Mohamed Seghir