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Accords d’Évian : Les négociateurs algériens ont mis à mal la politique coloniale

L’occasion de la célébration de la journée nationale de la victoire coïncidant avec la date de la signature des Accords d’Évian ne peut passer sans apporter dans son sillage des éléments nouveaux qui prouvent que les membres de la délégation algérienne qui a mené les négociations avec le gouvernement français étaient d’une grande finesse et d’un grand savoir en matière de diplomatie. C’est d’ailleurs ce trait inhérent à ces personnages qui a été soulevé par de nombreux spécialistes et personnalités de divers horizons, hier, dans des analyses livrées à l’APS.

« Les dirigeants de la Révolution de libération nationale se sont fixés un objectif éminent lorsqu’ils ont décidé de mener des négociations avec la France, celui d’amener cette dernière à accepter l’idée d’une indépendance totale en dépit des multiples manœuvres auxquelles s’est livré le négociateur français pour garder le Sahara algérien » a affirmé en effet à l’APS, le moudjahid et ancien diplomate Noureddine Djoudi. Ce dernier diplomate qui a souligné la nécessité de replacer ces accords, à l’occasion de la célébration du 6 ème anniversaire, dans leur juste contexte étant donné que le colonisateur a d’abord tenté d’imposer ses conditions, notamment à Melun, en voulant forcer les Algériens à déposer les armes pour un cessez-le-feu et en tentant de séparer le Sahara du reste de l’Algérie. Mais grâce à la détermination sans pareille des négociateurs algériens, à leur sens aigu de la diplomatie et à leur habileté dans la négociation et le dialogue, explique-t-il, « la partie française a dû s’asseoir à la table des négociations avec ceux qu’elle qualifiait de terroristes et de fellagas ».

Soulignant la grande connaissance des négociateurs algériens de la situation en France, Djoudi a fait remarquer que « le colonisateur français ne s’attendait pas à avoir face à lui des hommes de cette trempe, à leur tête Krim Belkacem. Des hommes perspicaces doués d’un sens aigu de la diplomatie et rompus à la négociation de questions sensibles », ajoute-t-il. Il rappellera les propos de Saad Dahlab au négociateur français qui l’informait de la décision de De Gaulle de séparer le Sahara de l’Algérie : « Je suis Algérien et vous devez accepter l’indépendance totale de l’Algérie, faute de quoi nous poursuivrons la lutte. Rapportez ce que j’ai dit à votre président ».

Pour sa part, le politologue Si Bachir Mohamed estimait que « pendant la période des négociations la guerre de libération a retrouvé une partie de sa force et consolidé son image à l’étranger, ainsi que ses capacités militaires et politiques à l’intérieur, outre le facteur humain qui s’est caractérisé par l’ingéniosité et l’efficacité dans la gestion de tous ces aspects, ce qui a contraint la France à accepter l’indépendance de l’Algérie ». La partie française, faisait-il remarquer, « était face à des hommes qui voulaient à tout prix l’indépendance de leur pays et qui avaient une connaissance de la psychologie du négociateur français et une bonne lecture des données du contexte international, de la situation interne française et des équilibres de guerre, ainsi que des priorités des négociations dont la base fondamentale était l’indépendance de tout le territoire dans les limites géographiques de la souveraineté nationale, tout en essayant de ne pas s’attarder sur les interdépendances futures entre les deux pays ». « C’est là des compétences dont a fait preuve le négociateur algérien et qui ont conduit au succès des négociations et au recouvrement de l’indépendance de l’Algérie », a estimé Si Bachir qui a conclu que « les accords d’Évian constituent l’acte de naissance d’une Algérie indépendante, souveraine et décolonisée, ce qui a redonné vie à un État qui a vu sa naissance institutionnelle/juridique et politique avec l’allégeance à l’Émir Abdelkader ».

L’enseignant en sciences politiques et en relations internationales à l’université d’Alger, Redouane Bouhidel, soulignera le fait que « les membres de la délégation algérienne ont fait montre d’intelligence, d’esprit chevronné et de renommée, à travers l’exercice effectif de leur lutte armée et politique et leur contact avec d’autres États, excellant ainsi en politique étrangère ». Redouane Bouhidel considère que « la bataille diplomatique menée par la délégation algérienne à Évian était depuis une position de force que les négociateurs ont puisé du peuple et de sa volonté à une vie digne, ce qui a contraint la France à accepter la tenue des négociations et à se conformer à toutes les revendications ». Des Accords qui « ont été complètement imposées à la France par des hommes qu’elle traitait de tous les noms, mais elle fut contrainte à s’attabler avec eux autour d’une seule table, en dépit de nombreuses manœuvres pour imposer ses conditions », a-t-il expliqué, soulignant que « c’est à la force du négociateur algérien et à sa personnalité de fer. Le terrain était en sa faveur et les armes ne s’étaient pas encore tues ». « L’écho de la Révolution s’est étendu au cœur même de la France, de même que la cause nationale a reçu un appui et un soutien international qui a contribué à isoler la France coloniale, à la contraindre à négocier, à recourir à la solution politique par obligation et à reconnaitre l’Algérie indépendante ». 

Akli Amor

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