ContributionDébats

Pour une économie de marché concurrentielle à finalité sociale

Par le Dr Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, président du conseil national des privatisations 1996/1999.

La présente est une synthèse de mon intervention, à l’invitation du Cercle algérien pour la prospérité (CAP-2054), sur l’urgence de mettre en œuvre les véritables réformes entre 2025/2030.

Il faut dire la vérité, rien que la vérité, en privilégiant les intérêts supérieurs du pays, au-delà des personnes, la démagogie et les discours populistes, pour préserver des intérêts de rente, auxquels la population algérienne est allergique. Oui les véritables réformes structurelles économiques n’ont pas commencé, contrairement à certains discours mais soyons réaliste, on ne peut en quelques années après une léthargie de plusieurs décennies redresser le bateau Algérie. Oui, la situation socioéconomique est préoccupante à l’instar de bon nombre de pays dans le monde du fait de la crise actuelle. Face à la crise actuelle qui se traduira par de profonds bouleversements géostratégiques, économiques, sociaux culturels et sécuritaires, l’Algérie ne peut naviguer à vue au gré de la conjoncture et doit définir avec exactitude les hypothèses de ses prévisions, chiffrées et datées selon le couple objectifs- réalisations /moyens humains et financiers avec plusieurs scénarios dont bon nombre de variables et paramètres sont exogènes.

Sans une bonne information, aucune prévision n’est possible et encore moins un plan de relance 2024/2030 qui pour son opérationnalité doit reposer sur six piliers :

-premièrement, sur une démarche méthodologique, existant un théorème universel, 80 % d’objectifs mal ciblés ont un impact seulement de 20 % avec un gaspillage des ressources rares, mais 20 % d’actions bien ciblées ont un impact sur l’activité économique et sociale de 80 %. Pour paraphraser les experts militaires, il faut que les tactiques s’insèrent dans le cadre d’un objectif stratégique d’optimisation du bien-être de l’Algérie. Toute analyse opérationnelle doit partir du général, de l’évolution de l’économie mondiale, au niveau interne du cadre macro-économique et macro-social, puis aux réseaux intermédiaires et enfin au niveau micro-économique des collectivités locales et aux projets fiables dans le cadre des avantages comparatifs, ne pouvant pas tout produire ;

-deuxièmement, tout plan opérationnel doit s’inscrire dans le cadre d’une vision stratégique tant des mutations internes qui internationales, en étant réaliste sur le fait que les hydrocarbures traditionnels resteront encore pour 5 à 10 ans la principale ressource en devises du pays sous réserve de la mise en place de nouvelles filières concurrentielles ;

-troisièmement sur un diagnostic serein de la situation socio-économique et sur une nouvelle gouvernance nationale et locale avec plus de décentralisation et non déconcentration ;

-quatrièmement sur de nouvelles organisations plus crédibles que les anciennes à travers des réseaux, loin de l’ancienne organisation hiérarchique rigide, impliquant les élus locaux et la société civile, entrepreneurs publics, privés, banques, universités, centre de recherche, associations, cinquièmement, sur une bonne communication. Certains responsables vivant dans une autre époque ne savent pas communiquer alors qu’il est impérieux de préparer l’opinion médiatiquement et organiquement à l’esprit des réformes qui seront douloureuses mais porteuses d’espoir à moyen terme en utilisant les médias lourds- débats- pièces de théâtre, cinémas- du fait de la tradition orale de l’Algérien. Les actions et les déclarations doivent être inventoriées, sans tomber dans le piège de l’autosatisfaction et du dénigrement, ni tomber dans le populisme médiatique qui serait alors contre-productif ;

-sixièmement, la levée des obstacles d’environnement à la mise en œuvre d’affaires. Fondement du système rentier, le plus grand obstacle à l’investissement productif enfantant à la fois la sphère informelle et la corruption est la bureaucratie au sens négatif du terme, non comme l’entendait Max Weber au service de la société, expliquant par exemple les obstacles à la numérisation que l’avis proposé en 1983 en tant que directeur général des études économiques à la cour des comptes ayant été chargé du dossier des surestaries, proposition qui n’a jamais vu le jour au niveau des douanes car s’attaquant à de puissants intérêts . Sur le plan du système financier, il est fondamental de promouvoir l’adaptation du système bancaire et de la fiscalité. La mise à niveau du système bancaire est un des axes majeurs car c’est au sein de cette sphère que les rythmes de croissance seront arbitrés à titre principal. L’objectif à viser est d’aboutir à un système bancaire affranchi des ingérences, plus efficient et plus en harmonie avec les exigences d’une intermédiation financière performante et orientée vers l’économie de marché de capitaux. Jusqu’ici, la situation financière des banques publiques a constitué une contrainte qui a inhibé toute velléité de restructuration. Pour ce qui est du système fiscal, celui-ci doit être plus incitatif tout en autorisant une grande rigueur dans son application en vue de la lutte contre l’évasion fiscale par la mise en place d’un système d’information et de communication plus moderne et moins sujet à interprétation. Il est également proposé d’améliorer la lisibilité de la politique générale de l’État par référence notamment à une nouvelle loi cadre de planification budgétaire et de simplifier et regrouper dans un cadre plus cohérent, l’organisation institutionnelle chargée d’exécuter une politique désormais plus claire de libéralisation de l’économie et pourquoi pas un grand Ministère de l’Économie scindé en plusieurs Secrétariats d’État techniques.

