ContributionDébats

Pour éviter l’hyperinflation : Augmenter la production et la productivité

Par le Dr. Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, directeur d’études ministère del’Énergie et à Sonatrach 1974/1979-1990/1995- 2000/2007-2013-2015, haut magistrat directeur général des étudeséconomiques à laCour des comptes1980/1983, président du Conseil national des privatisations au rang de ministre délégué 1996/1999.

L’Algérie doit relever des défis en matière de croissance et de création d’emploi. Ce qui nécessité une dynamisation réelle de l’investissement.

Le Président de la République a signéle 25 décembre 2023 , la Loi de finances de l’année 2023. Selon l‘APS, la cérémonie de signature s’est déroulée au siège de la Présidence de la République, en présence du président du Conseil de la Nation, du président de l’Assemblée populaire nationale (APN),du Premier ministre, du Chef d’État-Major de l’Armée nationale populaire (ANP), du directeur de Cabinet à la Présidence de la République et des membres du Gouvernement. A travers cette loi, quellessontles perspectives de l’économiealgérienne dans le contexte actuel. Un contexte marqué par les craintes de baisse de la croissance de l’économie mondiale ; du fait des tensions géostratégiques, tensions l’Occident /Russie, quidevraient être de longue durée.Une baisse de sa croissance de l’économie mondiale, dont les deux locomotives àsavoir lesUSA et la Chine, influent sur lecours des hydrocarbures, dont dépend encore grandement l’économie algérienne.

Il faut rappeler en premier lieu que toute loi de Finances, est un document comptable retraçant annuellement, en statique,lesrecettes et les dépenses de l’Etat, devant l’insérer dans le cadre d’une planification stratégique etdont les équilibres serontfonction fondamentalement, pour le cas de l’Algérie, de l’évolution du cours des hydrocarbures, du volume exporté et de la croissance de l’économie mondiale en 2023. Dans le budget 2023,le prix de référence du baril de pétrole brut est de 60 dollars et les estimations concernant le prix du marché du baril de pétrole brut est de 70 dollars en moyenne durant le prochain exercice. Sur le marché, le cours étant coté le 26/12/2022 à 84,50 dollars le baril de Brent de Mer du Nord et 79,35 dollars pour le baril de pétrole américain WIT pour une parité euro/dollar 1,0618. Le cours du gaz (environ 40% des recettes ede l’Algérie) est estimé sur les marchés spots entre 100/120 dollars le mégawattheure, le prix du MWh en France sur le marché du PEG étant de 105,12 €/MWh en novembre 2022, contre 112,05 €/MWh en octobre 2022. Dans le cadre de la LF 2023,le Gouvernement table sur des recettes budgétaires totales prévisionnelles 7.901,9 milliards de dinars en 2023 et les dépenses budgétaires devraient s’élever à 13.786,8 milliards de dinars. Les dépenses de fonctionnement devront augmenter de 26,9% en 2023 pour atteindre 9.767,6 milliards de dinars dont La masse salariale globale devrait atteindre 4.629 milliards de dinars durant le prochain exercice, ce qui représente 47,39% du budget total dédié au fonctionnementetles dépenses d’équipement devront passer de 4.019,3 milliards de dinars. Le taux de croissance économique devrait atteindre 4,1% en 2023. Les exportations de biens devraient atteindre 46,3 milliards de dollars ,et lesimportations de biens 36,9 milliards. La balance des paiements devrait enregistrer un excédent de 11,3 milliards de dollars (6,3 % du PIB), un niveau jamais atteint depuis 2014.Les réserves de change devraient passer de 55 milliards de dollars fin 2022 à59,7 milliards de dollars fin 2023 représentant respectivement 16,3 mois d’importations de biens et services hors facteurs de production. Le déficit budgétaire, source d’inflation,de l’année 2023 atteindra 5.884,9 milliards de dinars (-22,5% du produit intérieur brut), plus de 42,95milliards de dollars au cours du 22/12/2022, soit 137 dinars pour un dollar, contre un déficit budgétaired’environ 30%  en 2022. Le recours au Fonds de régulation des recettes doit combler le déficit budgétaire. Rappelons que FFR est alimenté par l’excédent de fiscalité pétrolière recouvrée et non budgétisée du  fait de la différence entre le cours réel du baril sur lemarché international et le prix de référence retenu par la loi desfinances.

