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Crise malienne : Le risque d’un retour à la case départ augmente

La fusion des mouvements CMA intervient dans un contexte de forte détérioration des relations entre les groupes armés signataires de l’Accord de paix d’Alger et Bamako.

C’était l’une de ses priorités. Lorsqu’il a pris la présidence tournante de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) en juillet 2022, Alghabass Ag Intalla s’était promis d’œuvrer au rassemblement des mouvements rebelles de l’Azawad, région du nord-malien. C’est désormais chose faite. Mercredi 8 février, les principaux représentants de ces mouvements touaregs se sont réunis à Kidal pour annoncer leur fusion en une seule entité politico-militaire. Le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), le HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad) et le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) ne font désormais plus qu’un. Il faut dire que l’idée, déjà évoquée en 2012 – l’année de la rébellion dans le Nord du Mali -, était dans l’air depuis longtemps. Alghabass Ag Intalla, le chef du HCUA, en est l’un des principaux défenseurs. En 2019, Ag Intalla avait plaidé aussi pour la création d’un mouvement politique « capable de prendre en charge les préoccupations des populations de l’Azawad dans le cadre de la construction nationale ».

Bien qu’officiellement annoncée mercredi dernier, la fusion n’est pas encore effective. Ses contours restent à définir. « Une commission doit être mise en place pour affirmer les modalités pratiques de la fusion, ainsi que la forme que prendra la nouvelle organisation unifiée », a expliqué à la presse Mohamed El Maouloud Ramadane, cadre de la CMA. La nouvelle structure née de cette fusion va définir ses objectifs lors d’un congrès qui devrait bientôt se tenir.  Le système actuel de présidence tournante au sein de la CMA, qui permet aux trois mouvements de se succéder tous les six mois, devrait toutefois laisser place à une présidence fixe, dont la durée du mandat n’est pas encore fixée. Quel que soit le nom de leur nouveau groupe, les responsables de la CMA ont assuré que « les portes seront ouvertes aux groupes signataires ou non signataires, comme les organisations de la société civile ».

Cette fusion des mouvements CMA intervient dans un contexte de forte détérioration des relations entre les groupes armés signataires de l’Accord de paix d’Alger et Bamako. Les anciens rebelles ont en effet annoncé leur suspension de leur participation aux mécanismes de suivi et de mise en œuvre du dit accord en décembre dernier. La raison ? La CMA reproche aux autorités maliennes de transition de traîner les pieds dans son application. « Plus l’État néglige ou abandonne l’espace de dialogue, plus la mise en œuvre de l’accord est menacée, plus les mouvements armés tendent à unifier leurs forces et à sécuriser leur région », estime un spécialiste du Mali.

La médiation internationale a bien multiplié ces dernières semaines les tentatives pour ramener les protagonistes à la table des négociations. Ces tentatives se sont cependant avérées infructueuses. Entre-temps, le fossé se creuse chaque jour un peu plus entre la CMA et Bamako. La volonté des anciens rebelles était d’élargir leurs rangs et de former un front commun intervient à un moment où le dialogue avec Bamako semble rompu. Les autorités maliennes de transition semblent avoir d’autres priorités. Ce flottement dans l’immédiat a pour conséquence de raviver le sentiment séparatiste dans le Nord. Une moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres, comme ces propos incendiaires tenus dimanche par Amadou Albert Maïga, haut responsable du Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la transition malienne.

Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, il a annoncé une guerre à venir entre les forces maliennes et les groupes armés signataires. «La tête du serpent est à Kidal », « la guerre est inévitable», a estimé Amadou Albert Maïga, premier secrétaire parlementaire du Conseil national de transition. « Nous allons marcher, s’il le faut, sur ces groupes armés rebelles. Nous avons aujourd’hui une armée équipée et puissante qui peut frapper à la vitesse de la lumière», a menacé ce fidèle soutien des autorités en place. « Nous allons faire cette guerre pour libérer notre pays du joug du colonialisme, du terrorisme et de la rébellion », a poursuivi Amadou Albert Maïga qui accuse tout le monde de partager une stratégie commune.

Bien évidemment cette menace a été prise très au sérieux dans le nord-malien. La CMA a d’ailleurs immédiatement « pris la communauté internationale à témoin » et « condamné » des «déclarations va-t-en-guerre». «Nous les prenons au sérieux », explique Mohamed el Maouloud Ramadane, l’un des porte-parole de la CMA, « car cela fait apparemment suite à une rencontre avec le président » de transition, le colonel Assimi Goïta. Cette sortie a-t-elle été vraiment inspirée par la présidence malienne ? Si tel est le cas, il faudrait peut-être s’en inquiéter très sérieusement.

Khider Larbi

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