Rompre avec la rente

L’économie algérienne est toujours après des décennies, une économie rentière exportant 98% d’hydrocarbures à l’état brut ou semi brut avec les dérivées et important 85% des besoins des entreprises, dont le taux d’intégration, privé et public ne dépasse pas 15%. Environ 83% du tissu économique étant représenté par le commerce et les services de très faibles dimensions, le taux de croissance officiel hors-hydrocarbures étant artificiel, 80% du PIB via la dépense publique l’étant grâce aux hydrocarbures. Selon les données officielles, plus de 90% des entreprises privées algériennes sont de types familiaux sans aucun management stratégique, et que 85% d’entreprises publiques et privées ne maîtrisent pas les nouvelles technologies et la majorité des segments privés et publics vivent grâce aux marchés publics octroyés par l’État. Par ailleurs l’économie est dominée par la sphère informelle employant plus de 45/50% du PIB hors hydrocarbures, s’étendant en période de crise, drainant 33% de la masse monétaire en circulation elle-même liée à la logique rentière. Aussi, il faut être réaliste, la situation économique implique un sursaut national. L’annonce des 250 milliards de dollars consacrés aux entreprises publiques durant les 25 dernières années , annoncé par le ministère délégué à la prospective le 02 janvier 2021 doit préciser durant cette période la ventilation par entreprises, l’évolution de la création de valeur ajoutée, les effectifs, la partie investissement et la partie assainissements en dinars en devises et les solutions concrètes soit de liquidation ou de restructuration afin de faire face tant à la situation socio-économique interne qu’ à l’adaptation aux nouvelles mutations mondiales. Actuellement, excepté le secteur agricole qui a connu un réel dynamisme pour certains produits agricoles, bien que toujours dépendant de certains inputs et pour l’importation du blé surtout tendre qui constitue la majeure partie, le taux de croissance du produit intérieur brut PIB algérien dépend fondamentalement via la dépense publique de l’évolution du cours des hydrocarbures qui détermine à la fois le taux d’emploi et les réserves de change. Le déficit budgétaire croissant entre 2020/2024 non affecté aux investissements créateurs de valeur ajoutée induira forcément une accélération du processus inflationniste ainsi qu’une dévaluation de la cotation du dinar avec un écart croissant avec le marché parallèle, reflet de l’importance de la sphère informelle. A l’avenir, en cas de non accroissement de la production interne, l’écart pourrait atteindre 100% sinon plus du fait de la rigidité de l’offre, une cotation de 300 dinars un euro en cas de non maîtrise de l’inflation, la cotation du dinar étant fortement corrélée dans une économie rentière aux réserves de change, niveau fonction essentiellement des recettes des hydrocarbures. Cette dépréciation simultanée du dinar par rapport au dollar et l’euro a pour but essentiel de combler artificiellement le déficit budgétaire, non articulé à un véritable plan de relance économique et donc assimilable à un impôt indirect que supporteront les consommateurs algériens. Un plafonnement des prix sans analyse sérieuse, entrainerait pour les entreprises publiques un accroissement du déficit et pour les entreprises privées forcément la fermeture de bon nombre d’entreprises privées. C’est que l’Algérie ne peut continuer à fonctionner sur la base d’un cours supérieur à 100 dollars le baril entre 2020/2021, entre 140/150 pour les lois de finances 2023/2024 selon le FMI le cours budgétaire et le prix du marché n’étant un artifice comptable. Cette faiblesse du taux de croissance a un impact sur le cadre macro social où l’éradication des zones d’ombre, des populations isolées, doit été une priorité nationale à la fois pour des raisons de justice sociale mais également en évitant les fameux programmes sociaux de wilayas ayant eu un impact limité, avec des surcoûts exorbitants, donc économiques dans la mesure où toute création de richesses dépend d’entreprises innovantes. La population algérienne est passée de 12 millions en 1965, à 47 au 01 janvier 2024, il faudra créer non par décrets vision administrative mais favoriser les entreprises créatrices de richesses en levant toutes les contraintes d’environnement, dont la bureaucratie, la léthargie du système financier, le foncier, l’adaptation du système socio-éducatif, créer entre 350.000/400.000 emplois par an qui s’ajoute aux taux de chômage actuel, difficile à réaliser. Malgré toutes ces tensions budgétaires, le gouvernement a maintenu les transferts sociaux budgétisés, comme acte de solidarité nationale quasiment inchangés entre 2020/2024 traduisant le caractère social. D’où l’importance d’accélérer les réformes institutionnelles et microéconomiques

