Règlement de la crise malienne : L’appel du Président Tebboune entendu par Bamako
L’appel lancé, le 31 juillet dernier, par le président Abdelmadjid Tebboune aux autorités maliennes de transition pour reprendre, sans plus tarder, la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, jalon important pour le règlement de la crise malienne, a été entendu.
Après une suspension de près d’une année, les discussions entre le gouvernement malien et différentes parties prenantes à l’accord dont les groupes armés du nord malien ont repris lundi dernier à Bamako en vue de «débattre des différents aspects de l’accord pour parvenir à un consensus autour de décisions qui concrétiseront sa mise en œuvre effective». Parmi ces groupes, il y la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), une alliance de groupes touareg et nationalistes arabes du Nord créée en 2014. Il s’agit d’un acteur incontournable dans le règlement de la crise.
Marquée par des débats francs, la rencontre de 5 jours à laquelle a pris part le premier ministre malien Choguel Maïga s’est plutôt bien déroulée puisqu’elle a débouché jeudi sur un accord. Celui-ci porte notamment sur l’intégration dans l’armée malienne de 26.000 ex-combattants en deux tranches avant fin 2024 et la création et l’opérationnalisation d’une commission ad hoc chargée de conduire les travaux concernant les hauts cadres civils et militaires des mouvements signataires. Le gouvernement malien a décidé également de diligenter les réformes politiques et institutionnelles non liées à la révision constitutionnelle.
Selon des observateurs de la scène malienne, la décision du président Assimi Goïta de reprendre langue en particulier avec les représentants de la Coordination des mouvements de l’Azawad est de nature à restaurer la confiance entre Bamako et les anciens groupes rebelles du septentrion malien qui ont récemment fait part de leurs craintes de voir le gouvernement de transition abandonner l’idée d’appliquer l’accord d’Alger. Les deux parties n’étaient pas loin du point de rupture. Lors d’une réunion les 16 et 17 juillet dernier à Kidal, les ex-rebelles de la CMA, qui contrôlent toujours cette ville du nord-est du Mali, avaient d’ailleurs déploré «avec inquiétude l’abandon de la mise en œuvre de l’Accord (d’Alger) notamment depuis l’avènement de la transition». « Depuis l’arrivée des autorités de transition à la tête de l’État, il n’y a pas grande chose comme mise en œuvre de l’accord, surtout depuis octobre, aucune réunion ne s’est ténue jusqu’à preuve du contraire. Donc, nous sommes inquiets par rapport à son abandon», s’était indigné Mohamed El Maouloud Ould Ramadane, porte-parole de la CMA.
Les responsables de la CMA s’étaient dits aussi suivre avec « beaucoup d’inquiétude la dégradation continue de la situation socio-politique» au Mali. La coordination avait par ailleurs «condamné toutes les formes de violences et de terreurs exercées sur la population civile», déplorant « l’absence d’une réponse appropriée à cette situation dramatique». A l’issue de leur rencontre de Kidal, les responsables de la CMA avaient même haussé le ton, ce qui n’était pas du tout de bon augure. Le climat semble donc aujourd’hui s’être assaini entre Bamako et les ex-groupes armés du Nord. Il leur reste maintenant à aller plus avant dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger car la réunion de lundi ne saurait à elle seule suffire à régler la crise. Elle reste tout de même un bon début.
Il est à rappeler que l’accord pour la paix et la réconciliation nationale a été conclu en 2015 par le gouvernement malien et des groupes d’ex-rebelles indépendantistes du nord du pays. Il prévoit, entre autres, un processus de cantonnement des combattants des mouvements signataires en vue de leur intégration à la fonction publique, y compris au sein de forces armées, ou de leur « désarmement, démobilisation et réinsertion» (DDR) dans la vie civile. Cette intégration doit aboutir à une armée nationale restructurée, plus représentative des populations du Nord en particulier. Cette armée doit ensuite se redéployer progressivement dans les principales villes du Nord sous la forme de bataillons mixtes composés à ratio égal des forces armées maliennes, des combattants de l’ex-rébellion et des groupes armés pro-gouvernement. Mais depuis 2015, aucune des grandes dispositions de l’accord n’a été appliquée. Bamako a préféré laisser dormir le document dans ses tiroirs. C’est la raison pour laquelle de nombreux proches partenaires du Mali se sont inquiétés, à commencer par Alger qui a beaucoup investi pour que le Mali retrouve la paix.
Khider Larbi