Exportations hors-hydrocarbures : La nécessité d’un diagnostic serein
Pr Abderrahmane Mebtoul
Depuis plus d’une année, le Ministère du commerce annonce par des communiqués périodiques un montant global, des exportations hors hydrocarbures, 7 milliards de dollars fin 2022, 10 milliards de dollars fin 2023 alors que la ventilation par produits est fondamentale pour un diagnostic serein et des actions concrètes .
Aussi, pour une appréciation objective de la performance de l’économie algérienne et pour ne pas induire en erreur les autorités du pays, il y a lieu de répondre à sept questions pour les 7 milliards de dollars annoncés pour fin 2022.
-Premièrement, ventiler la rubrique importation de biens et services afin de développer une politique de substitution des importations et ce, par grandes masses pour les grands montants en analysant les avantages comparatifs de l’Algérie impliquant un tableau de la valeur relié aux réseaux et bourses mondiales, en temps réel au niveau de la douane.
-Deuxièmement, ventiler produit par produits les exportations hors hydrocarbures.
-Troisièmement, éviter un double emploi avec les données de Sonatrach de comptabiliser à part les dérivée s d’hydrocarbures qui connaissent à l’instar du produit brut gaz et pétrole un niveau relativement élevé.
– Quatrièmement, distinguer la valeur et des volumes exportés afin d’éliminer l’effet prix qui est conjoncturel.
– Cinquièmement, la destination par zones géographiques de ces exportations notamment pour les zones où existent un accord de libre échange ( Europe, Afrique, monde arabe ), sans oublier l’analyse de la balance commerciale avec les USA, la Chine et la Russie.
-Sixièmement, l’origine sectorielle de ces exportations hors hydrocarbures, par statut juridique , agriculture, tourisme industrie, énergie, mines, ect…. afin de récompenser les véritables efforts, n’oubliant jamais que toute exportation relève d’entreprises qu’elles soient publiques ou privées nationales et internationales concurrentielles.
-Septièmement, dresser la balance devises nette pour l’Algérie, seul indicateur valable pour attester de la performance, en soustrayant les matières premières importées en devises, les subventions comme le prix de cession du gaz à 20% du prix international pour certaines activités, et les exonérations fiscales.
Dérivés
Selon les statistiques douanières officielles pour 2020/2021, qui donnent les détails du commerce extérieur, le secteur pétrolier et gazier représente la majeure partie des revenus et la quasi-totalité des revenus d’exportation 98% avec les dérivés. Les dérivés d’hydrocarbures en incluant les produits bruts et semi bruts (engrais minéraux ou chimiques azotés 36%, ammoniac anhydride 9% , hydrogène gaz rares 2,5% , huiles ou autres produit de la distillation 14%) et en incluant les déchets ferreux et semi ferreux représentent la majorité de la structure des exportations hors hydrocarbures approchant les 70% (source statistiques douanières). Les activités à forte valeur ajoutée concurrentielle dans le temps au sein de la rubrique hors hydrocarbures sont marginales moins de 20%. Il y a urgence donc urgence de donner non un chiffre global mais le détail des exportations hors-hydrocarbures supposant un appareil statistique objectif performant afin d’éviter les dérives du passé, condition d’une bonne gouvernance. Il faut le reconnaître, en cette fin de mois novembre 2022, l’économie algérienne est fonction des turbulences du cours des hydrocarbures comme l’attestent certains indicateurs macroéconomiques et macro sociaux. , avec une économie tertiaire, les services (secteur tertiaire) représentant 41% du PIB et emploient 59% de la population active, dont 2/3 sont employés dans les services marchands et 1/3 dans les services non marchands avec un taux d’intégration relativement faible, ne dépassant pas 15% tant pour les entreprises publiques que privées , sans compter la majeure partie des équipements en cas de relance économique, 85% des matières premières étant importées en devises, et l’économie informelle-parallèle contrôlant selon les données contradictoires entre 6000 et 10.000 milliards de dinars ( source APS ) soit entre 33 et 45% de la masse monétaire en circulation échappant à toute traçabilité, comptabilité ou fiscalité. L’inflation est de retour nécessitant des actions pour la cohésion sociale , avec un taux de chômage en 2021 estimé à 14%, selon le FMI, un chiffre plus élevé chez les jeunes (26.9% en 2020 selon l’OIT), le taux d’emploi étant fonction du taux de croissance qui devra être de 8/9% par an sur plusieurs années afin d’absorber le flux additionnel estimé entre 350.000/400.000 par an.
Des défis à portée
Le pays doit profiter de cette conjoncture particulière,car en économie, le temps ne se rattrape jamais, toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Bien que la loi de finances prévisionnelle 2023 prévoit des recettes prévisionnelles pour 2013 de 7901,9 mds DA (+4),des dépenses de 13.786,8 mds de DA, dont 9767 mds de DA de dépenses de fonctionnement, soit un déficit budgétaire important de 4092,3 mds de DA (-15,9% du PIB), l’Algérie a un endettement extérieur relativement faible qui a été selon le FMI de 2.4% en 2020, de 6.5% en 2021 et une projection de 7.7% en 2022, mais avec un accroissement de la dette publique interne, ayant représenté 50.7% du PIB en 2020, 59.2% en 2021 et une projection de 65.4% en 2022. Selon le rapport du FMI du 21 novembre 2022, le solde des transactions courantes de la balance des paiements devrait afficher son premier excédent depuis 2013, fin 2022 et les réserves internationales devraient se situer selon le ministre des finances 54,6 milliards de dollars fin 2022 contre 46,7 milliards de dollars fin 2021 avec un excédent budgétaire qui est attendu en 2022 . Les pertes de production dues au choc de la pandémie seront ainsi en grande partie résorbées, même si des séquelles durables sur le marché du travail et la croissance à moyen terme constituent toujours un risque, avec une croissance du PIB projetée à 2,9% en 2022. L’Algérie possède donc des marges de manœuvres à court terme, possédant d’importantes potentialités , cela montre qu’il reste un long chemin conditionné par de profondes réformes institutionnelles et micro économiques afin que la structure de l’économie algérienne s’arrime à l’économie mondiale en termes de coûts et qualité.