Les conditions préalables de l’ouverture du capital des entreprises publiques

Il y a actuellement une confusion entre privatisation partielle ou totale, la démonopolisation et le partenariat public privé, chaque opération répondant à des actions spécifiques. La privatisation est une cession d’actifs soit par appel avis d’offres ou via la bourse avec un rôle stratégique de l’État régulateur, des privatisations existant sans transfert de propriété. Dans le cadre d’un PPP, l’État verse une somme au secteur privé en contrepartie de l’offre de service et de la prise en charge éventuelle de la construction et de la gestion des infrastructures, l’État gardant la main, un contrat de gestion étant temporaire avec le secteur privé. En encourageant le développement du secteur privé nouveau dans la transition vers l’économie de marché, certains pays de l’ex-bloc communiste n’ont pas privatisé mais encouragé la démonopolisation dans l’affectation des ressources financières. Quant à l’ouverture du capital des entreprises publiques, elle ne peut intervenir avec succès que si elle s’insère dans le cadre d’une cohérence et visibilité de la politique socio- économique globale et que si elle s’accompagne d’un univers concurrentiel et un dialogue soutenu entre les partenaires sociaux. C’est un acte éminemment politique et non technique car déplaçant des segments de pouvoir d’où des résistances au changement des tenants de rente sous le slogan « bradage du patrimoine national ». La privatisation partielle ou totale doit répondre à de nombreux objectifs qui ne sont pas tous compatibles et qu’il convient de hiérarchiser dans la formulation d’un programme de privatisation pouvant varier et être adaptés en fonction du contexte international, social et économique interne et de l’activité ou de l’entreprise ce qui suppose la résolution de neuf contraintes qui doivent être levées afin d’éviter la méfiance des investisseurs sérieux , Il s’agit en premier lieu de la corruption qui alourdit le coût des projets entre 20/30% sinon plus et éloigne les véritables investisseurs, il s’agit aussi de l’instabilité juridique perpétuelle, de la nécessité de la rénovation de toutes les structures du ministère des finances à travers sa numérisation, fiscalité, domaine, banques, douane et mettre fin à une bureaucratie centrale et locale paralysante renvoyant à la refonte du système sociopolitique. L’on ne doit pas confondre privatisation et démonopolisation complémentaire, toutes deux, processus éminemment politique, allant vers le désengagement de l’État de la sphère économique afin qu’il se consacre à son rôle de régulateur stratégique en économie de marché. La privatisation est un transfert de propriété d’unités existantes vers le secteur privé et la démonopolisation consiste à favoriser l’investissement privé nouveau. L’objectif de la démonopolisation et celui de la privatisation doivent renforcer la mutation systémique de la transition d’une économie administrée vers une économie de marché concurrentielle autour de trois objectifs. Le premier objectif d’une bonne ouverture du capital est son impact sur la réduction du déficit budgétaire. La majorité des entreprises publiques ont un actif net inférieur au quart de leur capital social et une trésorerie inférieure à un mois de leur chiffre d’affaires avec un endettement croissant auprès des banques publiques malades de leurs clients. Le deuxième objectif est la dynamisation des exportations hors hydrocarbures et de contribuer à l’instauration d’une économie de marché concurrentielle loin de tout monopole qu’il soit public ou privé. Le troisième objectif est que l’ouverture du capital privatisation partielle ou totale bien menée peut être le moteur de la croissance de l’économie nationale car favorisant l’émergence de structures concurrentielles. Il appartiendra à l’État régulateur, garant de la cohésion sociale à laquelle je suis profondément attachée surtout en cette période de tensions budgétaires et internes et à nos frontières de faire respecter le contrat entre les employeurs et les salariés afin que la logique du profit ne porte pas atteinte à la dignité des travailleurs. Mais en n’oubliant jamais que la plus grande dévalorisation morale dans toute société et d’être un chômeur ou un assisté. L’important n’est pas de travailler chez le privé national, international ou chez l’État, l’important pour nos enfants est de trouver un emploi durable dans le cadre de la protection sociale.