Le caractère social est maintenu dans cette loi en attendant la mise ne œuvre d’une politique de subventions ciblées. Une nécessité et cela n’est pas propre à l’Algérie, du fait de la crise qui frappe la majorité des pays avec l’important déficit budgétaire et l’endettement public de bon nombre de pays développés. Or, ce processus est complexe du fait de l’effritement du système d’information et de l’importance de la sphère informelle, ce qui complique la tâche de recensement et de ciblage des ménages selon les revenus. Le budget annuel affecté aux transferts sociaux en2023 est estimé à plus de 5.000 milliards DA soit au cours de 137 dinars un dollar 36,50 milliards de dollars pour un PIB évalué en 2023 185 milliards de dollars soit environ 20% du PIB. Cette enveloppe comprend également le développement dans les zones d’ombre devant permettre d’éviter comme par le passé les programmes spéciaux de wilayas qui n’avaient objectifs. Des programmes qui ont solutionné des problèmes à court terme, mais ont eu à moyen terme, un impact mitigé sur la situation sociale des populations. Par ailleurs, la Loi de finances 2023 prévoit un relèvement des dépenses au profit d’une nouvelle hausse des salaires des fonctionnaires. Ces dépenses devraient ainsi augmenter de 23,55% par rapport à 2022 où l’Etat devrait mobiliser une enveloppe de 3.037,41 milliards de dinars durant l’année 2023 afin de couvrir l’impact financier de cette hausse des salaires et des systèmes de rémunération des employés. N’oublions pas le déficit de la Caisse nationale des retraites qui était en 2021 de 700 milliards de dinars. Une partie du déficit est épongée par l’Etat. En novembre 2022,le responsable de cette caisse avance un déficit à 376 milliards de dinars à la fin 2022.

Dansce cadre, se pose cette question: quelles seront les incidences sur les équilibres financiers du pays en 2023du plafonnement par les pays du G7+Australiedu prix du pétrole par voie maritime du pétrole de laRussie à compter de janvier 2023 et de ses dérivés à compter de février 2023s’il est étendu à d’autres pays ? Quelles seront celles du plafonnement du prix du gazsur les marchés spots dans l’Union européenne, à compter de février 2023. Rappelons que la Commission européennea prévu desmécanismes de correction des marchés , activé dès que les prix observés sur le TTF (indice de référence européen) atteindront 180 euros par mégawattheure (MWh) durant trois jours, avec certaines conditions :les prix relevés sur le TTF devantêtre au moins supérieur de 35 euros au prix moyen du GNL (gaz naturel ­liquéfié) au niveau mondial, durant ces mêmes trois jours etquele mécanisme sera activé pour des périodes de vingt jours et désactivé automatiquement une fois ce laps de temps écoulé etsi la demande de gaz augmente de 15 % en un mois ou de 10 % en deux mois et que les importations de GNL diminuent significativement . Soulignons que la majeure partie des exportations de l’Algérie de gaz se font dans le cadre de contrats à long terme (non concernés par ce dispositif) et à travers les deux gazoducs Medgaz, d’unecapacité 10,5 milliards de mètres cubeset Transmed, d’une capacité 33 milliards de mètres cubesétant orientées vers l’Europe, les canalisationsliant , d’une manière rigide l’exportateurà une zone géographique donnée,existant des marges de manœuvres et doncplus de flexibilitépour le GNL. Il y a peu d’incidences à court terme lemégawattheureaprès avoiratteint un pic de 300/350 dollars le mégawattheure se négocie sur le marché entre octobre et décembre entre 110/120 dollars donc loin du prix plafond que l ‘Europe veut imposer .Se pose aussi cette question pour l’avenir dans lesnouveaux contrats négociés parSonatrach courant l’année 2022, a-t-on privilégié des prix fixes avec des contratsmoyen et long terme ou une partie des exportations est-elle négociable selon le prix du sur le marché spot ?

