7e Sommet du GECF : Une occasion pour replacer le gaz sur l’échiquier énergétique mondial
L’expert en énergie Mohamed Saïd Beghoul, a estimé hier dans un entretien à l’APS que le 7e Sommet du Forum des chefs d’Etat et de Gouvernement des pays exportateurs de gaz (GECF), prévu à Alger du 29 février au 2 mars, sera l’occasion de replacer le gaz naturel sur l’échiquier énergétique mondial. L’expert qui a consacré un ouvrage au pétrole algérien a souligné que « le 7e Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement du GECF se tiendra sur fond géopolitique et énergétique particulier, avec les décisions de la COP28 qui a, bien que difficilement, accordé un sursis au gaz comme carburant de la transition énergétique », ce qui redonne, a-t-il ajouté, « au GECF l’occasion de replacer confortablement le gaz naturel sur l’échiquier énergétique pour les années à venir au profit d’une demande soutenue ».
De par son impact limité sur l’environnement grâce notamment à ses faibles émissions de carbone comparativement aux autres énergies fossiles, le gaz naturel s’affirme comme la source d’hydrocarbures la plus propre et donc la moins polluante et a, de ce fait, un rôle vital à jouer dans le sillage de la transition énergétique mondiale vers les énergies vertes.
Avec une part évaluée actuellement à un peu plus de 23% dans le mix énergétique mondial, (qui est la répartition des différentes énergies primaires dans la production d’énergie), le gaz naturel devrait se tailler une part en progression à pas moins de 26% en 2050, selon les données du Forum des pays exportateurs du gaz.
En d’autres termes, le gaz naturel « a de beaux jours devant lui » et pour de longues décennies, s’accordent à dire experts, observateurs et organismes spécialisés en énergie. Cela est dû notamment aux avantages environnementaux et même économiques indéniables qu’offre le gaz naturel, le rendant un élément incontournable dans le développement économique.Parmi les atouts du gaz naturel dans le processus de transition énergétique, sa contribution dans la réduction des émissions de carbone et de polluants dangereux responsables de la dégradation de la qualité de l’air, tels que les oxydes d’azote, les oxydes de soufre et les particules. Et pour renforcer davantage la place du gaz naturel, comme option la plus réaliste dans la transition énergétique, l’industrie du gaz à l’international est en pleine phase de décarbonation, notamment par l’introduction de techniques nouvelles de captage de gaz, l’utilisation et la séquestration de CO2 et par l’hydrogène tiré du gaz naturel, en vue de rendre cette industrie plus verte tout au long de la chaîne de valeur d’approvisionnement (amont, activité intermédiaire et aval).Actuellement et de façon globale, les sources d’énergie fossile (pétrole, gaz et charbon) représentent selon des données récentes de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), 70,4% du mix énergétique dans le monde et devrait diminuer à l’horizon 2045, à 69,2%. En volume, la demande sur le gaz naturel durant les deux prochaines décennies devrait croitre graduellement de 1,1% en moyenne annuelle pour totaliser une hausse de 36% à 5.460 mds m3 à l’horizon 2050 contre 4.025 mds m3 en 2021, indique un rapport du GECF. Avec ces perspectives, le gaz naturel consolidera ses performances enregistrées ces dernières années, puisque la demande mondiale a progressé depuis 2010 de 25%, passant de 3.326 milliards de m3 en 2010 à 4.159 milliards de m3 en 2022, relève pour sa part l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Pour Mohamed Saïd Beghoul, parmi les facteurs haussiers pouvant alimenter la demande mondiale sur le gaz, l’expert a évoqué la tension en mer rouge qui « perturbe » le transport du gaz naturel liquéfié (GNL) et dont les retombées pourraient, selon lui, « générer un déficit gazier sur le marché à la faveur des prix élevés, surtout en cette période d’hiver ».
Dans ce contexte, M. Beghoul a assuré que l’Algérie, avec sa « solide et longue » expérience dans l’industrie gazière, et qui assure le secrétariat général du Forum et abrite le 7e Sommet ainsi que le siège de l’Institut de recherches sur le gaz du GECF, a un rôle « charismatique très important à jouer ».
Tout en faisant observer que l’Algérie demeurait un pays à « vocation gazière », l’expert a rappelé que le pays disposait, dans les années 60, d’un « monopole » en GNL avec la construction, en 1964 à Arzew, de la première usine de liquéfaction du gaz au monde (CAMEL- Compagnie algérienne du méthane liquéfié, aujourd’hui GL4Z), qui avait permis à Sonatrach d’effectuer ses premières livraisons de GNL, dès 1965, au Royaume-Uni (avec British Methane) et à la France. « Les nationalisations du 24 février 1971 ont permis à l’Algérie de contrôler 100% des intérêts gaziers. Sonatrach visait surtout à honorer une vingtaine d’engagements contractuels de livraison du GNL et du gaz naturel (vers l’Europe en particulier) pour des durées allant de 5 à 20 ans avec la pose des gazoducs vers l’Italie (Enrico Mattei) et vers l’Espagne (Pedro Duran Farell) », a-t-il encore rappelé.En termes de réalisations, M. Beghoul, auteur d’un ouvrage consacré au pétrole algérien, a notamment souligné l’atteinte du seuil de 60 milliards m3 d’exportations gazières avant l’année 2000, et la construction d’un nouveau gazoduc, le Medgaz vers l’Espagne, mis en service en 2011, ainsi que la réalisation de quatre usines de liquéfaction (GNL) et l’acquisition de navires méthaniers. »Aujourd’hui, l’Algérie, membre fondateur du GECF, est un pays gazier leader sur tous les plans, à même d’exporter son expertise », a-t-il relevé. S’agissant des perspectives de l’industrie gazière algérienne, l’expert a estimé qu’il existait cinq principaux facteurs motivant une « véritable stratégie gazière ». Il s’agit, a-t-il énuméré, du potentiel gazier du domaine minier, du niveau des réserves prouvées mobilisables, des capacités de production et de traitement du gaz naturel, des moyens de transport pipelinier et maritime (méthaniers) mais aussi de l’existence d’un marché. Sur ce plan, il a soutenu que l’Algérie possédait l’infrastructure de production, de traitement et de transport dont elle a besoin, avec un réseau pipelinier de 13.000 Km (intérieur et pour l’exportation), soit 45% du réseau africain, quatre unités de liquéfaction, ainsi qu’une flotte de méthaniers, sans oublier sa longue expérience dans l’industrie gazière et l’existence d’un marché proximal européen. Pour cet expert, toute augmentation importante de production et d’exportation passe impérativement par la découverte de nouvelles réserves par un effort d’exploration de gisements de taille et l’investissement dans le gaz non conventionnel, tout en veillant au respect de l’environnement, et en poursuivant l’augmentation du niveau des réserves actuelles.
R.E.