Exploitation illégale des richesses sahraouies : Une conférence au Parlement européen pour dénoncer l’accord UE-Maroc
Le Parlement européen accueille mercredi un débat sur l’impact de l’accord de libéralisation agricole conclu entre l’UE et le Maroc, entré en vigueur en octobre malgré les arrêts de la Cour de justice européenne reconnaissant le Sahara occidental comme territoire distinct. Une manifestation est prévue simultanément devant le siège de la Commission européenne.
Le cœur institutionnel de l’Union européenne s’apprête à accueillir un débat crucial sur l’avenir du processus de paix au Sahara occidental. Mercredi, le siège du Parlement européen à Bruxelles abritera une conférence consacrée à l’impact de l’accord commercial UE-Maroc sur le processus de paix mené par l’ONU dans ce territoire non autonome. Organisée par le groupe Amis du peuple sahraoui au Parlement européen en collaboration avec la Conférence européenne de coordination du soutien au peuple sahraoui (EUCOCO), cette rencontre se penche sur l’accord relatif aux mesures de libéralisation en matière de produits agricoles, négocié dans la plus grande discrétion et entré en vigueur en octobre dernier. Cet accord cristallise les critiques de la société civile européenne et des défenseurs de la cause sahraouie, qui y voient une violation flagrante des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et du droit international. L’objectif de la conférence est précisément d’analyser les conséquences de cet accord sur le processus de paix conduit sous l’égide des Nations unies, alors que le conflit du Sahara occidental demeure l’un des plus anciens du continent africain, en attente d’une résolution depuis la décolonisation espagnole en 1975 suivie de la colonisation marocaine. Le Sahara occidental demeure ainsi la dernière colonie d’Afrique.
La jurisprudence de la Cour de justice de l’UE constitue le socle juridique sur lequel s’appuient les organisateurs de cette conférence. Dans deux arrêts rendus le 4 octobre 2024, la plus haute juridiction européenne a confirmé sans ambiguïté que le Sahara occidental est un territoire distinct et séparé du Maroc, et qu’aucun accord conclu entre l’Union européenne et le royaume chérifien ne peut y être appliqué sans le consentement préalable du peuple sahraoui. Cette position juridique s’inscrit dans la continuité de plusieurs décisions antérieures prononcées en 2016, 2018 et 2021, formant désormais une jurisprudence constante. Ces arrêts rappellent également que l’UE est tenue de respecter le principe d’autodétermination consacré par la Charte des Nations unies, principe fondamental du droit international qui guide la décolonisation des territoires non autonomes.
Le débat sera animé par le député européen Andreas Schieder, président du groupe d’amitié Amis du peuple sahraoui, qui réunira autour de la table plusieurs voix engagées dans la défense des droits du peuple sahraoui. Les eurodéputés Pernando Barrena et Ana Miranda Paz apporteront la perspective parlementaire européenne, tandis que Pierre Galand, président de la Task Force EUCOCO, et Oubi Bouchraya, conseiller spécial du secrétaire général du Front Polisario, présenteront les positions des organisations de soutien et du mouvement de libération sahraoui.
Pierre Galand devrait insister sur la nécessité de réaffirmer par l’ONU le cadre juridique du processus de décolonisation du Sahara occidental et de veiller à ce qu’aucune tentative d’annexion du territoire ne soit légitimée par des accords commerciaux contournant le droit international. Le président de l’EUCOCO évoquera également la résolution 2797 du Conseil de sécurité des Nations unies concernant le Sahara occidental, adoptée le 31 octobre dernier. Cette résolution prolonge pour une année supplémentaire le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) et rappelle opportunément les résolutions antérieures qui réaffirment le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination dans le cadre d’un processus de décolonisation encore inachevé, près d’un demi-siècle.
Oubi Bouchraya, conseiller spécial du secrétaire général du Front Polisario pour les ressources naturelles et les affaires juridiques, présentera la stratégie juridique du mouvement de libération pour obtenir une nouvelle annulation de l’accord devant la justice européenne. Le Front Polisario, reconnu par les Nations unies comme le représentant légitime du peuple sahraoui, a déjà annoncé qu’il présentera avant la fin de l’année un nouveau recours contre l’accord devant le Tribunal général de l’Union européenne. Cette offensive juridique témoigne de la détermination du Front à utiliser tous les instruments légaux disponibles pour faire respecter les droits du peuple sahraoui et empêcher que des accords commerciaux ne légitiment de facto l’occupation marocaine du territoire.
La conférence s’inscrit dans un moment de mobilisation plus large de la société civile pro-sahraouie en Europe. Parallèlement aux débats parlementaires, une manifestation contre les tentatives de la Commission européenne de contourner les décisions de sa propre cour de justice sur le Sahara occidental sera organisée devant le siège de l’exécutif européen à Bruxelles. L’association de défense des droits de l’homme ASBL El Ghad a lancé un appel aux Sahraouis d’Europe pour qu’ils participent massivement à ce rassemblement. L’objectif affiché est d’exprimer un ferme rejet de toute tentative de la Commission européenne visant à passer outre le droit communautaire ou à contourner les décisions claires de la Cour de justice de l’UE. Cette mobilisation illustre la frustration croissante de l’opinion publique européenne face à ce qu’elle perçoit comme un décalage entre les principes juridiques proclamés par l’Union et les accords politiques et commerciaux conclus avec le Maroc.
Lyes Saïdi

