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La sécheresse a impacté une cueillettequi tire bientôt à sa fin : En Haute-Kabylie, l’huile d’olive se raréfie !

A Makouda, très connue pour l’abondance de ses oliveraies, beaucoup de familles se précipitent chaque jour vers les vergers pour récolter le fruit avant le retour du mauvais temps. Difficile quotidien pour ces familles et ces paysans qui ne vivent que de cette cueillette impactée par la sécheresse et le manque d’eau. Ailleurs, le peu d’oliveraies qui restent, après les incendies de l’été 2021, donne des quantités infinitésimales d’huile à cause du manque d’eau et de la sécheresse qui a sévi depuis le mois de mai de l’année en cours. Vendue entre 800 et 900 dinars le litre, l’huile d’olive se fait désirée cette année. Peut-être que la récole sera meilleure la prochaine saison ? Les villageois que nous avons rencontrés croisent les doigts…

De notre envoyé spécial à Makouda

Riad Lamara

Sécheresse, manque d’eau, cherté de la main d’œuvre et maigre récolte, la cueillette des olives tire à sa afin en Haute-Kabylie. Entrepreneur de son état, Ahmed affiche ses regrets quant à une situation qui affecte les paysans et les artisans qui ne vivent que de « l’Or vert ». « On s’attendait à une maigre récolte par rapport aux saisons précédentes, en raison de la sécheresse qui a sévi ces dernières années. Nous ne sommes pas des oléiculteurs de métier, mais nous travaillons d’arrache-pied et à longueur d’année pour que l’olivier nous donne sa richesse. Nous vivons de ça et certains n’hésitent guère à nous intimider, arguant que le, prix du litre de l’huile d’olive est plus cher que les années précédentes », témoigne Ahmed qui venait de triturer ses olives dans une huilerie traditionnelle de Makouda, à Tigzirt (Tizi Ouzou). En cette journée ensoleillé de vendredi, Ahmed marque une pause avant d’aller consumer les déchets des oliviers qui, fort malheureusement, n’ont pas donné une bonne cueillette. Montrant du doigt ses deux champs qu’il cultive avec une grande passion, notre interlocuteur rejette en bloc les critiques des acheteurs qui, selon lui, ne se sont jamais mis à genoux pour ramasser les olives perdus au fin fonds des mauvaises herbes, souvent piquantes. « La sécheresse due au manque criant de pluviosité a beaucoup impacté nos oliviers. Nous nous attendions à une production assez faible dans notre région », a expliqué Ahmed qui dénonce la vente au rabais de l’huile d’olive sur la voie publique. « Méfiez-vous ! Certains vous proposent un litre d’huile d’olive à 650 et 700 dinars. On vous fait même goutter l’huile pour vous faire croire que le produit est de bonne qualité. Or, l’échantillon exposé pour la dégustation n’a rien à avoir avec le contenu du bidon d’huile que vous allez acheter. Ce dernier est mélangé à l’huile de table qui, elle, revient à moins de 1 000 dinars les 5 litres. Cherchez vous-même l’erreur ! », démontre Ahmed pour qui l’huile d’olive qui se vend à moins de 800 et 900 dinars le litre serait frelatée.

