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Sommet États-Unis-Afrique : Washington sort son chéquier

Le président américain Joe Biden a déroulé hier le tapis rouge à Washington DC pour une cinquantaine de dirigeants africains venus prendre part aux travaux de la seconde édition du sommet Etats-Unis. L’Algérie y est représentée par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane. L’administration Biden entend à travers ce format mis en place il y a huit ans par le président Barack Obama resserrer les liens entre les Etats-Unis et l’Afrique, un continent dans lequel Washington a peu investi ces dernières années. L’absence des Etats-Unis a d’ailleurs profité à la Chine, la Turquie, la Grande Bretagne et à la Russie qui sont devenus en l’espace d’une dizaine d’années les principaux partenaires commerciaux de nombreux pays.

C’est en partie donc pour rattraper son retard sur ses concurrents que les Etats-Unis ont décidé de reprendre ce rendez-vous curieusement abandonné par Donald Trump, surtout que l’Afrique est appelée à devenir lors des prochaines années un important relais de croissance et un pourvoyeur de premier plan de matières premières. Les enjeux sont importants. En organisant un sommet de trois jours, Washington donne l’impression de vouloir brasser large et d’aborder le maximum de dossiers. 

55 milliards de dollars pour l’Afrique

Comme pour donner l’impression que son pays ne s’inscrit pas dans une attitude prédatrice, le président Joe Biden a décidé de consacrer 55 milliards de dollars à l’Afrique sur trois ans. Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président américain, a indiqué hier que ces fonds seraient en particulier consacrés à la santé et à la réponse au changement climatique, mais sans donner de détails sur leur provenance, leur répartition ou leur forme. Le responsable américain a assuré qu’il y aura «une réelle mobilisation de ressources sur des objectifs concrets», indiquant que les détails seraient dévoilés ces prochains jours. «Si vous comparez ce que les États-Unis promettent pendant les trois prochaines années avec ce que d’autres pays promettent, je pense que la comparaison nous est très favorable», a-t-il encore dit.Jake Sullivan a pris soin de souligner que ces financements, et plus généralement l’engagement américain, ne seraient pas liés à l’attitude des pays africains face à la guerre en Ukraine, à l’heure où nombre d’entre eux refusent de condamner ouvertement la Russie. «Nous ne mettons de pistolet sur la tempe de personne» à ce sujet, a affirmé le conseiller de Joe Biden.De la déclaration du responsable américain il ressort aussi une volonté de Washington de ne pas forcer la main aux Africains sur les grands dossiers internationaux, notamment pour ce qui concerne la guerre en Ukraine. Connaissant la position des Africains, les Américains ont donc visiblement décidé de ne pas évoquer le dossier pour ne pas plomber l’ambiance du sommet et prendre le risque de provoquer une désaffection. 

Le conflit en Ukraine et ses éventuelles voies de résolution est en effet au cœur d’un désaccord entre les États-Unis et les pays africains. « Les deux parties ne sont pas d’accord sur les tactiques à utiliser pour parvenir à un règlement car les Africains s’opposent à l’idée de punir la Russie. En plus de cela, ils s’attendent à une solution diplomatique au conflit, alors que l’Occident a annoncé à maintes reprises son intention de soutenir l’Ukraine jusqu’à ce qu’elle gagne », a confié un responsable américain au Washington Post.

Des divergences se manifestent également dans le cadre des restrictions imposées contre Moscou.  Certains pays ont clairement exprimé leur malaise face aux sanctions et aux critiques de la Russie qui, selon eux, rendent plus difficile la recherche d’une solution diplomatique. S’y ajoute le fait que ces sanctions antirusses se répercutent fortement sur la sécurité alimentaire du continent africain. Cela vaut notamment en ce qui concerne les perturbations dans les exportations de céréales et d’engrais russes causées par les sanctions occidentales. Plus largement, les Africains ont le sentiment que les crises sur leur continent ne bénéficient pas de l’attention suffisante de la part des Occidentaux.

Le sommet scruté de près par la Russie

Sur un autre plan, il est certain qu’un pays comme la Russie va s’intéresser à l’événement d’autant qu’il intervient dans un contexte de rivalité avec les Etats-Unis sur le continent. Mikhaïl Bogdanov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, a reconnu d’ailleurs hier que « Moscou surveillera de près le sommet États-Unis-Afrique ». « Bien sûr, nous sommes intéressés par la façon dont ils organisent ce sommet – le contenu en substance, les discussions et le document final. En même temps, ce sommet ne pourra pas nuire aux liens entre la Russie et les pays du continent », a confié le diplomate à l’agence Sputnik. Selon lui, « tout ceci est un travail normal » qui a été adopté par de nombreux pays. 

Mikhaïl Bogdanov a annoncé à l’occasion que « la Russie entend prochainement (en juillet 2023, Ndlr) organiser un deuxième sommet de ce type ». « C’est un format très utile. L’essentiel est de savoir sur quelle base ces relations sont construites. Nous construisons [les nôtres] sur la base de l’égalité et du respect mutuel. Quant à la manière d’autres pays, surtout celle des pays occidentaux, d’organiser leur travail, je pense que les Africains le verront [eux-mêmes] », a-t-il précisé. 

Le Président américain, qui ne s’est pas encore rendu en Afrique subsaharienne depuis le début de son mandat, doit intervenir ce mercredi et jeudi devant le sommet qui s’étale sur 3 jours. Selon des sources à Washington, il y plaidera en faveur d’un rôle accru pour l’Afrique sur la scène internationale, avec un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu, et pour que l’Union africaine soit formellement représentée au G20. Le sommet de Washington intervient dans le sillage d’une nouvelle stratégie « Afrique » dévoilée l’été dernier et annonçant une refonte de la politique des États-Unis en Afrique subsaharienne, pour y contrer la présence chinoise et russe. Outre les investissements, le changement climatique, la sécurité alimentaire ou encore les relations commerciales et la bonne gouvernance, ainsi que le rôle de la société civile, seront au centre de la rencontre.

Khider Larbi

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