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Gazoduc Maghreb-Europe : Le Makhzen mis en échec

L’Algérie risque fort de ne pas renouveler le contrat d’approvisionnement en gaz de l’Espagne via le gazoduc Maghreb-Europe qui traverse le territoire marocain. Chose qui mettra à coup sûr le Makhzen dans une situation plus que difficile. 

L’information a fait le tour des médias hier après-midi. L’Algérie ne renouvellera pas le contrat d’approvisionnement en gaz via le GME. Les médias américains El Hurra et Bloomberg, ainsi que la chaîne de télévision nationale privée El Bilad, indiquent que l’Algérie ne renouvellera pas les contrats qui arrivent à terme le 31 octobre prochain, citant les propos d’une source proche du dossier.

Bien que les autorités en charge du secteur n’aient jusqu’à présent pas officiellement annoncé une telle décision, tous les indices convergent vers cette option, d’autant que l’Algérie peut garantir l’approvisionnement du marché ibérique en gaz naturel et respecter ses engagements en la matière en se passant largement du gazoduc qui traverse le territoire marocain. Il est vrai que l’Algérie a pris le temps de prévoir des alternatives et se préparer à tous les scénarios possibles et imaginables, ayant bien conscience de l’hostilité manifeste du régime marocain à son égard. C’est d’ailleurs ce qu’avait souligné le P-DG de la Sonatrach, Toufik Hakkar, il y a quelques semaines, en soulignant que l’Algérie a largement les moyens d’assurer l’approvisionnement en gaz de l’Espagne via son deuxième gazoduc Medgaz qui va de Béni Saf jusqu’en Espagne via la Méditerranée. Aussi, la semaine dernière, Sonatrach annonçait justement l’augmentation des capacités de transport du Medgaz de 8 à 10,5 milliards de m3, grâce à la mise en service de la quatrième unité de pression de gaz de Béni Saf dès le mois de novembre prochain. Sonatrach est donc dans les clous pour, non seulement respecter ses engagements contractuels actuels, mais aussi garantir des approvisionnements supplémentaires si cela s’avère nécessaire. C’est ce qui a d’ailleurs fait dire au ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, lors d’une audience qu’il a accordé à l’ambassadeur d’Espagne à Alger, que l’Algérie garantira l’approvisionnement de l’Espagne via le Medgaz. L’insinuation était claire, même si aucune décision officielle n’a été annoncée à ce jour.

Ce que perd le Maroc

En tout état de cause le non renouvellement des contrats d’approvisionnement via le GME mettra assurément le Makhzen dans une situation plus que délicate sur les plans économique et social, lui qui a tenté de faire du chantage au gaz durant tout l’été à l’Algérie et à l’Espagne. C’est donc l’histoire de l’arroseur arrosé. Car le Maroc a beaucoup plus à perdre dans cette affaire et ne dispose pas aujourd’hui d’alternatives viables au gaz algérien, si ce n’est quelques plans tracés sur la comète.

Il y a d’abord des avantages et royalties que le Maroc tire du contrat de concession pour le passage du gaz via le GME. Selon les estimations des experts, le voisin de l’Ouest tire des royalties de l’ordre de 50 millions de dollars par an, en sus de la valeur des redevances à environ 800 millions de mètres cubes en gaz naturel. Le Maroc bénéficie également de deux autres privilèges dans le cadre des contrats de concession à savoir un prix préférentiel sur les prix du gaz qu’il achète additionnellement à l’Algérie, ainsi que le transport gratuit du gaz qui arrive au Maroc.

Tous ces éléments démontrent que la fin des approvisionnements en gaz algérien induira un manque à gagner de plusieurs centaines de millions dollars pour le Maroc, mais induira également des coûts supplémentaires importants pour son approvisionnement en gaz, enfin s’il parvient à se l’assurer.

Car, dans cette situation c’est l’approvisionnement même en gaz du Maroc qui est menacé, ce qui risque d’induire des tensions économiques, mais aussi sociales au Maroc.

Il faut savoir que le gaz algérien compte de plus en plus dans la génération électrique au Maroc, dans la mesure où celui-ci est tenu de réduire son recours au charbon en raison de ses engagements dans le cadre de la Cop21. Il compte également sur le gaz algérien pour l’approvisionnement des unités pétrochimiques qu’il a projeté de réaliser à proximité du GME. A contrario, il n’a aucune alternative viable au gaz algérien. Des médias makhzeniens ont prétendu que le Maroc pouvait compter sur un gazoduc le reliant au Nigéria. Une chimère ! Et pour cause, selon l’agence de presse Ecofin, le projet en question nécessiterait 24 ans pour sa réalisation, si toutefois les financements pouvaient être mobilisés, car le coût est de 20 milliards de dollars !

Tensions sociales

Une situation aggravée par le fait que le Maroc ne peut pas non plus compter sur le GNL, car il ne dispose d’aucune structure de regazéification. Les médias makhzéniens évoquent également un projet de réalisation d’une unité flottante de stockage et de regazéification sur l’Atlantique.  Mais le projet est toujours en cours d’étude et ne suscite pas l’engouement des grandes entreprises du secteur et le projet n’aboutirait, dans le meilleur des cas, qu’en 2025. C’est dire que le régime marocain aura bien du mal à assurer l’approvisionnement en gaz et en électricité des ménages marocains, dès cet hiver. Chose qui risque d’aggraver les tensions sociales au Maroc et qui sont déjà palpables.

D’ailleurs, les Marocains sont de plus en plus enclins à exprimer leurs frustrations sociales. Au-delà de la protesta au Rif qui reprend de plus belle, le mouvement commence à atteindre d’autres grandes villes marocaines à l’image d’Agadir où le Premier ministre Saad Eddine El Othmani a été chassé manu militari par les habitants à la veille des élections générales prévues demain, pour exprimer le refus de la population des politiques adoptées par le Makhzen. 

Samira Ghrib

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