Finances islamiques: L’Algérie près d’émettre ses premiers sukuks souverains
Dans un contexte de transformation profonde de son économie, l’Algérie s’apprête à émettre ses premiers sukuks souverains, un instrument de la finance islamique qui vient renforcer les mesures de diversification économique engagées par les autorités.
Lors des assemblées annuelles du Groupe de la Banque islamique de développement (BID) qui se tiennent du 19 au 22 mai à Alger, sous le haut patronage du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, Razika Megateli, directrice de la dette publique au ministère des Finances, a souligné que le projet d’émission de ces obligations conformes à la charia est désormais à un stade « très avancé », avec l’objectif de finaliser l’opération avant la fin juin prochain. Me Megateli a précisé, lors d’une session consacrée aux sukuks souverains, que l’accélération du projet se fait conformément aux instructions des hautes autorités du pays.
L’introduction des sukuks souverains dans le paysage financier algérien a été formellement autorisée par un article de la loi de finances 2025, permettant pour la première fois au ministère des Finances d’émettre ces titres financiers islamiques. Ce mécanisme innovant ouvre la voie à la participation des personnes physiques et morales au financement des infrastructures et équipements publics à caractère commercial. Pour encourager les investisseurs, des avantages fiscaux substantiels ont été prévus, notamment une exonération de l’impôt sur le revenu global (IRG) ou de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) pendant cinq ans, ainsi qu’une exonération des droits d’enregistrement et de publicité foncière sur la même période.
Une commission ad hoc composée de responsables du ministère des Finances et d’opérateurs du secteur financier a été mise en place pour préparer le lancement. Elle s’est concentrée sur la conception de sukuks dits « simples », principalement de type ijara, considérés comme les plus accessibles tant pour les professionnels que pour les citoyens ordinaires. La coopération technique avec le Groupe de la BID a été déterminante dans ce processus, notamment pour la révision du cadre réglementaire nécessaire à l’émission de ces instruments financiers.
Sofiane Mazari, président de la Commission de la finance islamique au sein de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (Abef), a estimé lors de cette session que les sukuks souverains représentent « une alternative crédible et une option efficace » pour diversifier les sources de financement et mobiliser l’épargne nationale. Cette initiative s’inscrit parfaitement dans l’orientation stratégique du pays vers le renforcement du financement islamique et l’élargissement de la base des investisseurs.
L’aspect religieux n’est pas négligé dans cette démarche. Mohamed Boujellal, membre du Haut Conseil islamique (HCI) et expert en finance islamique, a souligné que ce mécanisme constituera « un tournant majeur dans le financement de l’économie nationale », s’inscrivant dans les efforts de l’État pour développer la finance islamique et promouvoir l’inclusion financière. Un enjeu particulièrement important est la captation des fonds circulant hors du système bancaire officiel, estimés à plusieurs milliards de dinars. Il a également affirmé que « le Conseil accompagnera le processus d’émission des sukuks à travers une révision rigoureuse conforme à la charia », un engagement qui vise à renforcer la confiance des investisseurs potentiels.
L’Algérie renforce sa résilience économique
Cette initiative s’inscrit dans une stratégie nationale plus large visant à renforcer la résilience économique du pays, comme l’a souligné le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, lors de la cérémonie d’ouverture de ces assemblées. « L’Algérie œuvre activement à renforcer sa résilience économique, en diversifiant ses ressources et en développant les investissements dans des secteurs névralgiques, tels que l’agriculture, l’hydraulique, et les industries agroalimentaires », a-t-il déclaré. Pour le ministre, cette démarche est d’autant plus nécessaire dans « un contexte mondial instable marqué par les transformations du système économique international », où « la résilience économique est l’un des principaux axes sur lesquels reposent les stratégies modernes de développement ».
« La tenue des réunions annuelles du Groupe en Algérie dénote la solidité de ses liens avec cette institution pionnière dans le financement du développement, à travers des projets qui répondent aux aspirations des pays membres, notamment en matière d’amélioration de l’infrastructure et de renforcement du capital humain », a-t-il ajouté.
L’introduction des sukuks souverains marque ainsi une nouvelle étape dans la modernisation du système financier algérien et dans la diversification des instruments de financement disponibles pour soutenir le développement économique du pays. Cette initiative s’inscrit dans une vision plus large de réformes structurelles visant à réduire la dépendance aux hydrocarbures et à construire une économie plus résiliente et diversifiée.
Lyna Larbi