Une crèche fermée pour maltraitance sur enfant : Quel contrôle pour les crèches ?
Le procureur de la République relevant du tribunal de Berrahal dans la wilaya d’Annaba a ordonné la fermeture d’une crèche à la suite d’une plainte pour maltraitance déposée par le père d’une enfant autiste. Une plainte qui ouvre, une nouvelle fois le débat, sur la gestion des établissements dédiés à la petite enfance et leur contrôle.
C’est un scandale qui a affecté toute la wilaya d’Annaba. La fermeture d’une crèche pour maltraitance sur une enfant autiste a sorti les parents de la torpeur et de l’insouciance caractéristique de la saison estivale, pour les replonger dans les préoccupations liées à la prochaine rentrée. Selon une source proche du dossier, une enquête a été ouverte après une plainte pour maltraitance par une éducatrice et la directrice de cette crèche implantée dans le nouveau pôle urbain d’El Kalitoussa (Berrahal) et dont a été victime une enfant autiste. Selon les précisions apportées sur cette affaire, la crèche a été fermée par les services de police sur instruction des instances de justice. La propriétaire de la crèche et une éducatrice non formée sont toutes deux accusées de maltraitance sur un enfant autiste, a fait savoir notre source. Selon celle-ci, les deux femmes devront répondre devant la justice, après avoir reconnu leur acte sur la victime, une fillette aux besoins spécifiques. Celle-ci âgée de 4 ans et souffre d’autisme a été inscrite dans cette crèche afin de lui permettre de se socialiser avec des enfants de son âge. Or, les éducatrices de la garderie profitant de la maladie de la fillette se sont adonnées à des « comportements inacceptables », nous dit-on. Le pot aux roses a été découvert par le père de la petite fille qui, après l’avoir récupéré comme chaque jour de la garderie, remarqua des traces de violence (coups) sur le visage de sa fille. Demandant aussitôt des explications à la directrice de la crèche, celle-ci a nié toute maltraitance, prétextant une petite chamailleries de gamins. Intrigué par le comportement de la directrice, qui était sur la défensive, le père de l’enfant a douté de la version des faits qui lui ont été rapportée, surtout, nous dit-on, que les blessures sur le visage de la petite fille ne pouvaient être le fait d’un autre enfant. Aussitôt, il a décidé de s’orienter vers le médecin légiste, dont le constat a été clair net et précis « il s’agit de coups infligés à la petite fille par une force conséquente, ne pouvant pas être celle d’un enfant de son âge », a conclu le rapport du médecin légiste. Le paternel de la fillette s’était également rapproché de la direction de la garderie pour demander les CD des vidéos de surveillance de l’établissement. Or, il s’est avéré que les caméras n’ont jamais été opérationnelles, ce qui a encore alimenté les doutes, ont fait savoir nos sources.
Des éléments à charge contre la crèche qui a fait montre d’un total irrespect du cahier des charges imposé aux établissements dédiés à la petite enfance. En attendant l’aboutissement de l’enquête sur cette affaire scandaleuse, la propriétaire de la garderie, risque outre les poursuites judiciaires, le retrait définitif de l’agrément pour cette activité sensible, nous dit-on.
Il est utile de rappeler dans ce contexte, la réglementation régissant les crèches, jardins d’enfants et les établissements du même genre a été révisée en septembre 2019 imposant un nouveau cahier des charges qui fixe des conditions spécifiques à la prise en charge de la petite enfance tenu d’accueillir un nombre d’enfant adapté à la capacité d’accueil et qui ne saurait dépasser les 150. Au-delà de spécificités techniques relatives aux locaux et qui doivent respecter les conditions d’hygiène et de sécurité les plus strictes, notamment pour ce qui est de la sécurité des enfants, ces établissements sont tenus de disposer d’un ameublement spécifique, d’une bibliothèque, d’un jardin et d’une salle de soin, en plus de l’obligation de mettre en place des caméras de surveillance pour assurer la sécurité des enfants, ce que beaucoup de parents ignorent d’ailleurs.
Où sont les DAS ?
Ces établissements sont aussi tenus de disposer des personnels pédagogiques et techniques des établissements, doivent remplir les conditions de diplômes, de qualifications et de compétences nécessaires pour l’exercice des activités inhérentes à la prise en charge de la petite enfance en vigueur au niveau du secteur de la solidarité nationaleet peuvent même bénéficier des qualifications issues du secteur de la formation professionnelle. Ces établissements ont également pour obligation légale d’assurer l’accompagnement psychologique et pédagogique des enfants et des enfants aux besoins spécifiques, d’autant qu’en raison du manque criard de structures adaptées, ces derniers sont placés dans des établissements réguliers.
En attendant, l’aboutissement de l’enquête, cette affaire met à nu les défaillances d’un secteur où règne l’anarchie et qui ressemble de plus en plus à une jungle. Au-delà de la prépondérance de l’informel où sévissent des femmes au foyer qui gardent souvent plus d’une dizaine d’enfants chacune, dans des conditions de sécurité douteuses, la prise en charge de la petite enfance échappe à toute forme de contrôle. L’une des facettes de ce Far West des garderies est le prix pratiqué par les crèches et les jardins d’enfants et qui grèvent les budgets les familles qui ne peuvent pas se passer des services de gardes d’enfants, notamment lorsque les deux parents travaillent. Ces derniers s’attendre à débourser entre 8.000 et 20.000 DA par mois. Certains parents sont même amenés à payer en supplément de prix pour des consultations par des spécialistes, des psychologues ou des orthophonistes parfois pour traiter les défauts d’élocution.
Pourtant, la réglementation prévoit un contrôle périodique de ces établissements par les services relevant du ministère de la Solidarité nationale et de la Famille. Des contrôles qui devraient se pencher en principe sur tous les aspects liés à la gestion des crèches et jardins d’enfants, que ce soit sur le plan de l’hygiène et de la sécurité, sur le plan pédagogiques et les aspects administratifs, avant d’être sanctionnés par des procès-verbaux. Une question se pose donc : que font les directions de l’action sociale dans ce sens.
Sofia Chahine