Gestion des deniers publics : Le rapport sans concession de la Cour des comptes
La question de la maturation des projets publics a, de tout temps, été au cœur des critiques et des recommandations que la Cour des comptes adresse aux gestionnaires publiques. Il faut dire que le défaut de maturation et d’études en relation avec les investissements publics induit des réévaluations successives et mine les efforts de rationalisation de la dépense publique.
Une question qui a de nouveau été mise en avant dans le rapport annuel de la Cour des comptes. « La Cour des comptes réitère ses précédentes constatations concernant l’absence de maitrise de la conception et la mise en œuvre des différents programmes d’équipement publics, laquelle a souvent été à l’origine de dépassements dans les coûts et les délais de leur réalisation », est-il indiqué dans le rapport. D’ailleurs le document en question n’a pas été tendre avec les institutions et structures publiques, que ce soit en matière de gestion des services publics, de maturation de la commande publique ou de gouvernance des collectivités locales.
Ainsi, l’instance d’audit et de contrôle a posteriori se penche sur le cas particulier des projets de transfert, d’adduction et de distribution de l’eau potable inscrits au profit du secteur des ressources en eau, des projets de réalisation et d’équipement d’infrastructures de sport et de loisirs destinés au secteur de la jeunesse et des sports, et des opérations d’équipement, à gestion centralisée, inscrites pour le compte du centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (CRAAG) qui souffre de la problématique de la maturation des projets.
Ainsi, dans le secteur de l’alimentation en eau potable, la Cour des comptes recommande d’accorder « plus d’intérêt » aux études d’avant-projet détaillé, d’assurer la coordination intersectorielle pour lever les contraintes retardant la réalisation des projets hydrauliques, tout en réduisant « au minimum » les taux de pertes importantes à travers l’achèvement des opérations relatives à la réhabilitation des réseaux de distribution. Dans le secteur de la jeunesse et des sports, le document plaide en faveur de l’exécution, par les gestionnaires concernés, d’un échéancier « strict » pour l’achèvement des projets, en prenant des mesures d’urgence à l’effet de mettre en exploitation les infrastructures réalisées et les équipements acquis. Concernant la recherche scientifique, le rapport évoque le sujet des opérations d’équipement du CRAAG. A ce sujet, il invite les pouvoirs publics à poursuivre la mise en oeuvre des programmes de modernisation des équipements du centre « en vue d’une prise en charge adéquate de ses missions statutaires ».S’agissant du secteur de l’éducation, le document évoque la réalisation et la gestion des cantines scolaires, appelant à élaborer un règlement intérieur type pour toutes les cantines scolaires et à « rendre effective » la participation des parents d’élèves au financement de la restauration scolaire de sorte à orienter les subventions de l’Etat et les contributions des collectivités locales vers les élèves nécessiteux. Quant à la thématique des espaces verts en milieu urbain, la Cour appelle à mettre en place les instruments prévus pour le classement, la gestion, la préservation et l’entretien en se conformant aux dispositions de la loi. Dans le cadre de l’amélioration urbaine, le rapport note l’intérêt d’instaurer un cadre organisationnel et procédural approprié pour la maitrise des programmes d’amélioration urbaine. Par ailleurs, le rapport invite, dans le cadre de la réhabilitation de l’habitat, à définir « des programmes d’action claires et établir un meilleur ciblage des actions à entreprendre dans le cadre de la réhabilitation du parc immobilier, en vue de maintenir dans la durée son habitabilité et de conserver sa qualité architecturale ». Il appelle aussi à prendre des mesures en vue d’accroitre les recettes des fonds de réhabilitation notamment à travers la contribution des occupants des logements au financement des habitations programmées pour la réhabilitation. En outre, le rapport recommande de mieux suivre les subventions accordées aux associations locales, de privilégier le règlement amiable des litiges par les collectivités et à mettre en place des programmes annuels et pluriannuels de développement dans le cadre de la réalisation et l’exploitation des biens productifs de revenus par les communes. La cour des comptes incite également à définir « avec rigueur » les clauses du contrat de management dans le cadre du partenariat des EPE avec les sociétés étrangères et à codifier davantage les conditions d’exercice des activités accessoires des établissements publics de la formation professionnelle « pour éviter toute ambigüité ». Concernant le redéploiement des activités de la CNEP-Banque suite à la transformation de son statut, le document recommande à la banque de s’appuyer sur son réseau commercial pour développer l’offre de nouveaux produits, notamment les crédits aux entreprises et de conquérir, ainsi, une nouvelle clientèle.
