Fin de la visite d’Emmanuel Macron : Algérie-France : un nouveau départ !
Les relations entre l’Algérie et la France repartent sur de nouvelles bases. Une assise confortée par la Déclaration d’Alger, signée hier par le président de la République Abdelmadjid Tebboune et son homologue français Emmanuel Macron et où le maître-mot est le respect mutuel.
Au point mort durant quelques mois, les relations algéro-françaises se réchauffent. Plus qu’un dégel, la visite de trois jours que le président français Emmanuel a clôturé hier à Alger permet de repartir sur de nouvelles bases. Et contrairement à ce que l’on a bien voulu croire au départ, la question des approvisionnements gaziers n’a été que marginale durant cette visite qui a été hautement politique. Car il s’agissait avant toute chose de repartir sur de nouvelles bases pour mieux faire face aux défis géopolitiques auxquels font face les deux pays. Emmanuel Macron était attendu au tournant et a bien compris les enjeux. Bien que la question de la repentance pour les crimes coloniaux de la France reste une question délicate à évoquer et à laquelle le président français préfère la reconnaissance du passé colonial de la France pour bâtir « des relations algéro-française tournées vers l’avenir », Macron a compris que la France devait changer de posture et s’inscrire dans un rapport d’égal à égal entre deux États souverains. Et c’est ce qui a été acté hier au bout du périple algérien de Macron. Une visite sanctionnée par la signature de la Déclaration d’Alger, assise d’un « partenariat renouvelé » entre l’Algérie et la France et assise sur le respect mutuel, un traitement apaisé du dossier de la mémoire et la relance du partenariat sur le principe du « gagnant-gagnant ». C’est d’ailleurs ce que les deux présidents ont tenu à mettre en avant lors d’un point de presse improvisé et qui a suivi la signature de la déclaration commune.
Un traitement dépolitisé du dossier de la mémoire
C’est dans ce contexte que le président de la République Abdelmadjid Tebboune a assuré que la visite de son homologue français en Algérie est «très réussie qui a remis beaucoup de choses à leur place ». Et d’ajouter que celle-ci a « permis un rapprochement qui n’aurait pas été possible s’il n’y avait pas la personnalité même du Président Macron ». Le président Tebboune a aussi évoqué les principaux dossiers qui ont été soulevés durant les entretiens qu’il a eu avec le chef de l’État français, notamment celui de la mémoire. À ce propos, Abdelmadjid Tebboune a annoncé un accord pour « la mise en place d’une commission d’historiens dépolitisée. Je pense qu’elle pourrait être installée dans les quinze ou vingt jours qui suivent. Elle aura à traiter la question de la mémoire sous l’angle de l’histoire et non de la politique » et d’ajouter que les spécialistes ont « un délai d’une année ou moins » pour mener leur travail. Les enjeux régionaux ont également été au cœur des entretiens, notamment à l’orée de la tenue pour la première fois de l’histoire des deux pays d’une réunion de très haut niveau entre les services de sécurité. Dans ce sens, le président de la République a assuré s’être entendu avec son homologue français pour « agir ensemble dans beaucoup de domaines en dehors de l’Algérie et de la France, dans l’intérêt de l’Afrique que nous défendons toujours » et de souligner que le rapprochement entre l’Algérie et la France, à la faveur de la visite du Président Macron, permettra aux deux pays d' »aller très loin ». « C’est la première fois, depuis l’indépendance, qu’une réunion s’est tenue (hier vendredi) en présence des deux présidents de la République et des services de sécurité concernés des deux pays, y compris l’Armée, des deux côtés, ce qui augure d’une action commune dans l’intérêt de notre environnement géopolitique », a-t-il affirmé. Selon la Déclaration d’Alger, et pour « rehausser leurs concertations politiques », Paris et Alger vont instaurer un « Haut conseil de coopération » au niveau des chefs d’Etat afin « d’approfondir dans un esprit de confiance et respect mutuels, des réponses adaptées aux questions bilatérales, régionales et internationales ». Ce « nouveau partenariat privilégié » est « devenu une exigence dictée par la montée des incertitudes et l’exacerbation des tensions régionales et internationales », précise le document qui ajoute qu’il« fournit un cadre pour concevoir une vision commune et une démarche étroitement concertée pour faire face aux nouveaux défis globaux (crises globales et régionales, changement climatique, préservation de la biodiversité, révolution numérique, santé…) ».
D’ailleurs le président français a estimé que la « Déclaration d’Alger jette les bases d’une coopération nouvelle », sur plusieurs questions, notamment celle de la mémoire dont il a été décidé, « pour la première fois de notre histoire de mandater ensemble des historiens pour y travailler sans tabous ». Macron a souligné la « volonté partagée de traiter les questions de sécurité et de lutte contre tous les trafiquants », mais en même temps de « permettre à celles et ceux qui ont une activité, un cœur, des intérêts, des envies et des ambitions pour les deux rives de pouvoir circuler plus facilement ». Il a annoncé la « décision commune de compléter les dispositifs déjà existants, entre les deux pays, par un Haut Conseil, que nous tiendrons, l’un et l’autre, permettant de suivre la relation et son évolution ».
Un agenda très chargé
Il est à noter que la signature de la Déclaration d’Alger a été précédée par la paraphe de quatre autres accords de coopération dans les domaines de la santé, la jeunesse et les sports, ainsi que l’enseignement supérieur et la recherche scientifique. Un début pour un partenariat renouvelé dans les domaines de la culture et plus précisément l’industrie cinématographique, le sport notamment en prévision des JO de Paris 2024, l’innovation et les startups et bien entendu l’économie, et en cela l’agenda est chargé. Car cette visite a permis de relancer la tenue de la 5e réunion du Comité gouvernemental de haut niveau qui devait se tenir au début de 2021 et dont l’annulation avait marqué le début des tensions. Une échéance qui se prépare déjà, par les biais des entretiens tenus entre les membres de la délégation de haut niveau qui a accompagné Macron à Alger et les responsables nationaux à propos de 7 secteurs économiques majeurs, dont l’énergie et le domaine de l’investissement où Paris affiche l’engagement d’une plus grande implication. Le président Macron a d’ailleurs annoncé une réunion des premiers ministres et des membres des deux gouvernements qui se tiendra, en Algérie, « dans les prochains mois », ainsi que de nombreuses autres réunions et visites bilatérales pour fixer l’agenda de coopération entre les deux pays. Une réunion à laquelle s’ajoutera l’échange de visites de haut niveau pour relancer le partenariat. Un partenariat qui profitera enfin des facilitations promises par l’Élysée en ce qui concerne la mobilité des personnes et la délivrance des visas pour les sportifs, les artistes, les opérateurs économiques et les hommes politiques.
Samira Ghrib