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La Russie suspend l’accord céréalier : Quel impact sur les marchés céréaliers ?

La Russie a annoncé hier la suspension de l’accord céréalier qui permettait jusque-là l’exportation de céréales ukrainiennes via la Mer Noire. Une suspension qui fait craindre des conséquences sur les marchés céréaliers mondiaux.

C’était dans l’air depuis quelques jours. La Russie a fait part, dès le mois de juin dernier de son intention de mettre fin à l’accord céréalier signé l’an dernier sous l’égide de l’ONU et avec une médiation turque. Hier le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a annoncé la fin « de facto » de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes. La Russie ne renonce pas cependant définitivement à l’accord et affiche sa disposition à le reconduire, sous condition.

Le porte-parole du Kremlin a ainsi indiqué que « dès que la partie (des accords) concernant la Russie sera satisfaite, la Russie reviendra immédiatement à l’accord sur les céréales ».

Selon l’agence de presse russe Sputnik, Moscou a notifié officiellement Ankara, Kiev et l’Onu de ses objections à la reconduction de l’accord céréalier, selon la diplomatie russe.

Parmi les conditions obligatoires pour le maintien de la première partie de l’accord céréalier, la Russie avance la reconnexion de la banque agricole russe Rosselkhozbank au réseau SWIFT, ainsi que la relance des exportations de machines agricoles.

Moscou demande également l’annulation des restrictions à l’assurance ainsi que la levée de l’interdiction d’accès aux ports. De plus, figure parmi les conditions le dégel des activités financières des producteurs et transporteurs russes d’engrais et de produits agricoles.

Enfin, il s’agit de rétablissement de l’approvisionnement en ammoniac par le pipeline Togliatti-Odessa, reliant la Russie à l’Ukraine. Début juin, la Russie a indiqué qu’un tronçon de ce tuyau avait été détruit par l’Ukraine.

La mise en œuvre de l’initiative doit complètement prendre fin à partir du 18 juillet, selon une note, livrée à Kiev via l’ambassade russe en Biélorussie.

Il faut dire que le président russe Vladimir Poutine a dénoncé à plusieurs reprises la non-application complète de l’accord, notamment les clauses relatives à l’exportation des produits alimentaires et engrais russes, qui devait accompagner celle des produits ukrainiens. Il a également dénoncé le fait que cet accord n’a jamais atteint son objectif, soit garantir l’accès des pays les plus pauvres aux produits alimentaires.  Il a aussi jugé samedi que « le principal objectif de l’accord, la livraison de céréales aux pays dans le besoin, notamment sur le continent africain » n’était « pas réalisé ».  Signé en juillet 2022 sur les rives du Bosphore et déjà reconduit à deux reprises, l’accord permettant à l’Ukraine d’exporter ses céréales par la mer Noire a permis, sur l’année écoulée, de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, en dépit du conflit. Cependant, Vladimir Poutine a souligné au mois de mars dernier que seuls 3 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ont été livrés à l’Afrique, et seulement 1,3 millions de tonnes aux pays les plus pauvres contre 12 millions de tonnes de céréales livrées par la Russie. Pour sa part, le Centre de coordination de l’Onu chargé du suivi de l’opération d’exportation de céréales ukrainiennes a avoué que ces dernières ont surtout profité aux pays développés et à la Turquie. Selon les données qu’il a publiées, seuls 10% du maïs et 40% du blé expédiés à travers cet accord ont atteint les pays pauvres ou à revenu intermédiaire inférieur. Les échanges avec les pays riches se sont au contraire accentués côté ukrainien, affirme l’organisme basé à Istanbul.

En tout état de cause, la suspension de cet accord suscite des craintes quant à l’impact sur les prix sur les marchés mondiaux. Le Secrétaire général de l’ONU a regretté hier cette suspension. « La décision prise aujourd’hui par la Fédération de Russie portera un coup aux personnes dans le besoin à travers le monde », a déclaré Antonio Guterres à la presse, au siège de l’ONU à New York. De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est dit convaincu que « Poutine veut poursuivre l’accord » permettant l’exportation des céréales d’Ukraine en mer Noire.Pour sa part, Moscou a promis de livrer gratuitement des céréales aux pays les plus démunis, en cas de non-reconduction de l’accord.

Lyes Saïdi

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