ContributionDébats

Oran ville méditerranéenne et métropole d’avenir

Par Dr Abderrahmane Mebtoul 

Professeur des universités, expert international 

À l’Ouest de l’Algérie, Oran, objet de cette contribution, au même titre qu’à l’Est le Constantinois, ou encore au centre la Kabylie et les hauts plateaux, ou au Sud, nous assistons à l’émergence de grandes métropoles qui façonneront l’Algérie de demain, une et indivisible, au sein d’un espace équilibré et solidaire.

Oran (en arabe Wahrân), surnommée « la radieuse » (en arabe El-Bahia), est une ville portuaire de la Méditerranée, au nord-ouest de l’Algérie, et le chef-lieu de la wilaya du même nom, en bordure du golfe d’Oran, se trouvant à 432 km à l’ouest de la capitale Alger. Bon nombre d’historiens rappellent que le nom « Wahran » (Oran) vient du mot arabe « wahr » (lion) et de son duel (deux) Wahran (deux lions). La légende dit qu’à l’époque (vers l’an 900), il y avait encore des lions sur la montagne près d’Oran et qui, d’ailleurs, s’appelle « la Montagne des lions ». Il existe devant la mairie d’Oran deux grandes statues symbolisant les deux lions en question.

Oran aurait été créée en 902 par les marins andalous et a connu différentes occupations. D’où les conflits entre Omeyyades d’Espagne et Fatimides de Kairouan. En 1016, la ville devient omeyyade, et en 1081, c’est l’avènement de l’empire almoravide. Avec le début du XIIIe siècle, c’est la constitution des royaumes de l’Est et de Tlemcen sur le corps de l’empire almohade, tandis qu’au Maroc, les Mérinides commencent à prendre du terrain sur l’autorité de l’empire. Le royaume zianide de Tlemcen, dont font partie Oran et sa province, est alors pris en étau entre les Hafsides de l’Est et les Mérinides de l’Ouest. Durant toute cette période aussi, la ville d’Oran sera, tour à tour et plusieurs fois de suite, zianide, mérinide, hafside.

Le premier siège mérinide d’Oran a lieu en 1296, et la dernière tentative des rois de l’Ouest de reprendre Oran a lieu en 1368 sous le roi zianide, Abou Hammou Moussa Ier. S’ensuit alors une longue période tragique marquée par des luttes intestines au sein du royaume de Tlemcen pour la succession au trône jusqu’en 1425, période du sultan hafside Abou Farès, qui reprend tout le Maghreb central… C’est sans doute à la faveur de ces dissensions et de ces déchirements continus, qui affaiblissent le royaume, que se fait la prise d’Oran par les Espagnols en 1509 après l’occupation de Mers el-Kébir.

La première libération d’Oran s’est faite en 1705 par le Bey Bouchelaghem qui en fit le siège du beylik. Mais cette libération est de courte durée – puisque les Espagnols reprennent la ville – et prend fin le 8 octobre 1792. La ville est assiégée par Mohamed ben Othman, dit Mohamed El-Kébir, mais au cours de la première nuit du siège, un tremblement de terre détruit Oran. Le Bey propose un traité au roi Charles IV, et dès 1792, les Espagnols quittent définitivement Oran. En 1831, la ville, comme le reste du pays, devint colonie française. La ville a été préfecture du département d’Oran qui occupait tout l’Ouest.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le 3 juillet 1940, la flotte française du gouvernement de Vichy, basée à Mers el-Kébir, fut bombardée par la flotte anglaise venant de Gibraltar. Le 8 novembre 1942, c’est au tour des Anglais et des Américains de débarquer, prélude au débarquement en Italie. Durant la guerre de Libération nationale, Oran, à l’instar de toutes les wilayas du pays, a payé un lourd tribut pour que l’Algérie retrouve sa souveraineté.

Une wilaya à fortes potentialités

L’ambition d’Oran est de figurer au rang des grandes métropoles qui comptent à travers la Méditerranée, une ville attractive et créative. Le rôle d’Oran dans l’économie algérienne et dans la région-ouest est crucial, avec les nouvelles mutations mondiales où la concurrence internationale est vive.

La wilaya d’Oran compte 9 daïras avec une superficie de 2 114 km² ; elle est bordée à l’est par la wilaya de Mostaganem, au sud-est par celle de Mascara, au sud-ouest par celle de Sidi Bel-Abbès et à l’ouest par celle d’Aïn Témouchent. La wilaya a un climat méditerranéen, son relief étant marqué notamment par une façade maritime composée de côtes rocheuses s’étalant des monts d’Arzew jusqu’à Mers el-Kébir à l’Ouest et du Cap Lindlès jusqu’à Cap Sigal, limite administrative de la wilaya avec des plages sableuses de la basse plaine de Bousfer, les Andalouses et la baie d’Arzew.

Le plateau d’Oran-Gdyel s’étend sur une vaste superficie, des piémonts du Murdjadjo jusqu’au Sahel d’Arzew, et la partie orientale de la plaine de la M’leta entre les piémonts sud de Tessala, les coteaux de la forêt de Moulay Ismaïl et la bordure immédiate de la grande Sebkha constituée par une dépression située à 80 mètres d’altitude d’une étendue dépassant les 30 000 ha (près du 6e de la surface de la wilaya).

La wilaya recèle une superficie agricole utile de 90 271 ha, la superficie forestière s’étendant sur 41 260 ha et ses potentialités économiques sont l’agriculture, l’industrie, la pêche, les nouvelles technologies et le tourisme. Des campus comme l’USTO Mohamed-Boudiaf d’Oran, le pôle universitaire de Belgaid et différents centres de recherche peuvent servir de segment dynamisant pour la wilaya pour peu que la qualité l’emporte sur la quantité.

