13 axes directeurs pour un nouveau management stratégique de Sonatrach
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international, ancien cadre supérieur de l’Etat 1974/2020, membre de plusieurs organisations internationales, ancien directeur des études au ministère de l’Énergie et à la Sonatrach, président de la commission transition énergétique des 5+5+ Allemagne 2019/2021.
Les nouvelles données énergétiques mondiales imposent à l’Algérie la mise en place d’un nouveau modèle de consommation énergétique.
La question repose sur la nécessaire transition énergétique dont le pilier est un nouveau management stratégique de Sonatrach qui n’est qu’une entreprise d’exécution puisque, la Sonatrach a vu ses statuts modifiés à plusieurs reprises avec pour souci de les mettre en adéquation (sociétés par actions), la politique générale étant définie par le Conseil national de l‘énergie, le seul organe habilité à tracer la politique énergétique du pays. La loi en vigueur stipule que le Conseil se réunit périodiquement sur convocation de son président, le Président de la République dont le secrétariat est assuré par le ministre de l’Energie et composé des ministres dits de souveraineté (Défense nationale, Affaires étrangères, Energie et Finances), du gouverneur de la Banque d’Algérie et du délégué à la Planification ; il est chargé d’assurer le suivi et l’évaluation de la politique énergétique nationale à long terme, notamment de la mise en œuvre d’un plan à long terme destiné à garantir l’avenir énergétique du pays.
Sonatrach pour sa part, dispose d’organes de gestion. Il y a l’Assemblée générale présidée par ministre de l’Energie et des Mines avec la participation de ses membres à savoir le ministre des Finances, le Gouverneur de la Banque d’Algérie et un représentant de la Présidence de la République, conformément au statut de l’entreprise, outre les membres du Conseil d’administration et les commissaires aux comptes. Et en dernier lieu nous avons le comité exécutif, véritable cheville dont la mono structure est la suivante :le PDG de Sontrach – le comité exécutif- le secrétariat général, le cabinet- le comité d’éthique,- la direction audit/risques, la direction Corporate Affairs- la sûreté interne d’établissement – la direction transformation SH2030 – la direction communication ; de quatre DCP dont DCP stratégie /planification /-DCP Finances – DCP ressourdes humaines- DCP business/développement/marketing- et de sept DC dont DC procurement /logistique- DC ressources nouvelles- DC engeereging/project management- DC juridique- DC digitalisation/systeme information- DC santé/sécurité/environnent-, DC recherche /développement- DC avec cinq vice présidents dont activité exploration/production- transport par canalisation- activité liquéfaction et séparation- activité raffinage/pétrochimie et activité commercialisation. Au niveau des prérogatives, ce n’est plus à Sonatrach d’octroyer les périmètres d‘exploitation selon la nouvelle loi sur les hydrocarbures mais à une agence dépendante du ministère de l’Energie, l’agence de valorisation des ressources hydrocarbures Alnaft, entretenant donc des relations fonctionnelles avec cette structure, tout comme avec une autre agence, l’Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH) chargée de suivre les mécanismes des prix.
Une refonte nécessaire
Sonatrach combine à la fois l’organisation hiérarchique et l’organisation divisionnelle, ce qui ne lui permet pas d’avoir la souplesse de ses concurrents au niveau international, sans compter la rigidité du système bancaire. Rendre plus efficiente Sonatrach suppose plusieurs actions stratégiques :il est nécessaire de la replacer dans le contexte international et national ; mettre en place un système d’organisation au temps réel se fondant sur des réseaux devant dépasser l’actuelle organisation marquée essentiellement sur une vision hiérarchique, avoir des centres de coûts transparents incluant la gestion du partenariat ; une gestion rationnelle des ressources humaines et élément essentiel du management stratégique, impliquer les cadres et être à l’écoute du collectif des travailleurs par un dialogue constructif permanent. Sur le plan des résultats financiers, pour plus de clarté dans la gouvernance de Sonatrach, il faut impérativement distinguer nettement ce qui est imputable à une bonne gestion interne et ce qui est imputable aux aléas internationaux qui sont déterminants. En effet, le monde connaîtra à l’horizon 2030 et 2035, un profond bouleversement de la carte énergétique et du pouvoir à l’échelle mondiale. L’Algérie n’échappe pas à ces nouvelles mutations, les changements économiques survenus depuis quelques années dans le monde avec la révolution du numérique, ainsi que ceux qui sont appelés à se produire dans un proche avenir, doivent nécessairement trouver leur traduction dans des changements d’ordre systémique destinés à les prendre en charge et à organiser leur insertion dans un ordre social qui est lui-même en devenir. D’où l’urgence de revoir le modèle de consommation énergétique afin de s’adapter aux nouvelles mutations et d’asseoir dans les faits les énergies renouvelables représentant en 2023, moins de 2% de la consommation intérieure. D’où l’importance de l’accélération de la transition énergétique devant nous orienter vers plus de sobriété énergétique ( efficacité énergétique) vers un MIX énergétique combinant hydrocarbures traditionnels et énergies renouvelables dont le solaire et l’hydrogène vert. Cependant, il ne faut pas être utopique. Sonatrach représentera encore pour longtemps, fonction de profondes réformes structurelles, l’essentiel des ressources en devises d’où l’importance d’un nouveau management stratégique de Sonatrach qui en cette fin du mois de décembre 2023 procure avec les dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures environ 98% des recettes de l’Algérie avec les dérivées inclus pour 67% dans la rubrique hors hydrocarbures .Ainsi en cette fin de l’année 2023 l’Algérie, c’est Sonatrach et Sonatrach c’est l’Algérie, où sur le plan économique après plusieurs décennies d’indépendance politique, Sonatrach est l’un des puissants leviers de la souveraineté nationale d’où l’importance d’améliorer son management stratégique, dans la mesure où dans plusieurs audits menés sous ma direction durant ces cinquante dernières années,(la première audit ayant été réalisée entre 1974/1977) assisté des cadres dirigeants du ministère de l’Énergie, de Sonatrach et d’experts indépendants.
13 actions à entreprendre
Dans cette contribution actualisée parue dans l’importante revue de management HEC Montréal Canada en 2012, et pour laquelle je dois beaucoup à mon ami le défunt Nazim Zouioueche, responsable pendant de longues année à l’amont et ancien PDG de Sonatrach, , trace les axes d’un nouveau management stratégique de Sonatrach, une des firmes les plus importantes tant au niveau mondial qu’au niveau du continent africain et c’est dans ce contexte que je propose 13 actions interdépendantes opérationnelles pour améliorer la gestion de Sonatrach étant une question de sécurité nationale (voir notre intervention au Forum mondial du développement durable, Paris 13 mars 2017, sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie face aux nouvelles mutations mondiales).
-Diagnostiquer l’impact de l’environnement national et international sur Sonatrach et l’appréciation des domaines où l’interface Sonatrach/ environnement peut être améliorée afin de rendre plus performante l’entreprise et la hisser au niveau de la concurrence mondiale.
-. Mettre en place un audit financier interne sérieux avec des experts indépendants qui devrait permettre d’identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests)- volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie – standards et normes- sous-traitance afin de réduire les coûts et d’avoir une stratégie agressive, afin de prendre des parts du marché. L’objectif est d’optimiser les conditions de mise en œuvre des options stratégiques dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Je propose 19 actions interdépendantes ( voir notre intervention au Forum mondial du développement durable Paris 13 mars 2017 sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie et notre contribution à HEC Montréal 2012 pour un nouveau management stratégique de Sonatrach).
-. Analyser les circuits banques primaire- Banque centrale -Sonatrach pour les conditions de paiement, afin d’accélérer la rapidité des opérations, où actuellement les procédures bureaucratiques nuisent à la prise de décision qui doit se faire en temps réel, ainsi que les structures d’appui techniques et de formation, l’identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs.
-. Mettre en œuvre un modèle de simulation qui doit aboutir à plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables, fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers. Ce modèle doit prendre en compte le niveau des réserves d’hydrocarbures, fonction du vecteur prix international, du coût d’exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques et des énergies substituables. Cela permettra d’identifier chaque action, de décrire le contenu, d’évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagnée d’un tableau récapitulatif des moyens.
-. Au niveau de la gestion interne, fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction ou à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme (ratios, contexte), vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre et évaluer l’ordre de grandeur des impacts attendus (gains, qualité, délais, coût…), selon une démarche ascendante.
-. Préparer un audit opérationnel du patrimoine existant, en le réactualisant à la valeur du marché ce qui implique la mise en place d’une comptabilité transparente liée à la nouvelle organisation de Sonatrach pour réduire les coûts et, notamment un audit des immobilisations corporelles et incorporelles. Ces immobilisations sont souvent traitées d’une manière superficielle, alors qu’elles sont déterminantes pour une entreprise comparable à Sonatrach, ce qui renvoie d’ailleurs au nécessaire renouveau du Plan comptable national.
-. Évaluer le degré de compétitivité des outils, équipements et immobilisations utilisés dans le contexte d’évolution technologique international. Cette opération d’audit consistera à rassembler l’information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et incorporelles, le niveau des stocks dormants, (objectif stock zéro) supposant de connaître le niveau d’automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits et enfin la compétence du personnel utilisateur. Cela permettra d’analyser les forces et les faiblesses technologiques des équipements, les alternatives stratégiques sur les programmes d’investissements, le besoin de formations techniques et d’acquisitions de savoir-faire.
