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Menaces de sanctions françaises envers l’Algérie: Des leviers en trompe-l’œil agités par des politiques en perte de vitesse

Les relations franco-algériennes traversent une période de tensions croissantes, une escalade spécifiquement alimentée par Paris qui agite la menace de sanctions et de leviers économiques et d’aides au développement. Cependant, la France dispose-t-elle vraiment de leviers comme voudraient le faire croire les politiques français de droite et d’extrême droite ?  C’est loin d’être le cas, dans la mesure où la réalité de cette aide et des relations économiques bilatérales est bien plus complexe que ce que certains discours politiques laissent entendre. Les chiffres officiels, basés sur des rapports parlementaires, révèlent que la France a accordé 132 millions d’euros d’aide publique au développement à l’Algérie en 2022, s’inscrivant dans une enveloppe globale d’environ 600 millions d’euros sur cinq ans. Ces montants, bien loin des 800 millions d’euros annuels parfois évoqués notamment par l’eurodéputée Sarah Knafo du parti Reconquête et compagne d’Éric Zemmour, nécessitent une analyse approfondie quant à leur utilisation réelle. En effet, la quasi-totalité de ces fonds ne transite pas par les caisses de l’État algérien, mais est affectée à des mécanismes spécifiques de coopération qui en réalité servent le soft power français. Plus de 90% de cette aide est constituée de « frais d’écolage », correspondant aux financements alloués aux établissements d’enseignement supérieur français accueillant des étudiants algériens. Cette réalité contraste fortement avec l’image d’une aide directe à l’État algérien souvent véhiculée dans le débat public. Le reste des fonds est principalement destiné aux actions menées par des ONG françaises sur le territoire algérien, s’inscrivant dans une logique de coopération décentralisée. Sur le plan des échanges commerciaux, la relation franco-algérienne a connu une évolution significative au cours de la dernière décennie. Les derniers chiffres de 2023 montrent une progression notable avec des échanges commerciaux atteignant 11,8 milliards d’euros, soit une hausse de 5,3% par rapport à 2022 où ils s’établissaient à 11,2 milliards d’euros. Cette augmentation est principalement due à la hausse des importations françaises de biens algériens, qui ont progressé de 8% pour atteindre 7,3 milliards d’euros, majoritairement portées par les importations d’hydrocarbures qui ont connu une hausse de 15,3% pour s’établir à 6 milliards d’euros. Ces importations d’hydrocarbures sont composées à 51,8% de gaz naturel, liquéfié ou gazeux, qui a connu une forte progression de 30,1% pour atteindre 3,1 milliards d’euros, et à 48,2% de pétrole brut, avec une légère augmentation de 5,6% à 2,9 milliards d’euros. Un segment que la logique et le pragmatisme ne risque pas d’être affecté au regard de la situation actuelle du marché européen du gaz sous tension en raison de la suspension des flux de gaz russe notamment via l’Ukraine.  Du côté des exportations françaises vers l’Algérie, plus profitables à la France, elles sont restées relativement stables en 2023, avec une très légère baisse de 0,5% à 4,49 milliards d’euros. La structure de ces exportations a cependant connu des modifications significatives. Les produits agricoles, traditionnellement un secteur important des ventes françaises en Algérie, ont enregistré une forte baisse de 73,1% pour s’établir à 276 millions d’euros en 2023. Cette baisse a néanmoins été compensée par la progression d’autres secteurs, notamment les produits industriels qui, avec 1,9 milliard d’euros en 2023, représentent désormais le premier poste d’exportations françaises vers l’Algérie, en hausse de 20,5%. Les équipements mécaniques, deuxième poste d’exportation, ont progressé de 16,9% pour atteindre 1 milliard d’euros, tandis que les matériels de transport ont connu une hausse de 21,8% pour s’établir à 863 millions d’euros. Les produits des industries agroalimentaires ont également enregistré une forte progression de 33,6%, passant de 305 à 408 millions d’euros. Cette évolution des échanges a entraîné une dégradation du déficit commercial français vis-à-vis de l’Algérie, celui-ci passant de 2,1 milliards d’euros en 2022 à 2,8 milliards en 2023, soit une augmentation de 33,3%. Malgré ces variations, l’Algérie maintient sa position de second marché de destination des ventes françaises en Afrique. Dans ce contexte économique complexe, les menaces de certains responsables politiques français, dont Bruno Retailleau, concernant d’éventuelles mesures de rétorsion comme la restriction des visas, l’augmentation des taxes douanières ou la suspension de l’aide au développement, apparaissent largement rhétoriques. En effet, ces fonds servent principalement les intérêts français, finançant la formation d’étudiants algériens dans les universités françaises, les missions d’experts français et les activités de bureaux d’études cherchant à obtenir des contrats en Algérie. Cette réalité, confirmée par plusieurs médias français dont France Info, souligne le caractère « en trompe-l’œil » de ces chiffres. Une suspension de cette aide impacterait principalement l’accueil d’étudiants algériens en France, une mesure potentiellement contre-productive pour les intérêts français à long terme.

Azzedine Belferag

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