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Quelles perspectives pour l’Accord d’association entre l’Algérie et l’UE ?

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, docteur d’Etat en sciences économiques 1974, haut magistrat premier conseiller et directeur général des études économiques à la Cour des Comptes 1980/1983, directeur d’étude aux ministères de l’Industrie et de l’ÉnergieEnergie 1974/1979-2005/2008-1990/1995-2000/2008-2013/2016.

La révision de l’Accord d’association demandée par l’Algérie intervient dans une conjoncture délicate, marquée par des tensions que l’extrême droite alimente. Alors qu’une minorité d’experts en Algérie prône la fin de l’Accord, le président de la République, beaucoup plus réaliste, propose une négociation apaisée, du réalisme et du pragmatisme, l’Algérie et l’Europe étant deux partenaires stratégiques.

L’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne, signé en 2005, est un accord régional incluant d’autres volets que le volet économiques, les aspects humains dont les droits de l’homme, sécuritaires et politiques contrairement à l’OMC qui est un accord mondial, le Groupe de travail de l’accession de l’Algérie au GATT ayant été institué le 17 juin 1987, étant toujours observateur depuis près de 38 ans, se limitant aux facteurs économiques et récemment environnementaux . La révision de l’Accord d’association demandée par l’Algérie intervient dans une conjoncture délicate, marquée par des tensions que l’extrême droite alimente. Alors qu’une minorité d’experts en Algérie prône la fin de l’Accord, le président de la République, beaucoup plus réaliste, propose une négociation apaisée, du réalisme et du pragmatisme, l’Algérie et l’Europe étant deux partenaires stratégiques.Selon les experts de Bruxelles , il n’est pas question de modifier l’accord cadre qui s’applique à tous les pays qui ont signé un accord de libre change avec l’Europe, sans exception. Mais des assouplissements de certaines dispositions peuvent être apportées afin de favoriser un partenariat gagnant- gagnant. L’Europe reconnait que l’Algérie est un facteur déterminant dans son approvisionnement énergétique et de la stabilité de la région euro méditerranéenne et africaine. Mais la commission de Bruxelles fait remarquer à l’Algérie qu’elle n’est qu’une organisation, pouvant donner des signaux , assouplir certaines dispositions tarifaires, supposant un accord de tous les membres, mais ne peut contraindre une entreprises guidée par la seule logique du profit d’aller investir en Algérie ou dans tout autre pays qui doit améliorer le climat des affaires en procédant à des réformes pour pouvoir attirer les investisseurs qui ont une gamme d’opportunités à travers le monde. Afin de calculer le solde de la balance commerciale Algérie-Europe, la commission demande à ce que les exportations d’hydrocarbures soient incluses dans la balance commerciale et que pour toute exportation de produits finis ou semi finis répondent aux normes qualité et cela s’applique à tous pays sans exception