Un faible rendement qui impacte les familles

Du haut de ses 80 ans, qu’il ne fait d’ailleurs pas, Aâmi Belkacem, retraité de son état, regrette les grands jours où la trituration de l’olive durait jusqu’au mois de mai. « Je n’ai trituré que 140 kilos d’olives cette année. Je dépasse à peine 40 litres de récolte ! Du jamais vu depuis que j’avais 10 ans, quand j’ai commencé à cultiver nos champs. A 800 et 900 dinars le litre, je trouve ça ridicule par rapport à l’effort qu’on fournit, mais bon ! », résume Aâmi Belkacem, comme pour appuyer le témoignage du jeune Ahmed qui renchérit : « Dieu merci, je suis un entrepreneur. Je ne vis pas que de mes oliviers. Imaginez un père de famille qui ne dépends que de cette récolte et qui est contraint de payer 2 000 à 2 500 dinars une consultation médicale spécialisée ! Vous voyez ce que je veux dire ? Avec un pouvoir d’achat en pleine érosion, un paysan arrive à peine à amortir ses efforts. D’ailleurs, vous remarquerez que les gens ont bel et bien repris l’activité agricole même en hautes montagnes pour survivre et faire face aux dépenses onéreuses de l’école, de la santé et du reste des besoins d’une famille », développe encore notre interlocuteur. Il est à peine 13 heures, Rachid venait de cueillir les dernières olives enfouies aux alentours de l’Oued de Makouda. Montrant ses mains qui saignent encore, il raconte, le sourire aux lèvres, son vécu aux côtés de ses oliviers. « La Terre ? C’est une passion, sinon, je n’ai rien à cirer à suivre olive par olive en cette période de vache maigre. Je suis vraiment déçu face à la régression attendue de la récolte, mais pas de la qualité du produit qui reste irréprochable », témoigne Rachid qui a vu beaucoup de ses oliviers asséchés par la canicule et la rudesse du climat malgré la forte humidité qui caresse, tout au long de la journée les oliviers en cette période hivernale. « Le manque d’entretien et de protection de l’olivier contre les différentes agressions climatiques et autres maladies est à l’origine du recul de la production oléicole. Mais, exceptionnellement pour cette année, la production a sensiblement baissé. Si Vous partez aux huileries de la région, on vous triture sur rendez-vous, donnant l’impression qu’il y a une bonne récolte. Mais, il n’en est rien de tout cela. Tout simplement parce que la récolte est faible et les huileries fonctionnent au ralenti par rapport aux années précédentes », dira Rachid qui avoue avoir cueilli à peine une soixantaine de kilos, équivalent à une quinzaine de litres.

Espoirs pour la prochaine saison

A Makouda, très connue pour l’abondance de ses oliveraies, beaucoup de familles se précipitent chaque jour vers les vergers pour récolter le fruit avant le retour du mauvais temps. « Nous avons entamé depuis une semaine la cueillette des olives. Cette saison, le rendement est faible, mais nous espérons qu’avec le retour de la pluie et de la neige, la production sera meilleure à la prochaine saison», a avoué Aâmi Belkacem qui sirote tranquillement son café. Les yeux rivées vers le ciel, Aâmi Belkacem espère sincèrement que le rendement annuel pour la prochaine saison atteigne au moins 25 litres par quintal. De loin des belles collines de Makouda, règne dans les vergers les cris et les brouhahas des enfants qui accompagnent leurs familles, notamment en ces jours de vacances scolaires, pour créer souvent une ambiance particulière dans les champs. « Ce sont les derniers jours. Tout est indispensable pour partir à la conquête des oliveraies. Bâches, scies, ciseaux et peignes sont mobilisés par les cueilleurs qui ne lésinent aucunement sur les moyens pour une meilleure exploitation des vergers avant le retour des pluies et sauver le peu d’olives qui restent coincées dans les champs. Après, on passe à autre chose. Mais, cette ambiance va nous manquer », développe Aâmi Belkacem. Même son de cloche chez Hamid qui, lui, croit à une bonne récolte pour la saison prochaine. « Nous avons investi beaucoup sur nos oliviers. Le labour de la terre, à lui seul, coûte une bagatelle. Chaque année, je vends une moyenne de 250 à 300 litres d’huile d’olive de très bonne qualité. Cette année, c’est à peine si j’arrive à combler les besoins de ma famille et de mes proches. Il est vrai que la production d’un olivier dépend de plusieurs facteurs. Mais celui de l’eau est le plus important. Heureusement que dans certains endroits les oliviers sont plantés à côté des reliefs rocheux qui aident à humidifier la terre, sinon ce serait une catastrophe », nous dira Hamid. Pour cet agriculteur qui prépare plusieurs semences pour l’hiver et le printemps, « l’huile d’olive de qualité est actuellement bradée parce que la majorité de la clientèle est issue de la région. Par respect et pudeur, nous ne pouvons pas augmenter les prix. Car à 800 et à 900 dinars le litre, cela n’amortit guère les efforts consentis et ne représente rien par rapport aux attentes de ceux qui vivent de la terre. » Dans les huileries attenantes à Tigzirt, comme celles de Taksebt et d’Ain El-Hammam ou encore de Ouacifs et Ath Yenni, on peine à boucler une journée en raison de la rareté de la cueillette. Ravagés par les incendies durant l’été 2021, le peu d’oliveraies qui restent donne des quantités infinitésimales d’huile à cause du manque d’eau et de la sécheresse qui a sévi depuis le mois de mai dernier.

R.L.

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