Essais nucléaires français dans le Sahara algérien : Un héritage radioactif colonial qui continue de tuer
Plus de 60 ans après les premiers essais nucléaires français dans le Sahara algérien, les conséquences dévastatrices de ces expérimentations continuent de hanter les populations locales. Lors d’un colloque national sur la Révolution du 1er novembre 1954, organisé à Bouira en hommage au défunt Rabah Bitat, des historiens et experts ont dénoncé hier un « crime horrible » dont les séquelles persistent jusqu’à aujourd’hui. « Ces explosions nucléaires sont un crime abominable qui continue de faire des victimes », a déclaré l’enseignant et chercheur en histoire Zidine Kassimi lors du colloque. Il souligne particulièrement l’apparition continue de malformations congénitales chez les nouveau-nés dans les régions touchées, témoignage vivant de la persistance de la contamination radioactive. Ali Boudraâ, secrétaire national de la Coordination nationale pour la préservation de la mémoire et du patrimoine historique (CNPMPH), a qualifié ces événements de « crime indescriptible », soulignant l’ampleur des dégâts causés aux populations locales.
Le 13 février 1960, la France procédait à son premier essai nucléaire dans le Sahara algérien, baptisé « Gerboise bleue ». Cette explosion, d’une puissance de 70 kilotonnes – soit près de quatre fois la puissance de la bombe d’Hiroshima – marquait le début d’une série d’essais qui allaient durablement contaminer la région.
Entre 1960 et 1966, la France a réalisé 17 essais nucléaires dans le Sahara algérien, 4 explosions atmosphériques à Reggane, 13 essais souterrains à In Eker et des dizaines d’expériences complémentaires impliquant des matériaux radioactifs.
Les conséquences de ces essais sont multiples. Il s’agit de contamination durable des sols et des nappes phréatiques, de l’augmentation des cas de cancers dans les régions touchées, de cas de malformations congénitales chez les nouveau-nés et la destruction de l’écosystème local. Bien que la France ait reconnu en 2010, à travers la loi Morin, sa responsabilité dans les conséquences sanitaires des essais nucléaires, les démarches d’indemnisation restent complexes et souvent inaccessibles pour les victimes algériennes. Ces essais nucléaires s’inscrivent dans une longue liste d’exactions commises pendant la période coloniale française en Algérie (1830-1962). Ils ont été perpétrés alors même que l’Algérie luttait pour son indépendance, illustrant le mépris total des autorités françaises pour la vie des populations locales. Les participants au colloque ont souligné l’urgence d’une reconnaissance pleine et entière des préjudices causés, d’une indemnisation juste des victimes et de leurs descendants, d’une décontamination effective des sites d’essais ainsi qu’un accès complet aux archives françaises concernant ces essais.
Cette page sombre est un point important de friction entre l’Algérie et souligne l’importance d’un travail de mémoire approfondi. Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a affirmé récemment dans un entretien au journal français l’Opinion que les réparations relatives aux explosions nucléaires et à l’utilisation d’armes chimiques par la France dans le Sud de l’Algérie est un sujet indispensable pour la reprise de la coopération bilatérale, appelant à régler définitivement ces contentieux. «C’est indispensable. Le dossier de la décontamination des sites d’essais nucléaires est obligatoire sur les plans humain, moral, politique et militaire. Nous pouvions le faire avec les Américains, les Russes, les Indonésiens, les Chinois. Nous estimons que l’Algérie doit le faire avec la France qui doit nous dire avec précision les périmètres où ces essais ont été réalisés et où les matériaux sont enterrés», a précisé le président de la République. Il a indiqué dans le même cadre, qu’«il y a aussi la question des armes chimiques utilisées à Oued Namous».
Samir Benisid