Existant déjà un accord stratégique pour le volet énergétique entre l’Europe l’Algérie, les propositions du gouvernement algérien devraient porter concernant le volet économique, essentiellement sur la révision de certaines mesures tarifaires afin de permettre l’émergence de secteurs productifs concurrentiels, avec l’ouverture du marché européen aux produits algériens dont les produits d’origine animale, certains produits semi-finis comme le ciment et produits semi-ferreux ainsi que les fruits et légumes , sous réserve de se conformer aux normes européennes . Mais le montant exportable dans la structure des exportations hors hydrocarbures pour 2023/2024 est relativement faible entre 200/ 300 millions de dollars contre un total d’environ 55 milliards de dollars d’exportation en 2023 inclus les hydrocarbures et les dérivées. En effet outre l’interdiction de la dualité des prix interdit dans les transactions commerciales mondiales pour ne pas fausser une saine concurrence, comme le dumping du gaz pour certains produits, ou à travers d’autres subventions, pour avoir la balance nette de devises pour l’Algérie , il faut soustraire les matières premières importées en devises en plus de l’amortissement pour les équipements. Je pense avec de nombreux experts des deux rives de la Méditerranée qui prônent l’apaisement et un dialogue productif, que ceux qui prêchent tant pour l’extrême droite européenne que certains experts algériens sans analyses sérieuses, mentalité soviétique du passé, pour mettre fin au à l’Accord d’Association visent à déstabiliser l’Algérie dont les exportations avec les dérivées 98% de ses recettes proviennent des hydrocarbures. Sans compter les prochaines mesures du président Trump d’augmenter les exportations de GNL en direction de l’Europe afin d’éviter des sanctions douanières, l’Algérie avec des réserves 2400 milliards de mètres cubes gazeux n’est pas la Russie avec 36.000 milliards de mètres cubes gazeux, ni l’Iran avec 32.000 , ni le Qatar 22.000, les deux premiers pays qui ont su contourner l’embargo, car très proche de l’Asie, avec deux gros importateurs la Chine et l’Inde, à des prix préférentiels. L’Algérie a besoin d’attirer des investissements étrangers et des financements pour mettre en place une économie diversifiée. Du fait de l’important déficit budgétaire de plus de 66 milliards de dollars pour la loi de finances 2025, des recettes en devises de moins de 20/30 milliards de dollars la plongerait dans une crise financière et sociale. Or ses recettes en devises proviennent pour plus de 60/70% d’Europe son espace naturel, essentiellement des hydrocarbures ne pouvant que très partiellement exporter son énergie vers l’Asie avec un coût de transport faramineux surtout avec les tensions en Mer rouge et ne pouvant concurrencer des pays proches de l’Asie comme l’Iran , le Qatar et la Russie dont les capacités sont 15 fois supérieures ..Pour ses relations avec l’Afrique, en attendant la concrétisation de la Zone de libre-échange continentale africaine ( 15% en 2023 des échanges intra-africains selon la CNUCED ) les échanges entre l’ Algérie et l’Afrique entre 2022/ 2023 représentent 3,3 % pour les importations et 8% pour les exportations. Pour pénétrer le marché africains , il faudra avoir des entreprises concurrentielles en termes de cout/qualité et de la forte concurrence avec les grandes puissances comme la Chine, les USA, l’Europe, le Japon la Corée du Sud, et bien d ‘autres pays émergents comme la Turquie sans oublier certains pays du Golfe. Etant exportateur essentiellement d’hydrocarbures, sans compter les importants gisements en méditerranée orientale, outre les pays traditionnels producteurs d’hydrocarbures, Algérie, Nigeria, Libye premier réservoir de pétrole plus de 42 milliards de barils, nous assistons récemment en Afrique à l’entrée de nouveaux pays gaziers et pétroliers, comme le Mozambique la Tanzanie, l’Angola, l’exploitation depuis janvier 2025 de l’exploitation de l’important champs gazier l’Île de la Tortue conjointement entre le Sénégal et la Mauritanie et sans oublier les pays qui se lancent dans les énergies renouvelables modifieront la carte énergétique de l’Afrique.

Gouverner c’est prévoir et il faut entrevoir tous les scénarios en n’oubliant pas l’impact de la baisse des cours des hydrocarbures vers les années 1987/1992, qui a conduit l’Algérie à la cessation de paiement en 1994 et les effets de la crise de 2008 qui a vu les réserves de change qui avaient atteint 194 milliards de dollars fondre comme un sucre, devant transformer cette richesse virtuelle d’environ 70 milliards de dollars actuellement en richesses réelles. Et toute restriction des exportations algériennes d’hydrocarbures vers l’Europe aurait un impact sur l’Europe dépendante en 2023 de 19% de sa consommation de gaz mais déstabiliserait l’Algérie beaucoup plus vulnérable avec des impacts géostratégiques tant au niveau de l’Afrique que de l’Europe. Car force est de reconnaître qu’en ce mois de janvier 2025 Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach et que l’Algérie a une économie de nature publique avec une gestion administrée centralisée renvoyant à l’urgence d’une véritable décentralisation et de s’adapter au nouveau monde, dont son principal marché l’Europe qui a adopté une nouvelle directive qui élargit les infractions et renforce les sanctions en matière de délinquance environnementale et son adoption formelle par le Parlement européen le 27 février 2024 avec l’instauration de la Directive sur la diligence raisonnable en matière de développement durable des entreprises (CSDDD) qui entrera en vigueur en 2027 imposant aux grandes entreprises dont Sonatrach, de veiller à ce que leur chaîne de valeur respecte les droits de l’homme et les normes environnementales et en cas de manquement, des sanctions lourdes sont prévues, dont une amende pouvant atteindre 5% du chiffre d’affaires annuel mondial. L’Algérie a besoin de profondes réformes structurelles dont les institutions à travers une réelle décentralisation et une participation citoyenne, passant par un système d’information fiable afin d’éviter de naviguer à vue. L’amélioration de la cotation du dinar, la lutte contre l’inflation et le chômage suppose un accroissement de la production et de la productivité interne, la véritable richesse d’une Nation reposant sur des entreprises compétitives dont le support est la valeur travail et non une rente éphémère, comme nous l’ont appris les classiques de l’économie… Le développement durable suppose une croissance forte en libérant les initiatives des managers publics et privés , devant mettre fin au blocage de l’écosystème dont la gestion administrative qui enfante un pouvoir bureaucratique central et local sclérosant, la vocation de tout Etat étant d’être régulateur et non gestionnaire. En bref la seule solution raisonnable entre l’Europe et l’Algérie, autant que les relations entre l’Algérie et la France est la dialogue et non la confrontation.

ademmebtoul@gmail.com

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