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La jeunesse marocaine a annoncé la reprise des manifestations : La colère sociale s’intensifie au Maroc

Le mouvement de la jeunesse marocaine a annoncé samedi la reprise des manifestations pour le 10 décembre, journée internationale des droits de l’Homme, dans un contexte marqué par une répression féroce et une détérioration alarmante de la situation socio-économique du royaume. 

Avec près de 1500 personnes emprisonnées depuis le début des protestations fin septembre, dont 330 mineurs, et un rapport accablant de la Banque mondiale sur l’endettement colossal du pays, le régime du Makhzen fait face à une contestation qui s’amplifie malgré la violence de sa réponse. Dans un communiqué publié ce samedi, le mouvement de la jeunesse qui porte les revendications populaires depuis trois mois a appelé à descendre massivement dans les rues mercredi prochain. Cette mobilisation intervient alors que 1.476 personnes croupissent dans les prisons marocaines pour avoir réclamé des réformes dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Parmi elles, 330 mineurs qui, selon le mouvement, devraient être dans leurs salles de classe plutôt que dans les cellules froides et surpeuplées des geôles du Makhzen ou devant les tribunaux. Le mouvement dénonce avec véhémence l’acharnement judiciaire dont sont victimes ces jeunes manifestants, condamnés à des peines allant jusqu’à quinze ans de prison ferme pour avoir simplement réclamé un hôpital qui soigne dignement, une école qui garantisse leur avenir et une justice qui sanctionne les corrompus. Cette répression brutale contraste violemment avec l’image que tente de projeter le régime marocain sur la scène internationale, alors même que le royaume s’apprête à célébrer la Journée internationale des droits de l’Homme et qu’il se prévaut d’avoir ratifié les conventions internationales relatives aux droits humains.

Pour les organisateurs de la contestation, le 10 décembre ne sera pas un jour de slogans creux dans les hôtels où se réunissent les officiels du régime, mais un jour de vérité dans les places publiques où s’exprime la souffrance d’un peuple. Le comité de soutien aux familles des victimes de la répression a lancé un appel aux proches des détenus et des personnes poursuivies en liberté provisoire, ainsi qu’à toutes les victimes de la répression, afin d’établir un contact pour renforcer les efforts de suivi et d’accompagnement. Il a également exhorté toutes les forces politiques, les organisations de défense des droits humains et les syndicats à créer des comités locaux de soutien pour coordonner l’action en faveur des victimes des violations des droits de l’homme aux niveaux national et international.

La Banque mondiale tire la sonnette d’alarme 

Au-delà de la crise politique et de la répression qui s’abat sur la jeunesse, c’est toute la structure économique du Maroc qui vacille sous le poids d’un endettement extérieur vertigineux. Selon le rapport 2025 de la Banque mondiale sur la dette, le royaume affiche une dette extérieure de 68 milliards de dollars en 2024, soit 45% de son revenu national brut et 99% de ses exportations. Cette situation place le Maroc parmi les pays les plus endettés proportionnellement à la taille de son économie.

Le service de la dette extérieure représente à lui seul 13% des recettes des exportations et 6% du revenu national brut, engloutissant une part considérable des revenus du pays qui dépense sans compter dans une politique de prestige et d’armement. Cette dette est répartie entre créanciers multilatéraux à hauteur de 49%, dont la Banque mondiale qui détient 21% du total et la Banque africaine de développement 10%, des créanciers bilatéraux à 15%, principalement l’Allemagne et la France, et des créanciers privés à trente-six pour cent, essentiellement des obligataires. Dans son rapport d’évaluation de l’économie marocaine publié simultanément, la Banque mondiale souligne la persistance de la sécheresse qui a freiné la croissance du PIB à 3,2% et met en lumière de nombreux défis structurels, notamment en termes de chômage et d’inégalités. L’institution financière internationale pointe un écart structurel en matière de création d’emplois particulièrement préoccupant : au cours de la dernière décennie, la population en âge de travailler a augmenté de plus de 10%  tandis que l’emploi n’a progressé que de 1,5%.

Cette création insuffisante d’emplois, que la Banque mondiale qualifie de défi fondamental, s’explique par l’impact cumulé des chocs post-pandémiques, l’effet encore limité des politiques et réformes actuelles sur la croissance économique, ainsi que des normes sociales liées au genre qui restreignent la participation des femmes au marché du travail. Le rapport dénonce également un manque de dynamisme du secteur privé avec peu d’entreprises à forte croissance, reflétant des faiblesses structurelles dans l’environnement des affaires.

Le chômage constitue une véritable bombe sociale au Maroc, estimé à 13% de la population active et atteignant le taux alarmant de 38% chez les jeunes. La Banque mondiale souligne par ailleurs que le royaume fait face à des obstacles et des coûts élevés liés à l’embauche dans le secteur formel, ce qui favorise une forte prévalence du travail informel et fragilise davantage l’économie. C’est précisément cette situation explosive qui nourrit la colère de la jeunesse marocaine et explique la persistance du mouvement de contestation malgré la répression.

Lyes Saïdi

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