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Crise entre l’Algérie et l’Espagne : Le vain lobbying de Madrid

Acculé et sous la pression de l’opposition et des opérateurs économiques, en raison de son revirement sur la question du Sahara occidental et des incidences de la crise diplomatique avec l’Algérie qui s’en est suivie, le gouvernement Sanchez tente le lobbying pour tenter de mettre fin à cette crise. Un lobbying quidemeure vain.

Dans la crise qui l’oppose à l’Algérie, l’Espagne veut le beurre et l’argent du beurre. En d’autres termes, Madrid veut une normalisation des relations algéro-espagnoles sans devoir s’amender ou retoucher à sa position sur le conflit du Sahara Occidental. Une position franchement anti-Sahraouie et donc pro-marocaine, qui comme tout le monde le sait, est à l’origine de la crise entre les deux pays.L’Espagne avait opéré le 18 mars dernier un changement radical et surprenant de sa position sur le Sahara occidental. Après avoir longtemps soutenu le plan onusien, Madrid avait en effet décidé de s’aligner sur les thèses coloniales marocaines, en apportant son soutien au prétendu plan d’autonomie du Maroc. Un plan qui n’est rien d’autre qu’une odieuse et scandaleuse tentative de légitimer une entreprise de spoliation des droits du peuple sahraoui. La sortie de Madrid avait scandalisé au plus haut point les autorités algériennes. Le revirement espagnol a été ressenti comme une trahison par les autorités algériennes, surtout que l’Algérie a pratiquement offert son marché aux Espagnols et chouchouté la péninsule ibérique en matière d’énergie. Il s’agissait d’un coup de poignard dans le dos.

La trahison du Chef du gouvernement espagnol est difficile à comprendre surtout que l’ancienne puissance coloniale au Sahara occidental a une responsabilité historique dans les souffrances du peuple sahraoui qui se bat depuis 1975 pour son indépendance. Face à ce changement de position de, l’Algérie qui soutient le combat du peuple sahraoui pour la tenue d’un référendum d’autodétermination, n’avait pas tardé à réagir. D’autant que selon le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, spécialiste des pays du Maghreb, Madrid n’a pas informé Alger de sa volonté de changer de position. L’Algérie a décidé le rappel de son ambassadeur à Madrid pour consultations, avec effet immédiat. Elle a par ailleurs suspendu le traité d’amitié et de bon voisinage qui la liait depuis 2002 à l’Espagne.

Dans une déclaration rendue publique le 8 juin 2022, la présidence de la République a mis l’accent sur le fait que « les autorités espagnoles se sont engagées dans une campagne tendant à justifier la position qu’elles ont adoptée sur le Sahara Occidental en violation de leurs obligations juridique, morale et politique de puissance administrante du territoire qui pèsent sur le Royaume d’Espagne jusqu’à ce que la décolonisation du Sahara Occidental soit déclarée accomplie par les Nations Unies ». « Ces mêmes autorités qui assument la responsabilité d’un revirement injustifiable de leur position depuis les annonces du 18 mars 2022 par lesquelles le gouvernement espagnol actuel a apporté son plein soutien à la formule illégale et illégitime de l’autonomie interne préconisée par la puissance occupante, s’emploient à promouvoir un fait accompli colonial en usant d’arguments fallacieux », a ajouté la même source.

Violation de la légalité internationale

Et pour les autorités algériennes, « cette attitude du gouvernement espagnol s’inscrit en violation de la légalité internationale que lui impose son statut de puissance administrante et aux efforts des Nations Unies et du nouvel envoyé personnel du secrétaire général et contribue directement à la dégradation de la situation au Sahara Occidental et dans la région ». Alger a également décidé de geler les domiciliations bancaires des opérations de commerce extérieur des produits et services depuis et vers l’Espagne.

Depuis, les échanges entre les deux pays, notamment commerciaux, se sont considérablement réduits. Ils sont aujourd’hui proches de zéro. Seules les exportations des hydrocarbures se sont poursuivies. Madrid voulait croire que la colère d’Alger serait de courte durée. « L’Algérie est un partenaire fiable », n’a cessé de répéter le ministre des affaires étrangères, José Manuel Albares. Las, force est de constater que le conflit est parti pour durer.

L’économie espagnole a beaucoup souffert de la crise. De nombreuses entreprises qui avaient l’habitude de faire affaire avec l’Algérie sont proches de la faillite. D’autres firmes ibériques ont perdu jusqu’à 30% de leur chiffre d’affaires en l’espace d’à peine quelques mois. Le désastre continue. La colère des hommes d’affaires espagnols n’a pas tardé à monter. Ils reprochent à Pedro Sanchez sa bourde diplomatique. Sous pression, Pedro Sanchez et son gouvernement sont mis en demeure par la classe politique et les industriels de régler le problème avec Alger.  Pour tenter de débloquer la situation, Madrid s’est engagé depuis le début de la crise dans une opération de lobbying au niveau des institutions européennes. Le but : amener Bruxelles à faire pression sur l’Algérie pour qu’elle ouvre à nouveau son marché aux entreprises espagnoles. Mais jusque-là, l’Algérie est restée inflexible. Dans une interview au début de la semaine à l’agence Europa Press, le chef de la diplomatie espagnole José Manuel Albares a tenté une nouvelle manœuvre d’approche qui risque d’ailleurs de ne rien apporter. Il a affirmé que le gouvernement de son pays maintient sa « main tendue » à l’égard d’Alger, se disant convaincu que la relation entre les deux pays peut être « réorientée ».

Albares reconnaît cependant que Madrid ne peut pas infléchir la position d’Alger. Il révélera à l’occasion que des contacts entre l’Union européenne et l’Algérie. «C’est l’UE qui a les instruments, tant pour le dialogue que pour la réponse, et il y a des contacts entre les autorités européennes et algériennes », a-t-il indiqué, sans donner de détails sur la nature de ces contacts. Des observateurs à Alger disent que le gouvernement de Pedro Sanchez n’a rien à attendre des contacts en question. Alger a émis des conditions pour un retour à la normale. Et il les connaît. Il est d’ailleurs peu probable qu’une normalisation puisse se faire tant qu’il est toujours au pouvoir.Des sources diplomatiques algériennes ont assuré il y a quelques mois au journal espagnol El Confidencial que les relations entre les deux pays resteront brouillées tant que Pedro Sanchez et son ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares resteront en poste. Ces sources avaient indiqué que le président algérien Abdelmadjid Tebboune « n’est pas disposé à se réconcilier avec l’Espagne alors que Sanchez est à la tête du gouvernement et José Manuel Albares est le chef de la diplomatie espagnole ».  Il n’y a pas plus clair.

Khider Larbi

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