France : Lorsque l’« algérophobie élevée au rang de raison d’État »
Une campagne anti-algérienne est menée depuis plusieurs mois en France, d’abord menée par les milieux de l’extrême-droite française et les lobbies sionistes, puis reprise à bon compte par ses relais au sein du gouvernement français sur fond de crise politique aigüe. Une campagne qui atteint son point d’orgue et qui a suscité de nombreuses dénonciations aussi bien en Algérie en France.
Dans le contexte des récentes tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie, l’ancien ministre de la Communication et diplomate, Abdelaziz Rahabi, s’est exprimé sur son compte X concernant les propos du ministre français Bruno Rétaillau. Dans sa déclaration, Rahabi a dénoncé ce qu’il qualifie d’« algérophobie élevée au rang de raison d’État », soulignant que « le ton martial, souvent arrogant des ministres français des Affaires étrangères et de l’Intérieur à l’égard de l’Algérie relève plus du ballet des insignifiants que d’une véritable crise diplomatique en l’absence de tout motif sérieux pour expliquer le rappel de tout ce que la France compte comme algérophobes ». Il a également pointé du doigt la stratégie politique française, affirmant qu’ils ont « cherché et réussi à faire de l’Algérie une question prioritaire dans leur agenda politique sans mesurer que cela conduirait à des crises récurrentes et à un choc des souverainetés entre les deux pays ». Le diplomate a mis en perspective cette situation avec un contexte plus large, notant que « la montée des populismes dans des pays au passé colonial ou fasciste comme la France, l’Allemagne ou l’Italie a alimenté la rente mémorielle négative d’une partie des élites politique, sociale et médiatique les plus influentes ». Le Conseil National des Journalistes Algériens (CNJA) a émis des préoccupations sérieuses concernant le traitement médiatique de certains organes de presse français, notamment Le Figaro, Europe 1, et Sud Radio. Le CNJA a particulièrement critiqué l’utilisation de figures controversées comme Chouaki Ben Zahra, dont les déclarations ont visé à discréditer la communauté algérienne en France tout en niant les crimes coloniaux. L’organisation a appelé à une intervention de la Fédération internationale des journalistes et à un retour à plus d’objectivité dans le traitement de l’information. L’organisation a également dénoncé les attaques visant « des institutions algériennes souveraines et des personnalités emblématiques de la communauté musulmane en France, telles que le recteur de la Grande Mosquée de Paris. Ces attaques, orchestrées et amplifiées par certains médias », qui « traduisent une volonté manifeste de détourner l’opinion publique et de créer des fractures artificielles ».
Elle appelle dans ce sens la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et les organisations professionnelles mondiales à « examiner ces pratiques et à intervenir pour rappeler l’importance de la neutralité et de l’équilibre dans le traitement des informations ». Elle souligne aussi que la communauté internationale, en particulier les journalistes et universitaires spécialisés dans les questions de déontologie, sont appelés à « ouvrir un débat sérieux sur la manière dont certains médias influents participent, consciemment ou non, à l’escalade des tensions internationales ».
Un appel est aussi lancé aux « médias français responsables à prendre leurs distances vis-à-vis des discours incendiaires et à promouvoir des valeurs de respect mutuel et d’objectivité, indispensables au bon fonctionnement de toute démocratie ».
Les critiques se multiplient en France
L’attitude de certains responsables français vis-à-vis de l’Algérie et l’escalade des tensions fait d’ailleurs aussi sourciller en France où les réactions politiques se sont multipliées, avec des positions contrastées. Ségolène Royal a souligné que « la France a une dette morale envers l’Algérie », tandis qu’Eric Coquerel, député à l’Assemblée nationale, a vivement critiqué le président Macron, le qualifiant de « néo-colonialiste ». Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, n’a pas manqué, sur le plateau d’une chaîne de télévision toute acquise au discours de l’extrême droite, de remettre les choses dans leur contexte et de critiquer l’instrumentalisation de l’affaire d’un influenceur algérien par le ministre français de l’Intérieur pour alimenter la tension entre la France et l’Algérie. «Il sait très bien que renvoyer quelqu’un dans un avion sans avoir l’assurance qu’à l’arrivée il sera effectivement repris par les autorités algériennes, c’est prendre le risque d’un aller-retour et de passer pour un bonnet», a-t-il affirmé dimanche. Et d’ajouter : «La procédure aurait dû commencer par le passage devant la justice». Le risque de cette nouvelle séquence est, mettons-t-on en garde, est «l’emballement, la surenchère et de commencer une espèce de guerre des mots avec l’Algérie», dont dira le 1e secrétaire du PS, «nous n’avons pas besoin». Et pour cause, ne manque-t-on pas de souligner, l’Algérie est un pays important pour la France, et tenter de faire croire que Paris peut peser sur l’Algérie est un leurre. C’est pourquoi, dira-t-il, «il y a là une question qui est posée», car, rappelle-t-il, «tout le problème est que Retailleau savait qu’il se heurterait vraisemblablement à un refus de l’Algérie, et qu’en retour, il pourrait faire monter les enchères et créer une situation où désormais tout est remis sur la table, et on parle des visas, et de tout ce qui peut créer de la tension». Cette position est partagée par Catherine Tricot, directrice de la revue Regards, qui pointe la responsabilité du préfet de l’Hérault plutôt que celle de l’Algérie. Le politologue Hasni Abidi a relativisé les menaces françaises en affirmant que « la France n’a pas de grands leviers en matière de sanctions économiques ». Catherine Tricot a conclu en mettant en garde contre la détérioration des relations franco-africaines : « Je ne sais pas pour qui on se prend, il faut considérer avec un peu plus d’attention et de respect le reste du monde […] Nous sommes en train de nous faire chasser de l’Afrique, nous dégradons nos relations avec l’Algérie et avec de très nombreux pays africains, ce qui est en train de se passer est désastreux. »
Hocine Fadheli