La wilaya d’Oran aspire à se hisser au rang des grandes métropoles ; elle en a les potentialités. Elle est dotée d’infrastructures de base non négligeables (routes, ports, aéroport), abrite les plus grands complexes pétroliers et gaziers du pays, une côte attrayante sur la mer ; ce qui lui permet, sous condition d’une gestion optimale, d’offrir des conditions satisfaisantes à l’activité économique et commerciale. Les extensions du port d’Oran et celui d’Arzew, pôle pétrochimique, et de l’aéroport Ahmed Ben-Bella, où de grands projets sont en cours, devraient permettre une meilleure fluidité de la circulation des personnes et des marchandises.

Son attractivité peut lui faire jouer le rôle de pôle d’excellence et de compétitivité sur lequel s’appuient les villes-relais du Tell telles que Tlemcen, Sidi Bel-Abbès, Mascara et Relizane. Avec ses infrastructures portuaires, aéroportuaires, ferroviaires et routières, Oran peut attirer de nombreux investissements, sous réserve d’une nouvelle gouvernance locale.

État régulateur et décentralisation économique

L’Algérie en face de l’Europe, côtoyant la Tunisie, l’Atlantique (Maroc, Mauritanie), la Libye, le Mali et le Niger comme point d’appui de l’Afrique subsaharienne s’étendant sur 2 380 000 km² dont 2 100 000 km² d’espace saharien. La densité paraît faible, mais les 9/10e de la population sont concentrés sur les terres du Nord.

Après la « commune providence » du tout-État, l’heure est au partenariat entre les acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l’ingénierie territoriale. Ce n’est pas propre à Oran, mais à toutes les grandes agglomérations, ce qui implique une réelle décentralisation autour de six à sept grands pôles régionaux économiques (Est, Centre, Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest…).

L’objectif stratégique à l’horizon 2025/2030 est d’avoir une autre vision de l’aménagement de l’espace afin de rapprocher l’État du citoyen pour sa participation à la gestion de la cité, ce qui suppose une profonde réforme de l’État et une démocratisation de la société tenant compte de son anthropologie culturelle. En tant que responsable de la politique économique et animateur-régulateur, l’État aura vraisemblablement à se dessaisir des charges d’administration en rapport avec la gestion des territoires des communes, pour permettre à ces dernières d’assumer pleinement leurs missions de managers de leurs espaces respectifs.

Les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales doivent être accompagnés d’un abandon effectif de la mission correspondante par les services de l’État et du redéploiement de l’intégralité des agents de l’État concernés pour éviter les doublons entre les actions de l’État et des collectivités territoriales. C’est pourquoi la fonction des responsables locaux dont le Wali est l’animation et la coordination des communes ne doit plus répondre aux critères actuels où l’administratif prime, mais à des hommes managers d’un niveau intellectuel élevé et d’une haute moralité.

Les expériences nous enseignent que les technopoles sont de véritables moteurs de croissance pour les pays, si tant est que les décideurs réalisent le bon choix de modèle en fonction du contexte du pays.

Les quatre conditions de l’émergence d’une métropole

Premièrement, pour créer les conditions qui permettront, à la fois, d’attirer les investissements, de créer de l’emploi et de stimuler les innovations, la métropole doit être assise sur les technopoles. Elle doit être soutenue, à la fois, par les acteurs publics, notamment dans le domaine des incitations fiscales, des subventions temporaires, du foncier avec toutes les utilités et commodités (État, banques publiques, universités…) et privés (entreprises, banques privées, chambre de commerce, syndicats patronaux…).

Deuxièmement, l’efficacité doit reposer sur un modèle opérationnel performant. En matière de gouvernance, la pérennité de la technopole repose sur une autonomie de gestion et une autonomie financière qui lui permettent de dynamiser la recherche de clients entreprises et pour des partenariats avec des entreprises externes. Pour contribuer durablement à la création d’emplois dans le pays, la technopole doit s’inscrire dans le cadre d’une politique d’innovation nationale définissant les secteurs prioritaires (industrie, énergie, agroalimentaire, services, etc.).

Troisièmement, le modèle de financement et d’exploitation de la technopole doit être construit en y associant plusieurs partenaires dans le cadre d’un partenariat public-privé. Un cadre réglementaire incitatif doit être mis en place afin de faciliter le financement des jeunes entreprises.

Quatrièmement, les technopoles doivent s’insérer dans le cadre de la concurrence internationale. Il s’agit de faire le marketing de l’offre en matière de prestations offertes aux entreprises (centres de conférences, bibliothèque, salles de réunions, helpdesk…).

Ces quatre actions nécessitent une nouvelle politique de l’aménagement du territoire. L’image de la commune-manager repose sur la nécessité de faire plus et mieux avec des ressources restreintes, en évitant le gaspillage, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue par des perspectives de long terme d’une part, et les arbitrages cohérents, d’autre part, qu’implique la rigueur de l’acte de gestion.

En résumé, Oran de par son histoire est à même de promouvoir l’esprit de paix, d’amitié, d’excellence, d’ouverture d’esprit et d’unité entre les pays du pourtour méditerranéen. Une mer qui, depuis 3 000 ans, a vu la naissance de grandes civilisations, religions, cultures et traditions. Oran a toujours été au carrefour des échanges en Méditerranée. D’une manière générale, de saint Augustin à l’Émir Abdelkader, les apports de l’Algérie à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle ne peuvent que la prédisposer à être attentive aux fractures contemporaines.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *