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Des perspectives incertaines de l’économie mondiale en 2023 : Quel impact sur l’Algérie ?

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international.

L’Algérie, une économie extériorisée , à travers ses importations et ses exportations, se doit d’être attentive à l’évolution de l’économie mondiale. Le rapport du FMI d’avril 2023 annonce des prévisions assez pessimistes.

Ce rapport est structuré en quatre chapitres : chapitre 1 : perspectives et politiques mondiales, chapitre 2 : le taux d’intérêt naturel : facteurs déterminants et implications pour les politiques publiques, chapitre 3 : retour à la réalité : faire face à l’envolée de la dette publique, et chapitre 4 : Fragmentation géoéconomique et investissement direct étranger.

Le rapport note que les perspectives de l’économie mondiale sont incertaines, dans un contexte caractérisé par les perturbations du secteur financier, le niveau élevé de l’inflation, les effets de la guerre en Ukraine et l’héritage de trois années de pandémie de COVID-19 et sous l’effet des perturbations des chaînes d’approvisionnement et de l’accentuation des tensions géopolitiques, les éventuels bienfaits et désavantages de la fragmentation géoéconomique se retrouvent au cœur du débat de politique économique de tous les Etats. D’après ce rapport , les risques pour la stabilité financière augmentent rapidement, à mesure que la hausse de l’inflation et les risques de fragmentation mettent à l’épreuve les capacités d’adaptation du système financier mondial. L’inflation globale mondiale accéléré par l’endettement des Etats où le montant total de la dette mondiale publique et privée est estimé en 2022 à environ 300.000 milliards de dollars,, contre 226.000 en 2020 a été de 8,7 % en 2022 avec une estimation pour 2023 à 7 % sous l’effet de la baisse des prix des produits de base, mais l’inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie) r la plupart des pays, ne devrait pas revenir à son niveau, pas avant 2025. Le relèvement des taux d’intérêts des banques centrales pour juguler l’inflation a eu un effet pervers sur la croissance de l’économie mondiale et par ricochet pénalise bon nombre de pays en voie de développement qui ont une dette extérieure relativement élevé. Ce rapport rappelle les récentes faillites et scandales financiers ce qui renvoient à l’urgence de la refonte du système monétaire international actuel, comme la faillite de banques américaines spécialisées dans les crypto-monnaies dont la Silicon Valley Bank (SVB), la “banque de la tech” et de Signature Bank, également proche du monde des cryptos. Nous avons eu , la faillite du Crédit Suisse et son rachat par USB pour trois milliards de francs suisses suite à l’accord de fin mars 2023, banque qui compte parmi les 30 plus importantes banques du monde et afin d’éviter un impact systémique, la Banque nationale suisse (BNS), ayant accepté de débloquer des liquidités pour 100 milliards de dollars. Nous avons eu également récemment de nouveaux scandales financiers touchant cinq établissements bancaires français : la Société générale, BNP Paribas, Natixis, HSBC et Exane, une filière de la BNP Paribas spécialiste des investissements financiers avec une fraude fiscale estimée provisoirement à plus de 150 milliards d’euros. .( voir mon intervention le 15 avril 2023 de 17h30à 18h à la télévision international Alg 24 New’s dans le cadre d’une émission traitant du rapport du FMI d’avril 2023).

Cependant il faut replacer tous ces indicateurs dans leur contexte pur des comparaisons objectives. Prenons par exemple le PIB en 2022. Celui des des USA a été de 24.796 milliards de dollars , la Chine 18.460 milliards de dollars ( 72% du PIB des BRICS) et l’Europe 17.180 y compris le Royaume Uni accaparent plus de 60% du PIB mondial estimé à 100.000 milliards de dollars en 2022 alors que le PIB de l’ensemble du continent africain approche les 2.980 milliards de dollars, avec la perspective qu’il atteigne en 2027 4.600 milliards de dollars, sous réserve de l’impulsion de la zone de libre échange et d’une plus forte intégration sous régionales ( 11/12% actuellement) , un PIB largement inférieur à celui d’un seul pays l’Allemagne avec 3.867 milliards de dollars. Il reste donc un long chemin à parcourir pour l’Afrique. D’après les prévisions de référence, la croissance devrait ralentir de 3,4 % en 2022 à 2,8 % en 2023, avant de s’établir à 3,0 % en 2024. Les pays avancés ont eu 2,7% de taux de croissance en 2022 et une prévision de 1,3% en 2023 dont : les USA 3,4% en 2022 e t2,8% en 2023, la zone euro 3,5% en 2022 et 0,8% en 2023. Pour les pays émergents et pays à revenus intermédiaires nous avons 3,9% en 2022 et taux identique en 2023 et les pays en voie de développement 5 % en 2022 et 4,7% en 2023 et pour les locomotives des pays émergents nous avons la Chine 3,0% en 2022 et 5,2% en 2023, mais loin des taux de croissance de 7/8% du passé pour absorber la demande d’emploi du fait de la forte croissance démographique. Les bourses seront attentives donc à l’évolution de l’économie chinoise où selon le Consensus Bloomberg de décembre 2022, la Chine ferait en effet face à quatre défis majeurs en 2023 : premièrement , malgré l’annonce de l’abandon de la stratégie « zéro Covid », la nouvelle vague de contaminations constitue une réelle menace, et devrait retarder la reprise de la consommation privée ; deuxièmement, la crise immobilière, qui a éclatée fin 2021, s’est amplifiée en 2022 et continuerait de peser sur l’activité en 2023 ; troisièmement, après un important soutien public en 2022, les marges de manœuvres des autorités budgétaires et monétaires ne semblent pas aussi larges qu’il n’y paraît – quatrièmement les incertitudes au niveau local interrogent sur les chiffres de croissance en Chine, le contexte international ne s’avère guère plus favorable et pourrait se traduire par un fort ralentissement de la demande externe. Pour d’autres pays clefs nous avons : l’Inde 6,8% en 2022 et 5,2% en 2023, la Russie 2,1% en 2022 et 0,7% en 2023, le Brésil 2,9% en 2022 et 0,9% en 2023, le Mexique 3,1% en 2022 et 1,8% en 2023 , le Nigeria 3,3% en 2022 et 3,2% en 2023 et l’Afrique du Sud 2,0% en 2022 et 0,1% en 2023.

