Culture

Littérature populaire : Le rôle crucial des universitaires dans la sauvegarde en débat

La question de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel se pose avec acuité dans un monde où la transmission orale traditionnelle se heurte aux mutations sociétales. C’est dans ce contexte que s’est tenu dimanche dernier à Tizi-Ouzou le premier Colloque national sur « Le rôle des chercheurs dans la sauvegarde du patrimoine culturel populaire », une initiative du Laboratoire des représentations intellectuelles et culturelles (LRIC) du département de langue arabe de l’Université Mouloud Mammeri (UMMTO). Cette rencontre scientifique a mis en exergue la contribution essentielle des universitaires algériens dans la préservation et la valorisation d’un patrimoine longtemps marginalisé et parfois dénigré. Les participants au colloque ont unanimement souligné que « les chercheurs universitaires ont apporté un regard national sur la littérature populaire algérienne et ont contribué à sa préservation », établissant ainsi un contrepoids académique face aux représentations coloniales de ce patrimoine. La manifestation, qui s’est étalée sur deux journées, a réuni des universitaires de diverses régions du pays, tant en présentiel qu’à distance par visioconférence, représentant notamment les universités de Tizi-Ouzou, Boumerdes, Bejaia, Alger, Djelfa, El Taref, M’sila, El Bayadh et Mascara, témoignant de l’intérêt national pour cette thématique. Le travail méthodique des chercheurs a permis de collecter, documenter et analyser un vaste corpus de productions orales – poèmes, contes, proverbes et dictons – traditionnellement transmis par les Meddahine (conteurs) dans les marchés pour la poésie populaire, et souvent par les femmes dans l’environnement familial pour les contes. Mais au-delà de la simple collecte, c’est l’analyse scientifique de ces matériaux qui constitue l’apport majeur de la recherche universitaire, permettant d’éclairer la signification profonde de ces expressions culturelles et leur ancrage social. Le professeur Abdelhamid Bourayou, figure pionnière de ce champ d’études et honoré lors du colloque, a particulièrement insisté sur la dimension décoloniale de ce travail académique. Il a souligné que ses recherches et celles de ses confrères ont notamment permis « d’apporter un regard algérien valorisant sur la littérature populaire en opposition au regard négativiste et subjectif colonial ». Cette approche s’avère fondamentale car, comme il l’a affirmé avec conviction, « la littérature populaire est le miroir qui reflète la société qui l’a produite », d’où « l’intérêt d’y apporter un regard algérien, de la valoriser, de la préserver et de mettre en avant la contribution de notre patrimoine culturel populaire à la culture humaine à travers l’intertextualité ». L’importance historique de cette démarche a été soulignée par Nacera Aâchi, présidente du LRIC, qui a rendu hommage aux pionniers de ce domaine, notamment au professeur Bourayou, « qui a été le premier à enseigner cette matière à la fin des années 1970 à l’université de Tizi-Ouzou ». L’enseignante Nacera Rili a renchéri en affirmant que « les travaux de M. Bourayou, retraité de l’enseignement supérieur, ont grandement contribué à préserver des pans entiers du patrimoine populaire algérien, notamment la littérature populaire qui était jusque-là marginalisée ». Cette reconnaissance académique s’est concrétisée lors de la cérémonie d’ouverture du colloque par un hommage rendu aux chercheurs qui ont marqué ce domaine, dont Abdelhamid Bourayou et Khaled Aigoune. Le chef du département de langue arabe de l’UMMTO a d’ailleurs qualifié cette manifestation de « consécration du principe de la reconnaissance des efforts des universitaires et de leur contribution scientifique à la sauvegarde et à la promotion de notre patrimoine et notre littérature aussi bien académique que populaire ». Les discussions se sont articulées autour de plusieurs axes fondamentaux, notamment « les écrits coloniaux et la littérature populaire », « les contenus pédagogiques de la littérature populaire : entre enseignement et recherche », et la « problématique de la langue de recherche et de la langue d’écriture dans la littérature populaire algérienne : Tamazight avec ses variantes et la Darija (arabe dialectal) ».

M.S.

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