Ouverture du festival de la chanson oranaise : Conjuguer tradition et renouvellement
La capitale de l’Ouest a ouvert mardi soir les portes de sa seizième édition du Festival local de la musique et de la chanson oranaises, transformant le prestigieux Théâtre régional Abdelkader Alloula en écrin musical pour célébrer l’une des traditions artistiques les plus emblématiques du pays.
Placé sous le slogan évocateur « rythme de l’authenticité », cet événement annuel confirme une fois le rôle d’El Bahia en tant que conservatoire vivant d’un patrimoine musical séculaire. La cérémonie d’ouverture, présidée par le wali d’Oran Samir Chibani, a rassemblé un parterre d’artistes reconnus et un public nombreux de mélomanes, témoignant de l’attachement profond de la population locale à cet héritage culturel unique. Dans son allocution inaugurale, le représentant de l’État a souligné que ce festival vient confirmer « la capacité de la ville d’Oran à produire une création musicale de haute facture », inscrivant cette manifestation dans le cadre plus large des acquis réalisés dans le secteur culturel national, fruits des efforts soutenus des pouvoirs publics. Cette reconnaissance officielle traduit l’importance accordée par les autorités à la préservation et à la promotion des expressions artistiques régionales, considérées comme autant de facettes de l’identité nationale algérienne.
La directrice de la Culture et des Arts de la wilaya d’Oran, Bouchra Salhi, a apporté un éclairage particulièrement pertinent sur la signification de cet événement, expliquant qu’il « traduit la profondeur de l’appartenance et une lecture du patrimoine musical algérien, et en particulier l’École oranaise authentique qui a donné de grandes figures ayant enrichi la scène culturelle nationale et porté la voix de l’Algérie sur les scènes internationales ». Cette analyse met en lumière la dimension à la fois locale et universelle de la musique oranaise, qui puise ses racines dans les traditions populaires de la région tout en rayonnant bien au-delà des frontières nationales. L’École oranaise, avec ses codes spécifiques, ses rythmes caractéristiques et sa poésie urbaine, constitue effectivement l’un des piliers de l’expression musicale algérienne, au même titre que le chaâbi algérois ou la musique kabyle.
La responsable a également mis l’accent sur l’engagement du ministère de la Culture et des Arts, précisant que « en soutenant ces manifestations culturelles et artistiques à travers le pays, il réaffirme son engagement constant à accompagner les talents, préserver le patrimoine culturel et soutenir toutes les initiatives ayant trait aux arts et visant à les rapprocher du citoyen, notamment des jeunes ». La commissaire du Festival, Souad Bouali, a enrichi cette réflexion en appelant « à l’attachement à la culture et l’identité algériennes, ainsi que leur promotion, et à sauvegarder le patrimoine culturel matériel et immatériel ainsi que les différents genres musicaux ». Son message souligne l’urgence de la transmission intergénérationnelle et la nécessité de maintenir vivantes des traditions qui risquent de s’effacer face aux mutations sociales contemporaines. Cette préoccupation patrimoniale s’inscrit dans une démarche de résistance culturelle face à l’uniformisation mondiale des expressions artistiques.
Le programme artistique de cette édition témoigne d’une volonté de conjuguer tradition et renouvellement. L’orchestre du festival, composé majoritairement de diplômés des instituts de musique, a offert un prélude musical avec l’interprétation d’un instrumental intitulé « El-Bahia », composé et dirigé par le maestro Khalil Baba-Ahmed. La cérémonie d’ouverture a également été marquée par la présentation du générique du festival, « Korrat Laâiene », œuvre emblématique écrite par le poète Abdallah Tamouh et composée par la figure légendaire de la chanson oranaise, le regretté Blaoui Houari, disparu en 2017 après avoir marqué de son empreinte plusieurs décennies de création musicale. Cette référence au maître incontesté de l’École oranaise rappelle l’importance des figures tutélaires dans la constitution et la perpétuation d’une tradition artistique vivante.
Les hommages constituent un aspect central de cette édition, avec la distinction accordée à l’artiste Houari Mesbahi lors de la soirée d’ouverture, tandis qu’un hommage sera rendu au chanteur Moulay Abdennebi lors de la clôture du festival. Ces deux personnalités, considérées comme des figures emblématiques de la musique oranaise et anciens membres de l’orchestre de Blaoui Houari, incarnent la continuité d’une école artistique qui a su traverser les époques en préservant son authenticité.
La programmation de cette seizième édition révèle une richesse et une diversité remarquables, avec la participation de dix-huit artistes qui offriront au public oranais et aux visiteurs un panorama complet des expressions musicales locales. Les spectacles de « meddahates », ces chants traditionnels féminins, seront interprétés par une troupe féminine spécialisée, tandis qu’une formation folklorique proposera des œuvres dans le style bédouin, rappelant les origines nomades d’une partie de la culture musicale régionale.
Le volet compétitif du festival mérite une attention particulière, avec la participation de huit jeunes talents sélectionnés parmi vingt-six candidats lors des présélections. Cette compétition, placée sous la supervision d’un jury présidé par le poète Abdallah Tamouh, constitue un laboratoire essentiel pour l’émergence de nouvelles voix et la régénération continue de la tradition oranaise.
Mohand Seghir