Quelles prévisions pour l’Algérie ?

Concernant l’Algérie, pour le FMI , le taux de croissance a été de 3,7% en 2022 et est estimé à 2,6% en 2023. Cette baisse est due à la baisse du cours des hydrocarbures par rapport à l’année 2022 et certainement à la sécheresse qui frappe pas seulement l’Algérie mais l’Afrique du Nord avec une baisse du rendement de l’agriculture, pour le blé des deux greniers à savoir Tiaret et Sétif. Cette croissance relativement positive par rapport à bon nombre de pays, où le relèvement des taux d’intérêts des banques centrales a un effet limité sur l’Algérie, la dette extérieure étant faible , inférieure à 3% du PIB en 2022, mais en baisse s’explique par la réduction moyenne du cours du pétrole estimée en 2023 entre 80/85 dollars le baril contre 106 dollars en 2022, et 72 dollars en 2021, et 10/12 dollars pour le gaz, le million de BTU contre 15/16 dollars en 2022 et 5/6 en 2021. Le taux de croissance est soutenu par la forte hausse des prix des dérivées inclus d’ailleurs dans la rubrique hors hydrocarbures pour près de 60%, notamment les engrais dont les prix mondiaux ont une connu une forte hausse depuis fin 2021 où au cours de l’année 2022, les prix de l’urée, et l’engrais azoté sont passés de 260 euros la tonne en 2020 à 900 euros fin 2021, pour atteindre 1040 euros la tonne en avril 2022 , les prix des engrais étant passés d’une moyenne de 850 dollars la tonne fin 2022 à 1000 dollars la tonne depuis janvier 2023. Pour le mois de mars les prix de cession de Sonatrach se situent à un cours relativement élevé 83,5 dollars pour le pétrole, 16,5 dollars le MBTU pour le gaz et pour les dérivées 711 dollars la tonne métrique –MT- pour le condensat ,693 dollars la tonne métrique pour le GPL. Si cette tendance se confirme entre avril et décembre 2023, les recettes prévues pour Sonatrach se situeraient entre 50/55 milliards de dollars pour 2023 contre 60 en 2022, Aussi, la crise mondiale avec l’inflation mondiale pénalise les pays mono exportateurs d’hydrocarbures comme l’Algérie (98% de ses recettes en devises avec les dérivées) avec l’accroissement de leur facture d’importation. La contrainte principale pour augmenter ses exportations, outre un investissement massif et de changer de modèle de consommation énergétique en développant les énergies renouvelables et l’hydrogène vert, ce sont les subventions appliquées aux carburants( environ 20% du prix international) où la consommation intérieure connaît une croissance vertigineuse alarmante : sur une production de 1 millions de barils/j de pétrole, la consommation intérieure, moyenne pour 2022, représente presque le volume des exportations environ 500.000 baril/j . La structuration est presque identique pour le gaz: pour une production de 130 milliards de mètres cubes gazeux, nous avons 20/25% d’injection dans les puits pour éviter leur épuisement, 55 milliards de mètres cubes d’exportation et 45 % pour la consommation intérieure et à ce rythme en 2030, elle pourrait dépasser les exportations, sauf découvertes importantes rentables devant souligner que l’on peut découvrir des milliers de gisements non rentables, la rentabilité étant fonction du coût et du vecteur du prix international.

En conclusion, l’objectif stratégique pour l’Algérie à moyen terme, en évitant les erreurs du passé de vivre sur l’illusion d’une rente éternelle, la véritable richesse d’une Nation reposant sur la bonne gouvernance , le travail et l’intelligence, est la diversification de l’économie, devant favoriser l’émergence d’entreprises concurrentielles dans le cadre des avantages comparatifs. Pour être un acteur actif au niveau des BRICS, l’Algérie qui postulera à l’adhésion lors du prochain sommet , selon le président de la République, dans une première phase en tant qu’observateur, devra faire passer son PIB de 190 milliards de dollars 2022 à 400/500 milliards de dollars entre 2025/2027.

A.M.

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