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Informel, pénurie et envolée des prix : Tensions sur la pièce de rechange

Depuis la limitation des importations de la pièce de rechange, les automobilistes payent plus cher et butent, souvent, sur des dispositifs contrefaits. Complètement dérégulé, le marché nécessite plus que jamais un assainissement pour la pérennité du Parc national automobile (PNA).

Si le cahier des charges N° 22-383 du 17 novembre fixant les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de concessionnaire de véhicules neufs a sensiblement soulagé les opérateurs qui activent dans cette filière, ceux qui s’investissent dans la pièce de rechange en pâtissent au quotidien pour répondre à la forte demande des automobilistes. C’est ce qui ressort de notre virée au quartier La Soummam de Bab Ezzouar, la « Mecque de la pièce détachée », où des milliers de clients repartent bredouille faute de disponibilité de pièces, d’accessoires, de feux, de câbles ou encore de dispositifs lourds, comme les boîtes de vitesses, de ponts et de joints d’étanchéité. La situation est tellement inquiétante que les professionnels du secteur ne savent plus à quel saint se vouer pour maintenir leurs activités. Mais le pire, ce sont les professionnels (chauffeurs de taxis, de bus, de camions et d’engins lourds) qui doivent assurer des prestations de service et qui butent sur des arrêts d’activités souvent prolongées, des fourrières, de la non-acceptation de leur dossiers pour se faire rembourser chez les compagnies d’assurances et du rejet de leurs véhicules dans les centres de contrôle technique pour inadaptation de pièces et d’accessoires ou encore pour pannes constatées. « Non seulement on ne trouve pas les pièces de rechanges, mais quand on arrive à la dénicher, on la paye trop cher », commente un automobiliste qui a sillonné le quartier La Soummam à la recherche d’un cerveau-frein pour sa camionnette de marque asiatique. « Nous avons travaillé dans de bonnes conditions avec les fournisseurs. Mais depuis l’année 2017, les importations ont fléchi, créant une pénurie généralisée. Le problème réside dans la limitation des importations. On comprend bien que le pays doit produire de la pièce de rechange, mais il faut gérer cette transition. Si on continue comme ça, on ira droit vers la fermeture », déplore un distributeur qui regrette de ne pas pouvoir trouver dans ses stocks des pièces au profit d’un de ses clients venu de l’intérieur du pays.

Les réseaux sociaux en alternative !

Dans les coulisses du quartier La Soummam de Bab Ezzouar, on entend de tout ! « Vas-y sur Facebook, il y a de tout, mais c’est un peu cher. Mais, tu seras livré dans les 48 heures qui suivent ta commande », ne cessent de dénoncer un citoyen qui s’interroge sur les tenants et aboutissants de ces boutiques en ligne. « Ce n’est pas normal qu’on retrouve des pièces sur les réseaux sociaux et non pas dans les magasins. Le risque est énorme. Non seulement on nous fourgue souvent des pièces contrefaites, c’est-à-dire de bas de gamme, mais on ne te délivre pas de facture faisant foi de l’achat d’un produit aussi sensible qu’une pièce de rechange, notamment celles liées à la sécurité et la longévité des systèmes de motorisations », nous dira un jeune vendeur qui interpelle les fournisseurs à mieux organiser la filière pour mettre fin au marché informel de la pièce de rechange. Si autrefois des opérateurs avaient attiré l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de revoir certaines clauses régissant cette activité, notamment celle obligeant les importateurs à s’approvisionner directement chez les maisons-mères des marques automobiles établies en Algérie, jugeant que le service après-vente risquerait de sombrer dans la pénurie, la flambée des prix et la spéculation sur le marché parallèle, aujourd’hui, cette activité est livrée à une anarchie absolue. Il faut savoir que près de 50 % du Parc national de l’automobile (PNA) dépasse l’âge de 10 ans et avoisine, pour certaines catégories de véhicules, 16 ans d’âge. Pis encore, les propriétaires des véhicules récents dits « connectés » butent, eux aussi, sur l’absence de pièces liées aux parties mécatroniques, comme les collecteurs de données, les sondes à oxygène, les systèmes d’entretien des catalyseurs et/ou d’allumage.

Prédominance de l’informel

Il convient de souligner que ce problème s’est aggravé depuis 2019 avec la fermeture des usines de montage SKD/CKD et qui fournissaient certaines pièces aux clients dont la garantie étaient encore en cours de validité. « Les pièces importées chez des sous-traitants mondiaux répondaient toutes aux standards internationaux. Autrefois, nos fournisseurs s’approvisionnaient directement chez le fabricant et la pièce revient trois fois moins chère sur le marché local. Aujourd’hui, ces fournisseurs importent de moins en moins. Du coup, on oriente nos clients vers les casses automobiles où ils ont plus de chance, même si le prix est aussi très élevé », nous confie un vendeur. Selon les dernières données des importateurs, la pièce adaptable (d’origine garantie), constitue un peu plus de 60% du marché. Il convient de souligner qu’avant 2018, près de 3 000 opérateurs importaient la pièce de rechange pour un volume global de près de 800 millions de dollars. Répartis sur l’ensemble du territoire national, ils approvisionnaient près de 10 000 grossistes et 20 000 détaillants, tous activant sur le marché formel.

Riad Lamara

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