Aussi les conditions de réussite de l’ouverture du capital d’entreprises fiables ayant un gold will positif, supposent de lever neuf contraintes. Premièrement, les filialisations non opérantes par le passé dont l’objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Or, c’est le fondement de la réussite tant de l’ouverture partielle du capital que d’une privatisation totale. Deuxièmement, le patrimoine souvent non défini (absence de cadastre réactualisé) pose la problématique de l’inexistence des titres de propriété fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser. Pour éviter la dilapidation du patrimoine, il y a lieu de différencier l’outil de production des biens immobiliers et terrain dont l’évaluation doit se faire au prix du marché en temps réel. Troisièmement, des comptabilités défectueuses de la majorité des entreprises publiques et des banques. La comptabilité analytique est nécessaire pour déterminer exactement les centres de coûts par sections étant pratiquement inexistantes et les banques ne répondant pas aux normes internationales, rend difficile les évaluations d’où l’urgence de la réforme du plan comptable actuel inadapté, rendant encore plus aléatoire l’évaluation dans la mesure où le prix réel de cession varie considérablement d’année en année, voire de mois en mois , de jour en jour en bourse par rapport au seul critère valable , existant un marché mondial de la privatisation où la concurrence est vivace. Quatrièmement, la non-préparation de l’entreprise à la privatisation, certains cadres et travailleurs ayant appris la nouvelle dans la presse, ce qui a accru les tensions sociales. Or, la transparence est une condition fondamentale de l’adhésion tant de la population que des travailleurs à l’esprit des réformes liées d’ailleurs à une profonde démocratisation de la société. Cinquièmement, la non clarté pour la reprise des entreprises pour les cadres et ouvriers supposant la création d’une banque à risque pour les accompagner du fait qu’ils possèdent le savoir-faire technologique, organisationnel et commercial la base de toute unité fiable doit être constituée par un noyau dur de compétences. Sixièmement, est la résolution des dettes et créances douteuses, les banques publiques croulant sous le poids de créances douteuses et la majorité des entreprises publiques étant en déficit structurel, endettés, surtout pour la partie libellée en devises sans un mécanisme transparent en cas de fluctuation du taux de change. Septièmement, les délais trop longs avec des chevauchements de différents organes institutionnels entre le moment de sélection de l’entreprise, les évaluations, les avis d’appel d’offres, le transfert, au Conseil des Participations, puis au Conseil des ministres et la délivrance du titre final de propriété ce qui risque de décourager tout repreneur, car en ce monde, les capitaux mobiles vont s’investir là où les obstacles économiques et politiques sont mineurs, le temps étant de l’argent. Huitièmement, la synchronisation clairement définie permettrait d’éviter les longs circuits bureaucratiques et revoir les textes juridiques actuels contradictoires, surtout en ce qui concerne le régime de propriété privée, pouvant entraîner des conflits interminables d’où l’urgence de leur harmonisation par rapport au droit international. Les répartitions de compétences devront être précisées où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir de demander l’engagement d’une opération de privatisation, de préparer la transaction, d’organiser la sélection de l’acquéreur, d’autoriser la conclusion de l’opération, de signer les accords pertinents et, enfin, de s’assurer de leur bonne exécution. Neuvièmement analyser lucidement les impacts de tous les accords internationaux signés par l’Algérie et notamment les accords bilatéraux avec certains pays, l’accord de libre échange pour la zone africaine et l’Accord d’Association de libre échange l’Europe, toujours en négociations pour un partenariat gagnant-gagnant, qui a des incidences économiques sur les institutions et les entreprises publiques et privées qui doivent répondre en termes de coûts et qualité à la concurrence internationale