La gestion des collectivités locales à l’index
La Cour des comptes s’est également penchée sur l’analyse des études de maturation de maitrise d’œuvre des programmes d’équipement des collectivités locales. Le document, explique que « le contrôle mené par la Cour des comptes, auprès des wilayas et des communes de Constantine, Jijel, Biskra, Mila, Khenchela, Batna et Sétif, fait ressortir l’absence de rigueur dans la conception et la conduite des études de maturation et de maitrise d’œuvre », ce qui explique, selon ce rapport, « dans une large proportion l’ampleur des projets en souffrance et la faiblesse avérée des consommations des crédits mobilisés ».
Les études de maturation, est-il indiqué, « dont le rôle consiste à bien préparer l’environnement lié à l’exécution du projet et à cerner son contenu dans sa globalité, sont caractérisées par de nombreuses faiblesses », ce qui, ajoute la Cour des comptes dans son rapport, « se traduit par l’inscription de projets en l’absence de l’assiette foncière, l’imprécision de la nature et de l’étendue des travaux à réaliser et le défaut d’une prise en compte de l’état des réseaux divers ». Concernant la maitrise d’œuvre, ce rapport précise que « cette fonction n’est pas souvent menée avec efficacité », expliquant qu’ « en raison notamment, des critères d’évaluation des offres qui ne tiennent pas compte des capacités du maitre d’œuvre et des contraintes réelles du projet, de la durée insuffisante des études ou de la longue durée séparant leur établissement et le lancement des travaux et du recours limité à l’adaptation des études antérieures ». De plus, est-il mentionné « la maitrise d’œuvre est souvent altérée par l’insertion de changements substantiels dans la consistance physique du projet et l’abandon de la mission de suivi par le bureau d’études ». « La maturation et la maitrise d’œuvre sont parmi les facteurs clés d’une bonne réalisation de projets d’équipement publics au vu de leurs liens étroits avec le processus d’exécution du projet, depuis sa conception jusqu’à sa réception finale », explique ce rapport indiquant que « la Cour suprême a eu à constater, lors de ses travaux de contrôle précédents, une faiblesse avérée du montant des dépenses d’équipement par rapport aux autorisations de programme inscrite et son corollaire la faiblesse du taux de réalisation des projets notamment ceux des collectivités locales ». « L’absence de maturation des projets avant inscription et les carences caractérisant la maitrise d’œuvre, sont parmi les constats majeurs qui se dégagent de ces contrôles », précise la Cour des comptes, expliquant que « pour s’enquérir des conditions de mise en œuvre des études de maturation et de maitrise d’œuvre au plan réglementaire, technique et financier, la Cour a mené un contrôle ayant concerné les wilayas et les communes chefs lieux de wilayas, de Constantine, Biskra, Mila, Khenchela, Batna et Sétif ainsi que d’autres communes », ciblant « particulièrement les projets d’équipement réalisés par les collectivités locales au titre de l’exercice 2017 ». Concernant le cadre juridique régissant la maturation des projets d’équipement public, ce rapport indique que « les études de maturation des projets d’équipement public, qui précède toute inscription, englobant en général l’ensemble des études qui permettent d’une part, de s’assurer de l’utilité, de la nécessité et de la contribution du projet dans le développement économique et social et d’autre part, d’examiner les conditions de faisabilité, tels que la disponibilité de l’assiette foncière, l’état des réseaux divers, ainsi que les contraintes technique de tout genre sans omettre les attentes et les besoins exprimés par les citoyens ». Dans ce cadre, le rapport fait référence à l’article de loi 11-10 du 22 juin 2011 relative à la commune qui « fait obligation aux assemblées populaires communales (APC) de prendre toute mesure pour informer les citoyens des affaires les concernant sur le choix des priorités d’aménagement et de développement économique, social et culturel ».
Boubekeur Amrani