L’économie algérienne devra aussi relever un certain nombre de défis, souligné d’ailleurs par la dernière note du FMI qui a sanctionné la dernière visite en Algérie d’une délégation du Fonds au titre l’Article VI de ses statuts. Je cite ici certaines observations de cette note : «Les perspectives à court terme de l’économie algérienne sont favorables mais sont largement tributaires des prix des hydrocarbures (…) Le système bancaire a résisté aux chocs répétés de ces dernières années, mais sa santé financière mérite l’attention. Le resserrement des liens entre les bilans de l’État, des entreprises publiques et des banques publiques pourrait faire peser des risques sur la stabilité financière et la viabilité de la dette. Ceci requiert de vastes réformes du secteur financier afin de renforcer la gouvernance et les modèles économiques des banques publiques, améliorer les capacités de surveillance, catalyser la provision de prêts au secteur privé et favoriser l’inclusion financière. Le solde des transactions courantes devrait être excédentaire en 2023, grâce aux recettes élevées des hydrocarbures qui devraient contrebalancer la reprise des importations. La croissance devrait s’accélérer en 2023 et l’inflation devrait ralentir mais rester au-dessus de 8% en moyenne sur fond d’assouplissement de la politique budgétaire. En parallèle, un resserrement de la politique monétaire est nécessaire pour maîtriser l’inflation. La révision prochaine de la Loi sur la monnaie et le crédit constitue une opportunité pour renforcer le cadre de gouvernance de la Banque d’Algérie et son indépendance. À cet égard, le FMIsalue l’engagement du gouvernement à ne pas recourir au financement monétaire »(fin dela citation). Cela est l’effetdes mesures de2022, oùle solde des transactions courantes de la balance des paiements devrait afficher son premier excédent depuis 2013, avec unecroissance du PIB projetée à 3,2% en 2022 etuntaux d’inflation annuel moyen en 2022 de 9,4% , % quidevrait ralentir en 2023, un taux de chômagede 14% en 2022 mais qui devrait légèrement baisser en 2023. Quant aux exportations hors hydrocarbures, il faudrait éviter des doubles emplois, les dérivés d’hydrocarbures étant inclus dans les recettes de Sonatrach et également dans la rubrique hors hydrocarbures. C’est quel’Algérie abesoin d’un taux de croissancede8/9% par an sur plusieurs annéespour absorberun flux additionnelde demanded’emploisde 350.000/400.000 par an quis’ajouteau tauxde chômage 2021estimé parle FMIà environ 14%. On doit aussi prendre en compte le poids de la sphère informelle, les sureffectifs dans les entreprises publiques ,les administrations qui comptent certains emplois improductifs étant estimés à 25/30% des effectif ce qui pose le défi futur de la réforme de la Fonction publique .

Lasphère informellereprésente30/40% du totalet drainantselonles données du président de la République entre 6000 et 10000 milliards dedinarsde la masse monétaire circulation,33/45% du PIB estimé en 2023 à 185 milliards de dollars, la banque d’Algérie donnant un montant fin 2020 de 6200 milliard dinars.

L’Algérie doit donc relever des défis en matière de croissance et de création d’emploi. Ce qui nécessité une dynamisation réelle de l’investissement.

Outres les très nombreuses lettres d’intentionquin‘engagent nullement l’investisseur étranger, gardons à l’esprit qu’entre l’idée d’un projet , sa réalisation et l’exploitation ,pour les PMI/PME concurrentielles , il faut compter 2/3 anspour atteindre le seuil de rentabilité,et pour les projets hautement capitalistiques entre 5/7 ans, sous réserve que l‘on résolveles facteurs techniques, le financement, former une main d’œuvre qualifiéeet quel’on trouve un bon partenariat.

En conclusion, évitons toute sinistrose, l’Algérie est dans une situation financière favorable avec une dette extérieure inférieure à 6-7% du PIB, des réserves de change appréciables de 60 milliards de dollars fin 2022, cependant, avec un endettement public interne en croissance qui approcherait63% du PIBen 2022 et auquel il faudra faire attention . Mais nous devons reconnaître que l’obstacle majeur à toute dynamisation économique estle cancer bureaucratique,tant au niveau central que local. Une loi n’étant qu’une loi,et pour relancer l’économie nationale on doit s’attaquer à l’écosystème.Bon nombre de directives en conseil des ministres, sur le plan économiquen’ont pas été toutesrespectées entre 2020/2022 etle président de la République l’a fait savoir dans différents conseils des ministres où certains départements ministériels sans comptercertains responsables au niveau local n’ont pas été la hauteur des nouveaux défis, avec surtout de l’activisme. Le président de la République n’apas besoin de louanges, etde discours et depromessesdéconnectés des réalités, pratique du passé,mais deréalisations effectives sur le terrain. Un sursaut national s’imposecar en cette fin d’année 2022 , il estreconnu que deux institutions assurentla stabilité et le développement de l’Algérie : Sonatrachsur le plan économique, etl’ANP avec les forces de sécuritéoù face ceaux tensions géostratégiques et l’instabilité ànos frontière.L’Algérie est considérée par la communauté internationale, grâce aux efforts de l’ANP et toutes nos forces de sécurité,comme un acteur clefdestabilisation de la région méditerranéenne et africaine. Pour un développement harmonieux face aux tensions internes et externess’impose un large front nationalimpliquantun dialogue permanent entre toutes les forces politiques, économiques et sociales, ne signifiant pasunanimisme signe de décadence de toute société mais tolérant les différentes sensibilités, personne n’ayant le monopole du patriotisme.

A.M.

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