Passer par la Bourse d’Alger

Qu’en est-il de la privatisation partielle via la bourse d’Alger ? Cela rejoint les remarques précédentes de la privatisation en général, où dans en raison de la situation actuelle des banques et des entreprises publiques , il est extrêmement difficile d’opérer la privatisation partielle via la bourse d’Alger qui doit en principe permettre de changer la composition du conseil d’administration et donc le management des entreprises et non se limiter à distribuer des dividendes. Cela doit répondre à cinq conditions, la bourse étant en léthargie depuis sa création, ayant construit un stade sans joueurs et, paradoxe, ayant introduit par injonctions administratives certaines entreprises publiques déficitaires, achetant des entreprises déficitaires. Premièrement, il ne peut y avoir de bourse fiable sans un système productif performant concurrentiel, loin de tout monopole qu’il soit public ou privé, évitant les instabilités juridiques renvoyant à un État de droit. Nos responsables sont-ils conscients qu’il existe un marché mondial de la privatisation, où la concurrence est vivace et où le facteur déterminant est la demande avec la prise en compte du goodwill (demande potentielle) et pas seulement l’offre, et qu’il faut éviter que certains prédateurs ne soient intéressés que par les actifs immobiliers et non pas par l’outil de production. Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové. Or, le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures, et un enjeu énorme de pouvoir. En effet, malgré le nombre d’opérateurs privés, nous avons une économie de nature publique avec une gestion administrée, la totalité des activités, quelles que soient leur nature, se nourrissant de flux budgétaires, de la capacité réelle du trésor. On peut considérer que les banques en Algérie opèrent non plus à partir d’une épargne puisée sur le marché, mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la Banque d’Algérie, les entreprises publiques en déficit structurel étant refinancées par le trésor public sous forme d’assainissement – et pas seulement pour la période récente. Cette transformation n’est pas dans le champ de l’entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures) et dans cette relation, le système financier algérien reste passif. Plus de 90 % de ces entreprises sont revenues à la case départ, montrant que ce n’est pas une question de capital argent, la richesse réelle supposant la transformation du stock de monnaie en stock de capital – et là est toute la problématique de développement. Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution des titres de propriété qui doivent circuler librement, segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l’urgence de l’intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété, comme il ne peut y avoir de bourse des valeurs fiables sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales, par la généralisation des audits et de le comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de coûts pour les actionnaires. Cela pose la problématique de la refonte du système comptable et de l’adaptation du système socio-éducatif, l’ingénierie financière étant presque inexistante dans le pays, malgré de nombreuses compétences, le poste services sorties de devises au sein de la balance des paiements ayant été de 10/11 milliards de dollars par an entre 2010/2019., bien qu’en baisse entre 2020/2024 entre 5/6 milliards de dollars car l’important est d’analyser la balance des paiements et pas uniquement la balance commerciale. Quatrièmement, des comptes transparents en temps réel reposant sur des comptabilités analytiques et non des comptes consolidés via les comptes de transfert qui voilent l’efficacité réelle, existant quelques rares exceptions, il se trouve que dans leur état actuel, les comptes des entreprises publiques et privées algériennes, de la plus importante à la plus simple, sont en contradiction avec les audits les plus élémentaires. À titre d’exemple, Sonatrach a besoin d’un nouveau management stratégique à l’instar de la majorité des entreprises algériennes, avec les comptes clairs afin de déterminer les coûts par sections. Cinquièmement, pour attirer les opérateurs tant nationaux qu’internationaux, s’impose la stabilité monétaire et juridique, ainsi que la résolution des dettes et créances douteuses

Bonne gouvernance via la moralité et la valorisation du savoir

Force est de constater qu’il reste beaucoup à faire pour que certains responsables algériens s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, aucun pays à travers l’histoire ne s’étant développé grâce uniquement aux matières premières mais par la bonne gouvernance, la réforme des institutions et la valorisation du savoir. L’Algérie a toutes les potentialités de surmonter la crise actuelle sous réserve d’une vision stratégique de développement hors hydrocarbures, une lutte contre la corruption passible du code pénal à ne pas confondre avec acte de gestion, passant par la numérisation avec des interconnexions intra -secteurs reliés aux réseaux internationaux. La transition d’une économie de rente à une économie hors-hydrocarbures, suppose un profond réaménagement du pouvoir, nécessitant une restructuration du système partisan loin des aléas de la rente, et surtout la dynamisation de la société civile ; pas celles qui vivent de la rente et qui, en symbiose avec les États et les institutions internationales, jouera un rôle de plus en plus déterminant en ce XXIème siècle . Le compromis des années 2024/2030 devra concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte, non un libéralisme sauvage qui n’existe nulle part dans le monde, et le devoir de solidarité, en un mot l’efficacité et l’équité, les politiques parleront de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme, vision populiste suicidaire. En bref la réussite du processus de développement implique la refonte du système politique et socio-économique. La tolérance par la confrontation d’idées contradictoires productives, loin de tout dénigrement, est la seule voie pour dépasser l’entropie actuelle. Le plus ignorant est celui qui prétend tout savoir et méditons les propos pleins de sagesse du grand philosophe Voltaire « Monsieur je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai de toutes mes forces pour que vous puissiez toujours le dire ».

A.M.

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