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Sonatrach reprend sa place de principal fournisseur de gaz de l’Espagne : Pourquoi l’Algérie reste incontournable pour l’Europe

L’Algérie a pu reconquérir ces deux derniers mois sa place de principal fournisseur de gaz de l’Espagne. Auparavant, l’entreprise nationale des hydrocarbures Sonatrach était devancée par les firmes américaines. Sonatrach a fourni 21,2% du gaz par le gazoduc Medgaz, soit un cinquième de la consommation mensuelle, selon les derniers chiffres de la société énergétique espagnole Enagás. « L’Algérie se situe ainsi quatre points au-dessus des États-Unis, qui ont fourni à l’Espagne 17,2% du gaz consommé en octobre », indique la presse espagnole qui a rapporté hier l’information.

Comment s’explique la remontée de Sonatrach ? Les médias espagnols expliquent que l’Algérie a réaffirmé sa position de premier fournisseur de gaz de l’Espagne car les autres exportateurs de gaz espagnols ont ostensiblement réduit la quantité de gaz acheminée vers la péninsule ibérique. Et la même équation s’est reproduite en octobre. C’est le cas particulièrement des sociétés américaines spécialisées dans la vente de gaz. Les Américains avaient certes triplé leurs exportations d’énergie vers l’Espagne depuis le début de l’année, passant de seulement 11 % à 35 % de la consommation totale de l’Espagne en juillet dernier. « Les États-Unis sont de loin le premier fournisseur de gaz de l’Espagne depuis le début de l’année, même s’ils ont été temporairement relégués à la deuxième place. En effet, l’arrivée de méthaniers d’outre-Atlantique a représenté près de la moitié des importations de gaz de l’Espagne en 2022 », indique la presse espagnole. Toutefois, précise la même source, « les chiffres de leurs exportations ont diminué au cours des deux derniers mois, selon des données actualisées».

Le retour en force de Sonatrach sur le marché espagnol ne s’explique donc pas – comme l’avancent certains médias – un réchauffement des relations politiques entre Alger et Madrid. Sur ce plan, la situation n’a pas du tout changé. Exit le gaz, les relations commerciales et économiques algéro-espagnoles baignent dans un froid sibérien depuis l’été dernier. Le blocage des importations espagnoles par Alger pèse d’ailleurs lourdement sur les entreprises ibériques. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont toujours au point mort. Conséquence : Les exportations espagnoles vers l’Algérie ont chuté de 95%.  Et rien n’indique que cela va changer tant que l’actuel chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, sera au pouvoir. 

Pour revenir au dossier du gaz, beaucoup de spécialistes avaient prévu le scénario de la baisse des exportations américaines vers l’Espagne et plus généralement vers l’Europe.  Là aussi, l’explication est simple. Les volumes que les Russes envoient vers l’Europe ne peuvent pas être remplacés avec du gaz liquéfié car les structures ne sont pas suffisantes.

Le gaz liquéfié demande en effet de gros moyens. La plus grosse usine de GNL des États-Unis permet de remplir seulement deux bateaux par jour. Il faudra certainement plusieurs années pour en construire de nouvelles. De nouvelles sont en construction mais cela prend du temps. Il faut savoir que la construction d’une usine de liquéfaction dure au moins trois ans. Pour accélérer ces investissements, encore faudrait-il que les Européens rassurent leurs partenaires en s’engageant dans des contrats allant sur le long terme. Ce que rechignent à faire certaines capitales européennes qui, comme Paris, préfèrent investir plutôt dans le nucléaire ou le renouvelable, surtout que le gaz américain est cher.  

Autre problème en Europe, les terminaux pour regazéifier le GNL et l’injecter dans les réseaux sont rares. Des projets sont à l’étude, mais là aussi il faut plusieurs années pour les faire aboutir. Des spécialistes avaient en outre prévenu en mars dernier que même en re-routant la totalité des exportations de GNL vers l’Europe, les Etats-Unis ne pourraient pas combler à eux seuls une disparition des 155 milliards de m3 d’importations russes de gaz naturel.

C’est la raison pour laquelle d’ailleurs la plupart des pays européens continuent de s’approvisionner en énergie auprès de la Russie…malgré les sanctions. Le constat accrédite également l’idée que l’Algérie restera pendant longtemps encore l’un des principaux fournisseurs en énergie de l’Europe de l’Ouest.  

Ayant compris que leur salut ne viendrait pas, à moyen terme, des Etats-Unis, de nombreux décideurs européens se sont empressés de se rapprocher ces derniers mois des autorités algériennes pour conclure des partenariats énergétiques. Et sur le long terme. La guerre en Ukraine (qui a provoqué une crise énergétique aigue en Europe) a en quelque sorte servi de catalyseur au renforcement de la position géo-énergétique de l’Algérie. Cela explique pourquoi Sonatrach a gagné assez rapidement des parts de marché sur le sol européen depuis février.

Khider Larbi

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