-. Concentrer le développement de Sonatrach en amont qu’en aval – noyau dur de l’entreprise, évitant la dispersion, en se spécialisant dans ses métiers de base. Pour les autres activités existantes, comme le raffinage, le transport, la transformation et la distribution, seuls les audits pourront tracer les actions concrètes à mener en envisageant soit d’internaliser l’activité, soit de l’externaliser avec une priorité au profit des cadres et travailleurs du secteur de certaines activités ou le partenariat afin d’éviter la dispersion source de gaspillage des ressources et d’inefficience de l’entreprise.
-. Sur le plan organisationnel, évaluer l’efficacité de la structuration actuelle en fonction des axes stratégiques de Sonatrach, mettre en place des structures organisationnelles plus adaptées à ses missions et évaluer les systèmes d’information en temps réel quant à leur efficacité sur le plan délai, coût et atteinte des objectifs. Et ce, afin de déterminer le test d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d’information de gestion, afin de raccourcir les délais source de surcoûts et des propositions concrètes pour améliorer l’organisation.
-. Revoir le système comptable, pour plus de transparence. Sonatrach, bien qu’il existe une direction de l’audit au niveau de la direction générale, établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts, du fait de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance. D’où l’urgence de mettre en place des comptabilités analytiques, afin de discerner les centres de coûts en temps réel et de mieux adapter les structures organisationnelles à la mission et aux contraintes de Sonatrach.
-. Analyser l’ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), afin de permettre une gestion transparente des coûts et des contrats. Cela suppose la mise en place d’une formation pointue et d’ instruments adaptés aux normes internationales, ce qui devrait permettre des économies, de développer le partenariat dans la transparence, de mieux définir les projections économiques et financières et permettre les prévisions par la simulation / modélisation et donc aider à la prise de décision en temps réel, afin d’éviter les nombreux litiges qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars.
-. Pilier de Sonatrach, un audit de la gestion des ressources humaines qui est le fondement de l’efficacité de Sonatrach, reposant sur le dialogue permanent avec le collectif des cadres et travailleurs et le renforcement des liens- centre de recherche -université, Sonatrach (voir la décision 312/DG du 31 juillet 2021, 89 articles 96 pages), concernant les nouvelles modalités de passation des contrats qui accorde la priorité aux secteurs nationaux à.. Car force est de reconnaître que seulement pour le poste de services au niveau de la balance des paiements, (appel aux compétences étrangères, posant la problématique de l’exode des cerveaux), a été entre 2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars de sorties de devises par an et entre 2021/2022, selon la Banque Mondiale de 6 milliards de dollars, une grande fraction étant largement accaparée par Sonatrach. La performance des ressources humaines, repose sur une formation permanente, ce qui implique un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l’adéquation de la formation aux besoins de Sonatrach, la disponibilité des compétences adéquates, les politiques de recrutement, l’évolution de la productivité du travail, les appréciations des mesures d’incitation et enfin, l’évaluation du climat et de la culture d’entreprise de Sonatrach (audit social et audit de la culture), dont la prise en compte d’une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales que consacre, annuellement, Sonatrach.
– Dans le cadre de la nécessaire transition énergétique , Sonatrach doit consacrer une partie des ressources à la protection de l’environnement, à l’efficacité énergétique dont la réduction des gaz torchés , un des plus grand gisement , mais ces actions dépassent le cadre de Sonatrach, supposant une coordination intersectorielle et une nouvelle politique des subventions dont la consommation intérieure approche les 50% de la production actuelle en développant en relation avec Sonelgaz et d’autres segments en partenariat avec le privé national et international les énergies renouvelables, dont le solaire et l’hydrogène vert, bleu et blanc.
En résumé, la nouvelle stratégie énergétique est inséparable d’une vision stratégique globale tenant compte des nouvelles mutations tant internes que mondiales, l’ambition de Sonatrach étant pour le gaz d’accroître 60/70% la production pour atteindre vers 2028/2030 une production de 200 milliards de mètres cubes gazeux( 100 exportation, 80 consommation intérieure et 20% injection dans les puits pour éviter leur épuisement) . D’une manière générale, la stratégie de Sonatrach étant inséparable de la réforme globale, la lutte contre la bureaucratie bloquant les énergies créatrices donc le développement, favorisant les délits d’initiés, dont les surfacturations en devises et en dinars, est une priorité du redressement national. Cela renvoie à l’impératif d’une bonne gouvernance condition de la relance de l’économie nationale conciliant l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale.
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