RD Congo: Goma aux mains des M23, tensions à Kinshasa
La situation dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a franchi un nouveau cap critique avec la chute quasi-certaine de Goma aux mains des rebelles du M23 et de l’armée rwandaise, déclenchant une crise diplomatique majeure qui s’est étendue jusqu’à Kinshasa.
Dans ce contexte d’escalade des tensions, le groupe A3+ du Conseil de sécurité de l’ONU, composé de l’Algérie, la Somalie, la Sierra Leone et du Guyana, a appelé mardi à une « désescalade immédiate » lors d’une session présidée par l’Algérie, la deuxième en moins de 72 heures consacrée à la situation en RDC. La ville de Goma, capitale provinciale stratégique de plus d’un million d’habitants, est désormais presque entièrement sous le contrôle du M23 et des forces rwandaises après seulement deux jours de siège. L’aéroport et le siège du gouvernement provincial sont tombés, tandis que de nombreux soldats congolais ont fui la ville, coincée entre le lac Kivu et la frontière rwandaise. Le bilan humain est lourd, avec plus de 100 morts et près d’un millier de blessés selon les décomptes hospitaliers établis par l’AFP. La situation humanitaire est particulièrement préoccupante, l’ONU rapportant le déplacement d’un demi-million de personnes depuis le début du mois de janvier. Face à cette détérioration rapide de la situation, l’ambassadeur Michael Imran Kanu, représentant de la Sierra Leone s’exprimant au nom du groupe A3+, a souligné le caractère « imprévisible et instable » de la situation à Goma et dans ses environs. Le groupe a insisté sur l’impératif de protection des civils, que ce soit par la MONUSCO ou d’autres acteurs, tout en appelant le M23 à « s’abstenir de faire obstruction à l’aide humanitaire ou de fermer les couloirs humanitaires ». La crise s’est également propagée à Kinshasa, où des manifestants en colère ont attaqué plusieurs ambassades, notamment celles du Rwanda, de la France, de la Belgique et des États-Unis, pays critiqués pour leur inaction face à la situation. Ces attaques ont été fermement condamnées par le groupe A3+, qui a rappelé qu’elles violent le droit international, appelant toutes les parties à respecter les normes diplomatiques et à faire preuve de retenue. Sur le plan diplomatique, le Kenya tente une médiation en convoquant une réunion entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, alors que la précédente tentative de dialogue sous médiation angolaise en décembre avait échoué. Le groupe A3+ a réaffirmé son soutien à une solution politique du conflit, saluant les efforts diplomatiques africains tout en soulignant la nécessité d’un engagement direct entre la RDC et le Rwanda dans le cadre du processus de Luanda. L’ambassadeur Kanu a notamment insisté sur l’importance de négociations menées « en toute bonne foi » pour parvenir à une solution durable respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC tout en répondant aux préoccupations sécuritaires du Rwanda. Le groupe reste convaincu que le processus de Luanda offre la meilleure voie vers la paix, tout en avertissant du risque d’une nouvelle escalade si l’impasse actuelle persiste. La situation actuelle s’inscrit dans un contexte plus large de tensions régionales. Depuis fin 2021, le M23 et des troupes de l’armée rwandaise ont progressivement pris le contrôle de vastes territoires dans la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale. Cette ville avait déjà été brièvement occupée par le M23 fin 2012, avant que le groupe ne soit militairement vaincu, pour ensuite faire son retour en 2021. Kinshasa accuse Kigali de chercher à piller les richesses naturelles de l’est de la RDC, tandis que le Rwanda, qui nie ces accusations, dénonce la présence de groupes hostiles côté congolais. Cette résurgence du M23 s’inscrit également dans le cadre d’une rivalité stratégique entre le Rwanda et l’Ouganda. Face à cette situation critique, le groupe A3+ a souligné l’urgence pour tous les acteurs, y compris le Conseil de sécurité, d’agir de manière décisive pour faire face à la situation désastreuse à Goma et s’attaquer aux causes structurelles profondes du conflit. La communauté internationale, incluant l’ONU, les États-Unis, la Chine et l’Union européenne, a également appelé à la fin des combats et exigé le retrait des forces rwandaises de la région. Le président rwandais Paul Kagame, après un entretien téléphonique avec le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio, a évoqué la « nécessité d’assurer un cessez-le-feu » et de « s’attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes ». Pendant ce temps, le gouvernement congolais, dénonçant une « déclaration de guerre du Rwanda », a indiqué vouloir « éviter le carnage » à Goma, tandis que le président Félix Tshisekedi est resté silencieux depuis le début de la crise. La situation à Goma reste tendue mais semble se stabiliser progressivement, même si les services essentiels comme l’eau, l’électricité et les connexions internet restent coupés. Les habitants commencent à sortir prudemment de chez eux après trois jours de confinement, découvrant une ville marquée par les combats et parsemée de corps dans les rues. Les hauts responsables du M23 ont annoncé qu’ils s’exprimeraient mercredi, laissant planer l’incertitude sur leurs intentions futures dans cette région stratégique secouée depuis 30 ans par les violences entre groupes armés.
R.I.